Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 30 avril 2023 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français avant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2301605 du 15 novembre 2023, le vice-président désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2023, M. C..., représenté par Me Dragana Bulajic, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 avril 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise de réexaminer sa situation, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de prendre toute dispositions utiles pour mettre fin au signalement Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet a commis une erreur de fait en considérant que sa présence sur le territoire français représente une menace pour l'ordre public ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- elle est disproportionnée ;
- l'interdiction de retour est disproportionnée.
La requête a été communiquée à la préfète de l'Oise, qui n'a pas produit de mémoire en défense, malgré une mise en demeure.
Par une ordonnance du 18 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant kosovar, né le 12 novembre 1987, est entré le 29 décembre 2015 sur le territoire français avec son épouse et leur premier enfant. Il a sollicité le bénéfice de l'asile le 26 janvier 2016 qui lui a été refusé par une décision de l'Office français des réfugiés et des apatrides le 30 mars 2016, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 28 juillet 2016. Par un premier arrêté du 3 octobre 2016, le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Il a présenté le 31 janvier 2019 une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un deuxième arrêté du 8 novembre 2019, le préfet de l'Oise lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le Kosovo comme pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Le rejet de sa demande de réexamen d'asile a été suivi par un troisième arrêté du 11 août 2021 par lequel la préfète de l'Oise a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le Kosovo comme pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire pendant une durée de deux ans. Interpelé à Creil le 29 avril 2023, il a été placé en rétention administrative. Par un quatrième arrêté du 30 avril 2023, la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français avant une durée d'un an. M. C... relève appel du jugement du 15 novembre 2023 par lequel le vice-président désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".
3. Pour obliger M. C... à quitter le territoire français, la préfète de l'Oise s'est notamment fondée sur les dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que son comportement constitue une menace pour l'ordre public. Pour établir la réalité de cette menace, l'administration ne produit aucun élément alors que l'appelant précise qu'il n'a jamais été poursuivi ni condamné pour quelque infraction pénale que ce soit. En l'absence de réponse de la préfecture à ce moyen, il y a lieu de considérer que la présence en France de M. C... ne représente pas une menace à l'ordre public.
4. Toutefois, l'obligation de quitter le territoire français contenue dans l'arrêté du 30 avril 2023 est également motivée par l'entrée irrégulière de l'étranger sur le territoire français et l'absence de titre de séjour en cours de validité. Ainsi, la situation de l'appelant entre dans les prévisions du 1° de l'article L. 611-1 précité et, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de considérer que la préfète de l'Oise aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur ce fondement. Dès lors, il convient de neutraliser le motif illégal tiré de la menace à l'ordre public. Par suite, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait doit être écarté.
5. En deuxième lieu, M. C... est marié avec une compatriote en situation irrégulière faisant l'objet d'un arrêté du 11 août 2021 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français. Le couple a eu un second enfant né en France le 1er novembre 2017. L'appelant, qui a fait l'objet de trois précédentes obligations de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécutées, ne fait état d'aucune insertion particulière, hormis une activité professionnelle non déclarée dans le secteur du bâtiment. Dans les circonstances de l'espèce, alors que la cellule familiale peut se reconstituer dans le pays d'origine où l'appelant a vécu la majeure partie de sa vie et où il ne ressort pas des pièces du dossier que ses enfants ne puissent poursuivre leur scolarité, en prenant l'arrêté attaqué, la préfète de l'Oise n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ni porté atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants. Ainsi, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.
6. En troisième lieu, pour motiver sa décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, la préfète de l'Oise a rappelé les dispositions applicables des articles L. 612-1 et L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a indiqué qu'il existe un risque que l'étranger se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet et a précisé que M. C... est entré irrégulièrement sur le territoire français, s'est soustrait à l'exécution de trois précédentes mesures d'éloignement, ne représente pas de garanties de représentation suffisantes, ne dispose pas de documents d'identité et de voyage en cours de validité et ne justifie pas d'un domicile personnel stable connu de l'administration. Ainsi, la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, qui énonce avec suffisamment de précisions les circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée. Par suite, ce moyen doit être écarté.
7. En quatrième lieu, si M. C... soutient que son domicile est connu de l'administration, que ses enfants sont scolarisés et qu'il dispose de garanties de représentation suffisantes, il est constant qu'il s'est soustrait à l'exécution de trois précédentes mesures d'éloignement et que, pour ce seul motif, prévu par le 5° de l'article L. 612-3 du code précité, l'administration pouvait légalement considérer qu'il existe un risque qu'il se soustraie à la présente décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est disproportionné doit être écarté.
8. En dernier lieu, pour fixer la durée de l'interdiction de retour à un an, la préfète de l'Oise a pris en compte la durée de présence sur le territoire français de M. C..., la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, la circonstance qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement et que sa présence représente une menace pour l'ordre public. Si ce dernier motif manque en fait, ainsi qu'il a été précisé au point 3, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui n'invoque aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel de nature à faire obstacle à l'édiction d'une interdiction de retour, n'a pour seules attaches en France que son épouse et ses enfants, qui, au demeurant, peuvent l'accompagner dans leur pays d'origine, et s'est déjà soustrait à trois précédences obligations de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour pour une durée d'un an est disproportionnée doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 avril 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 9 juillet 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 août 2024.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de la formation de jugement,
Signé : M. B...
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°23DA02310