Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme ... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 1er mars 2021 par laquelle Pôle emploi a refusé de lui accorder le bénéfice de la garantie individuelle du pouvoir d'achat et la décision du 9 mars 2021 par laquelle Pôle emploi a refusé de régulariser sa situation vis-à-vis de l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC).
Par un jugement n° 2101708 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 1er mars 2021 et a rejeté le surplus des conclusions d'annulation de Mme A....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 juillet 2023 et le 21 mars 2024, Pôle emploi, devenu depuis l'opérateur France travail, représenté par Me Lonqueue, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 mai 2023 en tant qu'il donne satisfaction à Mme A... ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Rouen contre la décision du 1er mars 2021 ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne comporte pas les signatures prévues par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- les conclusions incidentes présentées en appel contre ce jugement en tant qu'il rejette les conclusions d'annulation de la décision du 9 mars 2021 soulèvent un litige distinct et sont irrecevables ;
- Mme A... ne remplit pas les conditions pour bénéficier de la garantie individuelle du pouvoir d'achat au titre des années 2018, 2019 et 2020 dès lors qu'elle a été placée en congé sans traitement au cours de la période du 2 au 30 juin 2017, et n'a donc pas été employée de façon continue au cours de la période de référence permettant la mise en œuvre de cette garantie ;
- l'absence d'exercice effectif des fonctions pendant cette période de référence fait obstacle au versement de la garantie individuelle du pouvoir d'achat ;
- une absence d'exercice effectif des fonctions n'est pas subordonnée à la suspension du contrat de travail ;
- le caractère professionnel de la maladie ayant justifié le congé de Mme A... en 2017 est sans incidence sur son droit éventuel à la garantie individuelle du pouvoir d'achat ;
- la circonstance qu'elle a été indemnisée pendant cette période de congé n'implique pas qu'elle a été rémunérée ;
- les conclusions d'annulation présentées contre la décision du 9 mars 2021 sont irrecevables ;
- les décisions contestées ont été prises par une autorité compétente ;
- ces décisions, qui ne sont pas soumises à l'obligation de motivation, sont suffisamment motivées ;
- elles ne sont entachées d'aucune erreur de droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2023, Mme A..., représentée par Me Callon, conclut au rejet de la requête, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 9 mars 2021, à l'annulation de cette décision, à ce qu'il soit enjoint à Pôle emploi de procéder à un nouvel examen de ses droits à la garantie individuelle du pouvoir d'achat et de ses droits à la retraite, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Pôle emploi sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions contestées sont entachées d'incompétence ;
- ces décisions sont insuffisamment motivées ;
- elle remplit les conditions pour l'attribution de la garantie individuelle du pouvoir d'achat ;
- elle est privée d'une part substantielle de ses droits à pension en raison de la négligence de l'employeur.
Par une ordonnance du 2 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 30 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le décret n° 2008-539 du 6 juin 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public,
- et les observations de Me Wa Nsanga Allegret, représentant l'opérateur France travail.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a rejoint le 2 mai 1985 les services de l'Agence nationale pour l'emploi, à laquelle a succédé Pôle Emploi, afin d'exercer les fonctions d'agent administratif puis de conseiller, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Ayant atteint le quatorzième et dernier échelon de cet emploi en octobre 2013 et sa situation indiciaire n'ayant pas évolué depuis plusieurs années, elle a demandé à bénéficier de la garantie individuelle du pouvoir d'achat, prévue par le décret n° 2008-539 du 6 juin 2008, pour les années 2018, 2019 et 2020. Par une décision du 1er mars 2021, Pôle emploi a rejeté la demande de Mme A... au motif que, s'étant trouvée en congé sans traitement du 2 au 30 juin 2017 au cours de la période de référence prise en compte pour l'examen des conditions d'éligibilité, elle ne pouvait prétendre à la garantie individuelle du pouvoir d'achat. Mme A... a également sollicité de Pôle Emploi la rectification de diverses anomalies affectant selon elle le relevé de ses droits à pension adressé par l'IRCANTEC. Par un courriel du 9 mars 2021, Pôle Emploi l'a invitée à réitérer sa demande deux mois avant son départ à la retraite. Mme A... a demandé l'annulation des décisions des 1er et 9 mars 2021 au tribunal administratif de Rouen qui, par un jugement du 30 mai 2023, a annulé la décision du 1er mars 2021 et a rejeté comme irrecevables ses conclusions présentées contre celle du 9 mars 2021. Pôle emploi, devenu depuis l'opérateur France travail, relève appel de ce jugement en tant qu'il annule la décision du 1er mars 2021 refusant le bénéfice de la garantie individuelle du pouvoir d'achat. Par la voie d'un appel incident, Mme A... réitère devant la cour sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 mars 2021 concernant ses droits à pension.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort des pièces de la procédure que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures requises par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'une irrégularité, faute d'être revêtu des signatures du président, du rapporteur et du greffier, doit être écarté.
Sur la recevabilité des conclusions d'appel incident :
4. L'opérateur France travail demande l'annulation du jugement attaqué en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 1er mars 2021 refusant à Mme A... le bénéfice de la garantie individuelle du pouvoir d'achat. L'appel incident présenté par Mme A..., après l'expiration du délai d'appel, tendant à l'annulation de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions d'annulation du courriel du 9 mars 2021 lui indiquant que sa situation, au regard de ses droits à pension, sera examinée deux mois avant son départ à la retraite soulève un litige distinct de celui soumis à la cour par l'appel principal. Par suite, l'appelant est fondé à soutenir que les conclusions présentées par Mme A... sont irrecevables et doivent être rejetées.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Aux termes de l'article 1er du décret du 6 juin 2008 relatif à l'instauration d'une indemnité dite de garantie individuelle du pouvoir d'achat : " Une indemnité dite de garantie individuelle du pouvoir d'achat est attribuée dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent décret aux fonctionnaires mentionnés à l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 (...) / Nonobstant les dispositions figurant dans leur contrat, cette garantie est également applicable : - aux agents publics non titulaires des administrations de l'Etat (...) et de leurs établissements publics (...), recrutés sur contrat à durée indéterminée et rémunérés par référence expresse à un indice (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " La garantie individuelle du pouvoir d'achat résulte d'une comparaison établie entre l'évolution du traitement indiciaire brut (TIB) détenu par l'agent sur une période de référence de quatre ans et celle de l'indice des prix à la consommation (IPC hors tabac en moyenne annuelle) sur la même période. Si le TIB effectivement perçu par l'agent au terme de la période a évolué moins vite que l'inflation, un montant indemnitaire brut équivalent à la perte de pouvoir d'achat ainsi constatée est versé à chaque agent concerné (...) ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " (...) / Pour la mise en œuvre de la garantie en 2018, la période de référence est fixée du 31 décembre 2013 au 31 décembre 2017 pour l'application de la formule figurant à l'article 3 ci-dessus, servant à déterminer le montant de la garantie versée. / Pour la mise en œuvre de la garantie en 2019, la période de référence est fixée du 31 décembre 2014 au 31 décembre 2018 pour l'application de la formule figurant à l'article 3 ci-dessus, servant à déterminer le montant de la garantie versée. / Pour la mise en œuvre de la garantie en 2020, la période de référence est fixée du 31 décembre 2015 au 31 décembre 2019 pour l'application de la formule figurant à l'article 3 ci-dessus, servant à déterminer le montant de la garantie versée (...) ". Enfin, aux termes de l'article 9 du décret : " Pour être éligibles à la garantie individuelle du pouvoir d'achat, les agents publics mentionnés au 1er alinéa de l'article 1er du présent décret doivent avoir été rémunérés sur un emploi public pendant au moins trois ans sur la période de référence de quatre ans prise en considération. / Pour être éligibles à la garantie individuelle du pouvoir d'achat, les agents contractuels doivent avoir été employés de manière continue sur la période de référence de quatre ans prise en considération, par le même employeur public (...) ".
6. Par ailleurs, aux termes de l'article 14 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application des articles 7 et 7 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " L'agent non titulaire en activité bénéficie, en cas (...) de maladie professionnelle, d'un congé pendant toute la période d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de la blessure (...). / Dans cette situation, nonobstant les dispositions de l'article L. 433-2 du livre IV du code de la sécurité sociale, les indemnités journalières sont portées par l'administration au montant du plein traitement : (...) - pendant trois mois après trois ans de services. / A l'expiration de la période de rémunération à plein traitement, l'intéressé bénéficie des indemnités journalières prévues dans le code susvisé qui sont servies (...) par l'administration pour les agents recrutés ou employés à temps complet ou sur des contrats d'une durée supérieure à un an ". Aux termes de l'article 16 du même décret : " L'agent contractuel qui cesse ses fonctions pour raison de santé (...) et qui se trouve sans droit à congé rémunéré est : - en cas de maladie, placé en congé sans traitement pour maladie pour une durée maximale d'une année si l'incapacité d'exercer les fonctions est temporaire. (...) / Si l'agent se trouve placé à l'issue d'une période de congé sans traitement dans une situation qui aurait pu lui permettre de bénéficier d'un des congés prévus aux articles 14 et 15 ci-dessus, le bénéfice de ce congé lui est accordé ".
7. Pour refuser à Mme A... le bénéfice de la garantie individuelle du pouvoir d'achat au titre des années 2018, 2019 et 2020, l'administration a retenu qu'ayant été placée en congé de maladie sans traitement du 2 au 30 juin 2017 en application de l'article 16 du décret précité du 17 janvier 1986, elle n'avait accompli aucun service effectif au cours de son congé sans traitement et ne pouvait donc être regardée comme employée de manière continue au cours des périodes de référence prises en compte pour le calcul de la garantie.
8. Toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article 9 du décret du 6 juin 2008 que, pour les agents contractuels, le bénéfice de la garantie individuelle du pouvoir d'achat est subordonné à une durée d'emploi et non à une durée de rémunération au cours de la période de référence. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas sérieusement contesté que Mme A... a été placée en congé en raison d'une maladie professionnelle jusqu'au 30 juin 2017. Si, selon les bulletins de paie versés au dossier, l'intéressée a perçu, en juin 2017, les indemnités journalières prévues par le code de la sécurité sociale à l'expiration de la période de rémunération à plein traitement, ainsi qu'il est prévu par l'article 14 du décret du 17 janvier 1986, cette circonstance n'a pas été de nature à la priver de son emploi. Dans ces conditions, Pôle emploi ne pouvait refuser d'accorder la garantie individuelle du pouvoir d'achat au motif que Mme A... n'avait pas été employée de manière continue au cours des périodes de référence.
9. Il résulte de tout ce qui précède que l'opérateur France travail n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 1er mars 2021.
Sur les conclusions présentées à fin d'injonction :
10. Le tribunal administratif de Rouen a enjoint à l'administration de réexaminer le droit de Mme A... au bénéfice de la garantie individuelle du pouvoir d'achat au titre des années 2018, 2019 et 2020 dans un délai d'un mois à compter de la notification de son jugement. Il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas même allégué que l'administration aurait omis de répondre aux mesures décidées par les premiers juges. Dans ces conditions, les conclusions à fin d'injonction, réitérées en appel par Mme A..., ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont l'appelant demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'opérateur France travail la somme de 2 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Pôle emploi, devenu France travail, est rejetée.
Article 2 : Pôle emploi, devenu France travail, versera une somme de 2 000 euros à Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel de Mme A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Pôle emploi, devenu France travail, et à Mme B... A....
Délibéré après l'audience publique du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 novembre 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne à la ministre du travail et de l'emploi en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière
C. Huls-Carlier
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N° 23DA01507