Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel le maire de la commune d'Avesnes-sur-Helpe a prononcé son licenciement, sans préavis, ni indemnités.
Par un jugement n° 2104572 du 10 juillet 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Dubrulle, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel le maire de la commune d'Avesnes-sur-Helpe a prononcé son licenciement, sans préavis, ni indemnités ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Avesnes-sur-Helpe, le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que la minute n'a pas été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- son licenciement est illégal dans la mesure où le conseil de discipline a rendu son avis au-delà du délai d'un mois ou en tout état de cause celui de deux mois, prévu par les dispositions de l'article 13 du décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;
- cette décision a été prononcée à l'issue d'une procédure irrégulière, le conseil de discipline n'étant composé que d'un représentant des collectivités territoriales et d'un représentant du personnel, alors qu'en vertu de l'article 24 du décret n° 2016-1858 du 23 décembre 2016, le conseil ne peut valablement siéger que s'il comporte plusieurs membres de chacune des deux catégories ;
- l'irrégularité de la procédure résulte également de l'absence de consultation de la commission consultative paritaire mentionnée à l'article 20 du décret du 23 décembre 2016 ;
- la décision méconnaît l'article 27 du décret du 23 décembre 2016 en ce qu'elle n'indique pas les informations de nature à lui permettre d'apprécier si les conditions de saisine du conseil de discipline de recours se trouvent réunies ;
- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ;
- si ces faits devaient, en tout ou partie, être regardés comme établis et fautifs, la sanction du licenciement est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2024, la commune d'Avesnes-sur-Helpe, représentée par Me Tissier, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 14 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 14 juin 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le décret n° 2016-1858 du 23 décembre 2016 ;
- le décret n° 2021-1624 du 10 décembre 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... a été recruté en 2013 par la commune d'Avesnes-sur-Helpe pour occuper, en qualité d'agent contractuel, les fonctions de responsable des services techniques, au grade d'ingénieur. Il a été régulièrement renouvelé dans ses fonctions puis, par un nouveau contrat conclu le 14 mai 2019, le maire a décidé de l'engager en qualité de directeur des services techniques, pour une durée indéterminée. Par un arrêté du 1er juillet 2020, le maire a suspendu M. A..., dans l'intérêt du service, en raison d'une suspicion de fautes graves commises dans l'exercice de ses fonctions. Une enquête administrative a été diligentée, à l'issue de laquelle le maire a sollicité l'avis du conseil de discipline. Réunis le 18 février 2021, les membres du conseil de discipline ont émis un avis favorable à la sanction de licenciement sans préavis ni indemnité de M. A.... Puis, par un arrêté signé le 12 avril 2021, le maire a décidé de licencier M. A... sans préavis ni indemnité avec effet au 1er mai 2021. M. A... relève appel du jugement du 10 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 12 avril 2021.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". En outre, la circonstance que l'ampliation du jugement notifié ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
3. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par la présidente-rapporteure de la formation de jugement, un premier conseiller et la greffière. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ont été méconnues.
Sur le bien-fondé du jugement :
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
4. D'une part, aux termes de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, en vigueur à la date de la décision en litige : " (...) Un décret en Conseil d'Etat détermine les dispositions générales applicables aux agents contractuels. / (...) / Les commissions consultatives paritaires connaissent des décisions individuelles prises à l'égard des agents contractuels et de toute question d'ordre individuel concernant leur situation professionnelle. / (...) Lorsqu'elles siègent en tant que conseil de discipline, elles sont présidées par un magistrat de l'ordre administratif, en activité ou honoraire, désigné par le président du tribunal administratif dans le ressort duquel est situé le siège du conseil de discipline. / La parité numérique entre représentants des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics et représentants du personnel doit être assurée au sein de la commission consultative paritaire siégeant en conseil de discipline. En cas d'absence d'un ou plusieurs membres dans la représentation des élus ou dans celle du personnel, le nombre des membres de la représentation la plus nombreuse appelés à participer à la délibération et au vote est réduit en début de réunion afin que le nombre des représentants des élus et celui des représentants des personnels soient égaux. / Les dispositions relatives à la composition, aux modalités d'élection et de désignation des membres, à l'organisation, aux compétences et aux règles de fonctionnement des commissions consultatives paritaires sont définies par décret en Conseil d'Etat ".
5. D'autre part, aux termes de l'article 20 du décret du 23 décembre 2016 relatif aux commissions consultatives paritaires et aux conseils de discipline de recours des agents contractuels de la fonction publique territoriale, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Les commissions consultatives paritaires sont consultées sur les décisions individuelles relatives (...) aux sanctions disciplinaires autres que l'avertissement et le blâme. / (...) ". Selon l'article 21 de ce décret : " Le fonctionnement des commissions consultatives paritaires est régi par les articles 26, 27, 29 à 31, 35, 37 et 39 du décret du 17 avril 1989 susvisé et par les dispositions du présent chapitre ". Aux termes de l'article 23 du même décret : " Les conseils de discipline sont régis par les articles 3, 4, 6 à 14, 16 et 17 du décret du 18 septembre 1989 susvisé et par les dispositions du présent chapitre. ". Et aux termes de son article 24 : " Le conseil de discipline est une formation de la commission consultative paritaire dont relève l'agent contractuel concerné. / Le conseil de discipline est présidé par un magistrat de l'ordre administratif, en activité ou honoraire, désigné par le président du tribunal administratif dans le ressort duquel le conseil de discipline a son siège. Lorsque le magistrat est affecté dans une cour administrative d'appel ou dans un autre tribunal administratif que celui présidé par l'autorité de désignation, sa désignation ne peut intervenir qu'avec l'accord préalable du président de cette juridiction. Deux suppléants du président sont désignés dans les mêmes conditions. / Le conseil de discipline comprend, outre son président, en nombre égal, des représentants du personnel et des représentants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Les membres suppléants ne siègent que lorsque les membres titulaires qu'ils remplacent sont empêchés. / Toutefois, lorsque le nombre de représentants titulaires du personnel appelés à siéger est inférieur à deux, le suppléant siège avec le titulaire et a voix délibérative. / Si l'application du précédent alinéa ne permet pas d'avoir un nombre de représentants du personnel pouvant siéger égal à deux, cette représentation est complétée ou, le cas échéant, constituée par tirage au sort parmi les agents contractuels relevant de cette commission consultative paritaire. Dans le cas où le nombre d'agents contractuels ainsi obtenu demeure inférieur à deux, la représentation est complétée ou, le cas échéant, constituée par tirage au sort parmi les représentants du personnel à la commission consultative paritaire de la catégorie immédiatement supérieure. Le tirage au sort est effectué par le président du conseil de discipline. / (...) ".
6. En outre, aux termes de l'article 36 du décret du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale dans sa version applicable à la date de la décision contestée : " Tout manquement au respect des obligations auxquelles sont assujettis les agents publics, commis par un agent contractuel dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions est constitutif d'une faute l'exposant à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par le code pénal ". Et aux termes de son article 36-1 : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; /2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. / Toute décision individuelle relative aux sanctions disciplinaires autres que l'avertissement et le blâme est soumise à consultation de la commission consultative paritaire prévue à l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. La décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivée ".
7. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article 24 du décret du 23 décembre 2016, citées au point 5, que le conseil de discipline est une formation de la commission consultative paritaire dont relève l'agent contractuel concerné. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient l'appelant, les dispositions de l'article 20 prévoyant la consultation de la commission consultative paritaire sur la sanction disciplinaire que la commune envisageait de prononcer, n'ont pas été méconnues dès lors qu'il est constant que la commission consultative paritaire, siégeant en formation disciplinaire, s'est réunie le 18 février 2021 pour statuer sur le rapport disciplinaire transmis par l'autorité territoriale le 1er juillet 2020 au président du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Nord assurant le secrétariat de cette commission.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 13 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " Le conseil de discipline doit se prononcer dans le délai de deux mois à compter du jour où il a été saisi par l'autorité territoriale. Ce délai n'est pas prorogé lorsqu'il est procédé à une enquête. / Le délai est ramené à un mois lorsque le fonctionnaire poursuivi a fait l'objet d'une mesure de suspension. / (...) ".
9. Le délai fixé par ces dispositions n'étant pas prescrit à peine de nullité, la circonstance que le conseil de discipline, saisi le 1er juillet 2020, n'a rendu son avis que le 18 février 2021 après expiration du délai d'un mois, applicable en l'espèce, n'est pas de nature à vicier la procédure au terme de laquelle a été prise la décision de licenciement contestée.
10. En troisième lieu, si le troisième alinéa de l'article 24 du décret du 23 décembre 2016 fixant la composition du conseil de discipline prévoit que celui-ci comprend en nombre égal des représentants du personnel et des représentants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, cette disposition n'impose nullement la présence d'au moins deux représentants de chacune de ces deux catégories, mais seulement de respecter le principe de parité numérique découlant des dispositions de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984.
11. Dans ces conditions, et alors qu'il ressort des pièces du dossier que le conseil de discipline convoqué une première fois le 26 octobre 2020 n'avait pu siéger en l'absence de quorum, c'est sans méconnaître les dispositions de l'article 24 du décret précité, que le conseil de discipline réuni le 18 février 2021 a pu délibérer en présence de son président, d'un représentant du personnel et d'un représentant des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.
12. En quatrième lieu, d'une part, aux termes de l'article 32 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique : " (...) II. -La loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi modifiée : / (...) 1° Le 5° de l'article 14 est abrogé ; / 2° Le 8° du II de l'article 23 est abrogé ; / 3° Les articles 90 bis et 91 sont abrogés ; / 4° L'avant-dernier alinéa de l'article 136 est supprimé. / (...) ". L'article 94 de cette même moi dispose que : " (...) XI. - L'article 32 n'est pas applicable aux recours formés contre les sanctions disciplinaires intervenues avant la date de publication de la présente loi devant les organes supérieurs de recours en matière disciplinaire régis par les dispositions abrogées ou supprimées par le même article 32. La validité des dispositions règlementaires nécessaires à l'organisation et au fonctionnement des organes supérieurs de recours précités est maintenue pour l'application du présent XI. (...) ". En outre, selon l'article 19 du décret du 10 décembre 2021 modifiant certaines dispositions relatives aux commissions consultatives paritaires de la fonction publique territoriale : " (...) Les dispositions des articles 25 et 27 et du titre II du décret du 23 décembre 2016 susvisé dans leur rédaction antérieure au présent décret continuent de s'appliquer aux procédures de recours qu'elles organisent, qui étaient en cours à la date de publication de la loi du 6 août 2019 susvisée et qui ne sont pas achevées ".
13. D'autre part, aux termes de l'avant dernier alinéa de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, dans sa version applicable avant l'entrée en vigueur, le 8 août 2019, de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique : " Il est créé un conseil de discipline départemental ou interdépartemental de recours, présidé par un magistrat de l'ordre administratif, en activité ou honoraire, désigné par le président du tribunal administratif dans le ressort duquel est situé le siège du conseil de discipline ".
14. M. A... soutient que la commune a méconnu les dispositions de l'article 27 du décret du 23 décembre 2016 susvisé, en vertu desquelles : " Lors de la notification de la sanction disciplinaire, l'autorité territoriale doit communiquer à l'intéressé les informations de nature à lui permettre d'apprécier si les conditions de saisine du conseil de discipline de recours se trouvent réunies. La notification fait mention du délai de recours d'un mois à compter de la notification de la sanction et indique l'adresse du secrétariat du conseil de discipline de recours compétent ".
15. Toutefois, il ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dernières dispositions dès lors qu'il résulte des dispositions citées aux points 12 et 13 que la loi du 6 août 2019 a supprimé les conseils de discipline de recours compétents tant à l'égard des fonctionnaires territoriaux que des agents contractuels, sous réserve des sanctions disciplinaires intervenues avant la date de sa publication au journal officiel de la République française, le 7 août 2019. Par suite, la sanction de licenciement de M. A... ayant été prononcée le 18 février 2021, l'intéressé ne pouvait plus la contester devant le conseil de discipline de recours et il n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie que constitue l'information quant à la faculté de saisir ce conseil.
En ce qui concerne la légalité interne :
S'agissant de la matérialité des griefs retenus et leur caractère fautif :
16. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
17. En premier lieu, pour infliger à M. A... la sanction du licenciement sans préavis ni indemnité, le maire d'Avesnes-sur-Helpe s'est d'abord fondé sur la circonstance qu'en sa qualité de directeur des services techniques, il a omis, sur une période comprise entre juin 2013 et juin 2020, d'intervenir auprès des agents placés sous ses ordres afin de leur faire respecter la réglementation en matière de sécurité. La collectivité lui reproche d'avoir mis en danger la sécurité et la santé des agents placés sous sa responsabilité, au sens de l'article L. 4122-1 du code du travail, en les laissant utiliser des outils et engins dangereux, ou intervenir sur le réseau électrique, sans qu'ils disposent des habilitations et autorisations de conduite nécessaires et sans que ces engins n'aient bénéficié des vérifications périodiques imposées par la réglementation, et en ne fournissant pas aux agents les équipements de protection individuelle appropriés aux risques auxquels ils se trouvaient exposés.
18. Il ressort des pièces du dossier, et notamment, d'une part, des procès-verbaux des auditions des agents des services techniques et des écoles placés ou ayant été placés sous la responsabilité de M. A..., menées dans le cadre de l'enquête administrative qui s'est déroulée du 16 juillet au 19 septembre 2020, d'autre part, du document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) établi en octobre 2019, que M. A... ne s'est pas suffisamment assuré de la mise en œuvre de dispositions élémentaires visant à assurer la sécurité des agents en situation de travail. A cet égard, le DUERP a en particulier mis en évidence que si un certain nombre d'actions de prévention ont été mises en place pour améliorer progressivement la sécurité des agents, en revanche, il n'est pas contesté par M. A... que les agents des services techniques utilisaient des engins de chantier, chariots élévateurs et nacelles sans disposer des formations, des habilitations et des autorisations nécessaires. Par ailleurs, il n'est pas contesté par l'appelant que les vérifications générales périodiques de ces engins imposées par la réglementation n'avaient pas été faites pour la période allant de janvier 2017 à janvier 2020. S'il ressort des déclarations de certains agents auditionnés que ces derniers ne se sentaient pas en danger, cette circonstance est sans incidence sur le constat des carences révélées par le DUERP et l'enquête administrative. De la même manière, M. A... ne saurait nier la surexposition au risque d'accident découlant du non-respect des règles d'utilisation des engins de chantier nécessitant une habilitation en invoquant la circonstance qu'il avait limité leur utilisation à un faible nombre d'agents et qu'un faible nombre d'accidents a été déclaré sans que sa responsabilité ne soit directement engagée.
19. En deuxième lieu, le licenciement de M. A... est également fondé sur le grief tiré de ce que l'intéressé a usé de son autorité hiérarchique afin de créer un climat de peur et d'angoisse se caractérisant par des insultes et des humiliations répétées envers les agents placés sous sa responsabilité, des changements de leurs affectations géographiques sans aucun respect des procédures.
20. S'il ressort des procès-verbaux d'audition qu'une vingtaine d'agents n'ont exprimé aucune doléance particulière en ce qui concerne le management de M. A..., l'enquête administrative comporte en revanche un nombre au moins équivalent de témoignages d'agents faisant état, à travers un récit détaillé et circonstancié, de l'usage, par l'intéressé, de propos insultants et humiliants vis-à-vis d'eux-mêmes ou d'autres subordonnés. Ces éléments apparaissent comme suffisamment crédibles pour établir la matérialité du climat de peur et de mal-être ressenti par certains agents placés sous la responsabilité du directeur des services techniques, qui a entraîné une augmentation significative du taux d'absentéisme parmi les effectifs, relevé par la Chambre régionale des comptes dans son rapport d'observations de 2016.
21. En troisième lieu, la décision contestée se fonde sur le grief de mise en place d'une gestion irrégulière des heures de travail des agents du service consistant à avoir doublé, triplé voire davantage multiplié, les heures de repos compensateurs de certains agents des services techniques et des écoles mais aussi d'avoir bonifié les droits à congés des agents par l'octroi de jours de fractionnement en méconnaissance des consignes du bureau des ressources humaines. Il est également reproché à M. A... d'avoir mis en place un système illégal d'utilisation, à des fins privées, des moyens communaux, codé sous le nom de " opération Wasabi ", d'avoir compilé des données relevant du secret médical concernant les agents pour justifier de la pose des heures de récupération et d'avoir refusé à certains agents la production d'arrêts maladie pour leur imposer la pose de jours de congés annuels et de repos compensateur.
22. Il ressort des pièces du dossier que, pour caractériser la gestion irrégulière des heures de travail, l'autorité territoriale s'est fondée sur un tableau de gestion des heures de récupération annexé au rapport d'enquête administrative. Si M. A... conteste la " véracité " de ce document, il ressort des procès-verbaux d'audition des agents que son existence a été confirmée tant par la secrétaire des services techniques alors en activité que par les deux secrétaires précédentes et que la plupart des agents auditionnés, bénéficiaires ou non, avaient connaissance du système d'attribution de repos compensateurs ou d'heures supplémentaires. Si M. A... conteste la réalité des chiffres repris dans ce tableau, pour autant il ne conteste pas que des heures de récupération ont pu être octroyées à certains agents pour des travaux effectués les week-end et jours fériés et se borne, pour les justifier, à affirmer qu'elles étaient attribuées dans les " limites du raisonnable ". Par ailleurs, est sans incidence la circonstance que la Chambre régionale des comptes n'aurait pas mis à jour ces irrégularités dans son rapport portant sur les années 2011-2016 dès lors qu'il ne ressort aucunement des pièces du dossier que l'autorité territoriale aurait eu connaissance de ce tableau de récupération avant l'enquête administrative de 2020. Enfin, contrairement à ce que soutient l'appelant, il ressort du tableau de récupération et des témoignages de quatre agents dont trois ne sont pas anonymes, que l'opération codée " Wasabi " ne consistait pas à rendre des services aux communes voisines ou à des associations mais bien à mobiliser du personnel et des moyens communaux pour effectuer des prestations chez des connaissances et des amis de M. A....
23. Il découle de l'ensemble de ce qui précède, que les faits reprochés à M. A... sont matériellement établis.
24. Ces faits, eu égard à la qualité de directeur des services techniques et à l'expérience professionnelle acquise, sont constitutifs de manquements fautifs de M. A... de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire.
En ce qui concerne la proportionnalité de la sanction :
25. Si M. A... peut se prévaloir d'appréciations favorables de sa hiérarchie depuis son recrutement et n'avoir fait l'objet d'aucun reproche ni d'aucune sanction disciplinaire auparavant, les nombreux manquements qui ont été relevés à son encontre présentent un caractère de gravité et de répétition, qui, pour certains, ont eu des conséquences non négligeables sur la santé psychique et physique de certains agents du service placés sous sa responsabilité et pour d'autres, sur les finances communales.
26. Dans ces conditions, compte tenu de la nature et de la gravité des fautes commises par M. A..., de son positionnement dans la hiérarchie au sein de l'organisation des services communaux et de l'échelle des sanctions prévue à l'article 36-1 du décret du 15 février 1988, la sanction du licenciement sans préavis ni indemnité prononcée à son encontre n'est pas disproportionnée.
27. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel le maire de la commune d'Avesnes-sur-Helpe a prononcé son licenciement, sans préavis ni indemnité.
Sur les frais liés au litige :
28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Avesnes-sur-Helpe, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A... au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune d'Avesnes-sur-Helpe au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à la commune d'Avesnes-sur-Helpe la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune d'Avesnes-sur-Helpe.
Délibéré après l'audience publique du 15 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : F. Malfoy
La présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef, par délégation,
La greffière,
C. Huls-Carlier
N° 23DA01760 2