Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 12 avril 2023 par lequel le préfet du Nord lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a interdit son retour sur ce territoire pendant un an.
Par un jugement n° 2303587 du 21 novembre 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision contenue dans cet arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2023, le préfet du Nord demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il annule sa décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
Il soutient que :
- la décision annulée par le tribunal n'est pas entachée d'erreur d'appréciation dès lors que M. A... est entré récemment sur le territoire français et qu'il ne fait état d'aucune attache privée et familiale en France hormis la présence d'un oncle et d'une tante avec lesquels il ne démontre pas détenir des liens d'une particulière intensité, et alors même qu'il n'a fait l'objet d'aucune précédente mesure d'éloignement et que sa présence ne constitue pas une menace à l'ordre public ;
- l'interdiction de retour peut être abrogée si l'étranger remplit les conditions posées par l'article L. 616-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête et l'ensemble des pièces de la procédure ont été communiqués à M. A..., qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant de la République du Congo né le 5 janvier 1999, est entré en France le 18 août 2017 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour en qualité d'étudiant. Il s'est vu ensuite délivrer un titre de séjour en cette même qualité pour la période du 19 septembre 2018 au 18 septembre 2020, puis un titre de séjour pluriannuel valable du 19 septembre 2020 au 18 septembre 2022. Il a sollicité, le 31 août 2022, le renouvellement de ce titre. Par un arrêté du 12 avril 2023 le préfet du Nord lui a refusé ce renouvellement, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a interdit son retour sur ce territoire pendant un an. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 21 novembre 2023 du tribunal administratif de Lille en tant que celui-ci annule la décision contenue dans son arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
2. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
3. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. En revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen le conduisant à apprécier les conséquences de la mesure d'interdiction de retour sur la situation personnelle de l'étranger et que sont invoquées des circonstances étrangères aux quatre critères posés par les dispositions précitées de l'article L. 511-1, il incombe seulement au juge de l'excès de pouvoir de s'assurer que l'autorité compétente n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. A... réside en France depuis plus de cinq années, sans y être dépourvu d'attaches familiales puisqu'un oncle et une tante y demeurent. Au cours de cette période et ainsi qu'il a été dit au premier point de cet arrêt, il a régulièrement séjourné sur le territoire national, sous couvert tout d'abord d'un visa de long séjour valant titre de séjour puis d'un tel titre régulièrement renouvelé. Par ailleurs, M. A... n'a précédemment fait l'objet d'aucune mesure d'éloignement et sa présence en France ne constitue pas une menace à l'ordre public. Ainsi, compte tenu de ces éléments, et notamment de la durée de présence de M. A... et de la nature et de l'ancienneté de ses liens en France, le préfet du Nord a commis une erreur d'appréciation en prenant une interdiction de retour pour une durée d'an, quand bien même cette interdiction pourrait être abrogée si l'étranger remplit les conditions posées par l'article L. 616-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé sa décision d'interdiction de retour pour une durée d'un an contenue dans l'arrêté du 12 avril 2023.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Nord est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 22 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de chambre
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
N°23DA02164 2