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29/01/2025 | FRANCE | N°24DA02078

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 29 janvier 2025, 24DA02078


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2024 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2400684 du 13 septembre 2024, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés le 11 octobre et les 16 décembre 2024 et 2 janvier 2025, M. A..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2024 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2400684 du 13 septembre 2024, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 11 octobre et les 16 décembre 2024 et 2 janvier 2025, M. A..., représenté par Me Racle, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Asine en date du 26 janvier 2024 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aisne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- il est contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors qu'il s'occupe des enfants de son épouse de nationalité française ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, compte tenu notamment de son état de santé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2024, le préfet de l'Aisne conclut au rejet de la requête d'appel de M. A....

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 novembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller,

- et les observations de Me Racle, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 12 octobre 1996, est entré en France le 13 février 2018. Il a sollicité le 2 novembre 2023 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Par un arrêté du 26 janvier 2024, le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. M. A... relève appel du jugement n° 2400684 du 13 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est présent en France depuis six ans à la date de l'arrêté attaqué et vit en couple depuis l'année 2020 avec une ressortissante française avec qui il s'est marié, le 5 novembre 2022, l'épouse du requérant étant par ailleurs mère de quatre enfants nés d'une précédente union, dont deux sont suivis par le service départemental de l'aide sociale à l'enfance de l'Aisne. Il ressort également des pièces du dossier et notamment des photographies et des attestations de médecins et de membres de la famille produites par M. A... que celui-ci consacre son temps à la prise en charge du plus jeune enfant de son épouse qui souffre d'un handicap nécessitant une orientation en service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) et contribue grandement à son éducation. Compte tenu des circonstances très particulières de l'espèce, et alors même que l'appelant n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie, le préfet de l'Aisne, en prenant l'arrêté du 26 janvier 2024, a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... et a ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, cet arrêté doit être annulé dans son ensemble, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête.

4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2024.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt, eu égard à ses motifs et sous réserve d'un changement de circonstances de droit et de fait à la date de la nouvelle décision du préfet de l'Aisne, implique nécessairement qu'il soit enjoint à celui-ci de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire pourtant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

6. Il résulte des dispositions des articles 75-I et 43 de la loi du 10 juillet 1991 que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de condamner à son profit la partie perdante qu'au paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat. En revanche, l'avocat de ce bénéficiaire peut, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

7. En l'espèce, M. A... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée et son avocat n'a pas demandé la condamnation de la partie adverse à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si celui-ci n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de M. A... tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2400684 du 13 septembre 2024 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 26 janvier 2024 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Aisne de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de l'Aisne et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 janvier 2025.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,

Signé : B. Chevaldonnet

La greffière,

Signé : A-S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°24DA02078


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA02078
Date de la décision : 29/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : RACLE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-29;24da02078 ?
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