Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2022 par lequel le directeur général des finances publiques de l'Aisne a prononcé sa révocation.
Par un jugement n° 2202527 du 28 décembre 2023, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 7 juillet 2022 du directeur général des finances publiques.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 28 décembre 2023 ;
2°) de confirmer l'arrêté du 7 juillet 2022 portant révocation.
Il soutient que :
- en retenant que la sanction de la révocation était disproportionnée au regard de la gravité des faits reprochés, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant que l'administration ne pouvait infliger une sanction supérieure à celles du deuxième groupe ;
- la sanction de révocation est justifiée au regard de la nature et de la gravité des faits de détournement de fonds établis par le juge pénal et des fonctions exercées par l'intéressée, quand bien même ils ont été commis en dehors du service.
La requête a été communiquée à Mme A... qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., agente administrative principale des finances publiques de 2ème classe, est affectée à la direction départementale des finances publiques de l'Aisne depuis le 1er septembre 2004. Par deux jugements correctionnels rendus par le tribunal judiciaire de Soissons le 2 novembre 2020 et le 4 janvier 2022, Mme A... a été reconnue coupable de détournement de fonds dans le cadre de ses activités d'élue d'une fédération de parents d'élèves, pour la somme de 27 474, 46 euros, et condamnée à cinq mois d'emprisonnement avec sursis, privation du droit d'éligibilité pendant deux ans, ainsi qu'au paiement d'une somme de 100 euros au titre de la réparation du préjudice matériel d'une des parties civiles. Par un arrêté du 7 juillet 2022, le directeur général des finances publiques de l'Aisne a révoqué Mme A.... Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté du 7 juillet 2022.
Sur la régularité du jugement :
2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le ministre de l'économie ne peut donc utilement se prévaloir d'une erreur d'appréciation qu'aurait commise les premiers juges pour demander l'annulation pour irrégularité du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 533-1 du code général de la fonction publique : " Les sanctions disciplinaires pouvant être infligées aux fonctionnaires sont réparties en quatre groupes : / 1° Premier groupe : / a) L'avertissement ; / b) Le blâme ; / c) L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours. / 2° Deuxième groupe : / a) La radiation du tableau d'avancement ; / b) L'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par le fonctionnaire ; / c) L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / d) Le déplacement d'office dans la fonction publique de l'Etat. / 3° Troisième groupe : / a) La rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par le fonctionnaire ; / b) L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans. / 4° Quatrième groupe : / a) La mise à la retraite d'office ; / b) La révocation ".
4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes, en tenant compte de la manière de servir de l'intéressé et de ses antécédents disciplinaires.
5. Pour justifier le prononcé à l'encontre de Mme A... de la sanction de la révocation, l'administration s'est fondée sur les faits matériellement établis par l'ordonnance d'homologation statuant sur l'action civile du 2 novembre 2020 du président du tribunal judiciaire de Soissons qu'elle a regardés comme étant constitutifs de manquements fautifs aux obligations de probité et de dignité qui s'imposent aux fonctionnaires. Toutefois, Mme A... fait valoir que ces faits ont été commis en dehors du service, ne lui ont procuré aucun enrichissement personnel et n'ont fait l'objet d'aucune publicité de nature à porter atteinte à l'image de l'administration. Ainsi, en dépit de la gravité des faits reprochés à Mme A... matériellement établis, eu égard à la nature de ses fonctions et des missions qui lui sont confiées en tant qu'agent administratif principal des finances publiques au sein de la direction départementale des finances publiques de l'Aisne, à son ancienneté, à l'absence de critique sur sa manière de servir, à l'absence de retentissement sur le service et à la non-inscription de ses condamnations sur l'extrait B2 de son casier judiciaire, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la sanction de la révocation était disproportionnée aux manquements qui lui ont été reprochés et ont annulé l'arrêté du 7 juillet 2022
6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 7 juillet 2022 portant révocation à l'encontre de Mme A.... Par suite, sa requête doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à Mme B... A....
Délibéré après l'audience publique du 28 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 février 2025.
Le président-assesseur,
Signé : J.-M. Guérin-Lebacq
La présidente de chambre-rapporteure,
Signé : M.-P. ViardLa greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière,
C. Huls-Carlier
N° 24DA00418 2