Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 4 février 2021 par laquelle la directrice du groupe hospitalier Seclin Carvin lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois, assortie d'un sursis de trois mois.
Par un jugement n° 2101358 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 décembre 2023 et 13 janvier 2025, celui-ci n'ayant pas été communiqué, Mme B..., représentée par Me Chochois, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) d'annuler la décision de la directrice du groupe hospitalier Seclin Carvin en date du 4 février 2021 ;
3°) de mettre à la charge au groupe hospitalier Seclin Carvin une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a pas été entendue dans le cadre de l'établissement du rapport daté du 23 novembre 2020 et établi par le coordonnateur en maïeutique du groupe hospitalier Seclin Carvin ;
- les débats devant le conseil de discipline n'ont pas été menés de manière suffisamment contradictoire en ce qui concerne les faits qui lui sont reprochés ;
- l'avis du conseil de discipline n'est pas motivé ;
- la décision de sanction du 4 février 2021 n'est pas motivée ;
- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ;
- la sanction est disproportionnée.
Par des mémoires, enregistrés les 9 et 10 octobre 2024, le groupe hospitalier Seclin Carvin, représenté par Me Brazier, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Chochois, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., auxiliaire de puériculture depuis le 1er novembre 2004, exerce ses fonctions au sein du service des urgences pédiatriques du groupe hospitalier de Seclin Carvin depuis le 21 mai 2012. Par décision du 4 février 2021, la directrice de cet établissement lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois, assortie d'un sursis de trois mois. Mme B... relève appel du jugement du 5 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligation des fonctionnaires, alors en vigueur : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés ".
3. D'une part, l'exigence de motivation de l'avis du conseil de discipline, qui constitue une garantie, peut être attestée par la production, sinon de l'avis motivé lui-même, du moins du procès-verbal de la réunion du conseil de discipline comportant des mentions suffisantes.
4. En l'espèce, l'avis du conseil de discipline du 25 janvier 2021 énonce les fautes reprochées à Mme B... consistant en un " dépassement de compétences, un manquement à ses missions, [des] pressions et intimidations envers ses collègues de travail, [des] propos et attitudes déplacées envers les patients et parents, [une] attitude déplacée envers ses collègues de travail ". Le procès-verbal de la réunion de cette instance indique quant à lui que compte tenu des pièces justificatives produites par l'administration à l'appui du rapport de saisine, les membres du conseil de discipline ont estimé que les manquements reprochés à Mme B... étaient établis et qu'il a été proposé à la direction du groupe hospitalier Seclin Carvin de retenir la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois, assortie d'un sursis de trois mois. Eu égard à l'ensemble de ces mentions, Mme B... n'a été privée d'aucune garantie tenant à l'absence de motivation formelle de l'avis émis par le conseil de discipline.
5. D'autre part, la décision du 4 février 2021 par laquelle la directrice du groupe hospitalier Seclin Carvin a infligé à Mme B... la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois assortie d'un sursis de trois mois énonce de manière précise les motifs de droit et de fait sur lesquels elle se fonde soit un " manquement à ses missions " de la part de l'intéressée, des " pressions et intimidations envers ses collègues de travail ", des " propos et attitudes déplacées envers les patients et parents " ainsi qu'une " attitude déplacée envers ses collègues de travail ", l'établissement ayant estimé que ces faits caractérisent un manquement " à l'obligation de dignité et de discrétion professionnelle prévue par la loi du 13 juillet 1983 " et une méconnaissance de son " domaine de compétences ". Quand bien même elle ne précise pas les dates des faits en cause, cette décision expose de manière suffisamment circonstanciée les griefs retenus à l'encontre de Mme B... pour la mettre en mesure de comprendre les faits que l'autorité disciplinaire a entendu lui reprocher. Cette décision est ainsi suffisamment motivée.
6. En deuxième lieu, si Mme B... fait valoir qu'elle n'a pas été entendue par M. C..., coordonnateur en maïeutique du groupe hospitalier Seclin Carvin préalablement à la remise de son rapport établi le 23 novembre 2020 à la suite d'une alerte émanant de membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de cet établissement alors que d'autres agents l'ont été, ce moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il en est de même en ce qui concerne le moyen ayant trait à l'insuffisance du débat contradictoire au cours de la séance du conseil de discipline du 25 janvier 2021.
7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport précité du 23 novembre 2020 du coordonnateur en maïeutique du groupe hospitalier Seclin Carvin et des différents témoignages établis par des collègues de travail de Mme B... produits par l'intimé que l'intéressée, dans le cadre de ses fonctions d'auxiliaire de puériculture du service des urgences pédiatriques, adopte avec certains usagers du service public un langage très familier en s'autorisant notamment à tutoyer certains parents se présentant aux dites urgences ou tient des propos dévalorisants, culpabilisants ou infantilisants envers certains d'entre eux. Il ressort de ces mêmes pièces, qui font état de faits datés et circonstanciés, que l'appelante peut être amenée à remettre en cause, par des remarques désobligeantes, les compétences de collègues de travail en leur demandant, en présence d'un patient, s'ils sont certains de réaliser une piqûre au bon endroit ou de disposer des qualifications requises, ou bien de se hâter et en raillant certains d'entre eux. Il apparaît en outre que Mme B... a pu prendre en charge des gestes paramédicaux qui ne relèvent pas de sa compétence, comme la préparation des perfusions ou l'administration d'un traitement à un enfant sans que la puéricultrice ne prenne préalablement connaissance de la prescription médicale. Contrairement à ce que soutient l'appelante, il peut être tenu compte des témoignages produits par le groupe hospitalier alors même qu'ils ne répondraient pas au formalisme requis par l'article 202 du code de procédure civile. La circonstance que l'un d'entre eux émane d'une collègue avec laquelle l'appelante indique qu'elle entretenait une relation amicale n'est pas de nature, à elle seule, à caractériser l'absence de matérialité des faits qui y sont recensés. Si certains des faits qui sont imputés à Mme B... datent de plus de trois ans avant l'engagement de la procédure disciplinaire, l'appelante n'établit toutefois pas ni même n'allègue qu'ils seraient ainsi prescrits en application de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa version applicable en l'espèce. Enfin, les témoignages produits par l'intéressée en sa faveur, qui font part de ses qualités professionnelles, ne permettent pas de remettre en cause les manquements qui lui sont imputés. Par suite, la matérialité des faits reprochés par le groupe hospitalier à Mme B... est établie.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983, alors en vigueur : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / (...) / Troisième groupe : / (...) l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / (...) / L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel (...) ".
9. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
10. En l'espèce, les faits reprochés à Mme B... par son employeur et dont la matérialité est établie ainsi qu'il a été dit au point 7, ont notamment eu pour effet de générer des tensions au sein du service dans lequel elle est affectée et de porter atteinte à l'image du service public hospitalier.
Ils sont constitutifs de fautes de nature à justifier l'application d'une sanction disciplinaire. Eu égard à leur nature et à leur nombre, la sanction de l'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de six mois dont trois mois avec sursis infligée à Mme B... n'est pas hors de proportion avec les fautes qu'elle a commises, alors même que l'appelante n'a jamais été sanctionnée auparavant et que sa manière de servir et son investissement professionnel ont pu être soulignés par certains de ses collègues.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 février 2021 par lequel la directrice du groupe hospitalier Seclin Carvin l'a exclue temporairement de ses fonctions pour une durée de six mois, dont trois mois avec sursis.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du groupe hospitalier Seclin Carvin, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme B... au titre des frais d'instance. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 000 euros à verser à l'établissement hospitalier sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera au groupe hospitalier Seclin Carvin une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... et au groupe hospitalier Seclin Carvin.
Délibéré après l'audience publique du 21 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,
Signé : B. ChevaldonnetLa greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°23DA02250