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14/02/2025 | FRANCE | N°24DA01096

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 14 février 2025, 24DA01096


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2023 par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2309779 du 19 janvier 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
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Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 4 juin 2024, M. B..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2023 par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2309779 du 19 janvier 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2024, M. B..., représenté par Me Lutran, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Nord en date du 8 novembre 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son avocate au titre des articles L. 761 1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté émane d'une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire repose sur des motifs erronés dès lors qu'il dispose d'un passeport en cours de validité, d'un logement à une adresse connue de l'administration et qu'il n'a pas déclaré refuser de se conformer à l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'interdiction de retour est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que sa présence ne représente pas une menace à l'ordre public et qu'il détient des attaches familiales en France ;

- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français entraîne l'annulation des décisions refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour.

La requête et l'ensemble des pièces de la procédure ont été communiqués au préfet du Nord qui n'a pas produit de mémoire.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 7 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par sa requête, M. B..., ressortissant algérien né le 15 mars 1991, relève appel du jugement n° 2309779 du 19 janvier 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord en date du 8 novembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, les moyens tirés de ce que l'arrêté du 20 juin 2023 émanerait d'une autorité incompétente et serait insuffisamment motivé doivent être écartés par adoption des motifs retenus par le premier juge aux points 2 et 3 du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé n'est pas assorti de précisions permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

5. En l'espèce, pour refuser d'octroyer à M. B... un délai de départ volontaire, le préfet du Nord a estimé que l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation suffisantes au motif qu'il ne peut pas présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale et qu'il a déclaré refuser de quitter la France. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B... dispose d'un passeport en cours de validité. Il justifie en outre résider de manière effective et permanente avec son épouse et ses enfants dans un local affecté à son habitation principale. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier, et en particulier de son audition par les services de police, qu'il aurait déclaré son intention de ne pas se conformer à une obligation de quitter le territoire français. Ainsi, les trois motifs, reposant sur les 4° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquels le préfet du Nord s'est fondé pour refuser d'octroyer à M. B... un délai de départ volontaire sont entachés d'illégalité. Par suite, cette décision doit être annulée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés à son encontre.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Ainsi qu'il a été mentionné au point 5, la décision par laquelle le préfet du Nord a refusé d'assortir l'obligation de quitter le territoire français dont M. B... fait l'objet d'un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et doit être annulée. L'interdiction de retour sur ce territoire pendant une durée de trois années opposée à M. B... doit, par voie de conséquence de cette annulation, être annulée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés à l'encontre de cette décision.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 8 novembre 2023 en tant qu'il a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire et qu'il a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Sur les frais d'instance :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du préfet du Nord en date du 8 novembre 2023 est annulé en tant qu'il a refusé d'octroyer à M. B... un délai de départ volontaire et qu'il lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Article 2 : Le jugement n° 2309779 du 19 janvier 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Lutran.

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 21 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2025.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de chambre

Signé : B. ChevaldonnetLa greffière,

Signé : A-S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

N°24DA01096 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01096
Date de la décision : 14/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : LUTRAN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-14;24da01096 ?
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