Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... AC..., M. E... AA..., Mme J... L..., M. O... M..., M. X... N..., Mme H... B..., Mme S... P..., Mme Q... Y..., Mme W... F..., Mme I... R..., Mme Z... T..., Mme C... AB..., Mme U... K..., M. D... G... et M. A... V... ont demandé au tribunal administratif de Lille, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 juillet 2024 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) de la société par actions simplifiée (SAS) à associé unique GAB France Retail.
Par un jugement n° 2409108 du 27 novembre 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 23 janvier et 24 février 2025, M. E... AC..., M. E... AA..., Mme J... L..., M. O... M..., M. X... N..., Mme H... B..., Mme S... P..., Mme Q... Y..., Mme W... F..., Mme I... R..., Mme Z... T..., Mme C... AB..., Mme U... K..., M. D... G... et M. A... V..., représentés par Me Rilov, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 5 juillet 2024 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de la société GAB France Retail ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision d'homologation est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1233-57-4 du code du travail ; elle ne précise ni l'auteur ni la date de la demande d'homologation du document unilatéral ; elle ne permet pas de s'assurer que l'administration a procédé au contrôle des points visés à l'article L. 1233-24-2 du code du travail relatifs : au nombre d'emplois supprimés et aux catégories professionnelles concernées ; au caractère suffisant des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi au regard des moyens de l'entreprise ; au périmètre du groupe de reclassement retenu pour l'élaboration du plan et aux recherches de reclassement opérées par le liquidateur ; à la consultation du comité social et économique (CSE) sur l'évaluation des conséquences de la réorganisation de l'entreprise sur la santé et la sécurité des travailleurs et au respect de l'obligation de sécurité ;
- la procédure d'information et de consultation a été méconnue, entachant ainsi d'une erreur de droit la décision d'homologation contestée, dès lors que les informations remises au comité social et économique sont insuffisantes ; le document d'information et de consultation ne précise ni le périmètre du groupe, ni son organigramme complet, ni la liste ou même le nombre de sociétés du groupe situées en France ; aucun plan de reclassement n'a été soumis au comité contrairement à ce qu'a relevé le tribunal ; le procès-verbal de la réunion du comité social et économique du 3 juillet 2024 a été établi le lendemain, soit postérieurement à l'envoi de la demande d'homologation à la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) ; cette réunion était irrégulière en raison de la participation de personnes étrangères à l'entreprise sans l'accord préalable des membres du comité ;
- l'administrateur judiciaire n'a pas effectué de recherches sérieuses et loyales des possibilités de reclassement interne auprès de l'ensemble des sociétés du groupe ; de même, il n'a pas sollicité leur contribution financière au plan de sauvegarde de l'emploi ;
- la décision d'homologation est entachée d'une erreur de droit en l'absence de contrôle de l'administration sur le périmètre du groupe en matière de reclassement, la proportionnalité des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi aux moyens de l'entreprise et le respect par l'employeur de son obligation de sécurité ;
- le plan de sauvegarde de l'emploi ne comporte aucune identification et évaluation des risques présentés par la réorganisation pour la santé des salariés et ne mentionne aucune mesure de prévention relative à la santé et à la sécurité des intéressés ; en tout état de cause, aucune mesure de suivi de leur mise en œuvre n'est prévue ; en outre, le comité social et économique n'a pas été précisément informé et consulté sur les éléments relatifs à l'identification et à l'évaluation des conséquences de la réorganisation de l'entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs et les actions projetées pour les prévenir ;
- le plan de sauvegarde de l'emploi homologué méconnaît le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du conseil du 27 avril 2016 en ce qu'il prévoit le remboursement de frais de consultation des salariés sur justificatifs, ces dépenses étant au demeurant déjà prises en charge, partiellement ou intégralement, au titre du régime général de sécurité sociale et les mutuelles des salariés.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 7 et 28 février 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Axyme, prise en la personne de Me Demortier, liquidateur judiciaire de la société GAB France Retail, représentée par Me Masson, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de chacun des appelants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2025, la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 28 février 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au même jour, à 12 heures, en application des articles R. 611-1-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente rapporteure,
- les conclusions de M. Frédéric Malfoy, rapporteur public,
- et les observations de Me Masson, représentant la société Axyme.
Considérant ce qui suit :
1. La société GAB France Retail, créée en 2015 et anciennement dénommée Scotch et Soda Retail, a pour activité l'achat et la vente au détail de vêtements de la marque néerlandaise " Scotch et Soda ". Elle exploitait une vingtaine d'établissements situés en France métropolitaine. Par un jugement du 2 novembre 2023, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société GAB France Retail et l'a placée en période d'observation pour une période de six mois. Ce tribunal a désigné la société Axyme, prise en la personne de Me Demortier, en qualité de mandataire judiciaire et la société 2M et associés, prise en la personne de Me Pace, en qualité d'administrateur judiciaire. Durant cette période, la direction de la société GAB France Retail, assistée de l'administrateur judiciaire, a déposé, le 3 avril 2024, auprès de la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) des Hauts de France une demande d'homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) de la société, prévoyant le licenciement pour motif économique de vingt-cinq salariés. Le directeur régional de la DREETS des Hauts-de-France a homologué ce document le 30 avril 2024. Par un jugement n° 2406752 du 25 septembre 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande présentée par deux salariées faisant partie des salariés licenciés tendant à l'annulation de la décision du 30 avril 2024. Par un arrêt n° 24DA02313 du 18 février 2025, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par les deux salariées contre ce jugement.
2. Par un jugement du 20 juin 2024, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société et a désigné la société Axyme, prise en la personne de Me Dumortier, en qualité de liquidateur judiciaire. Le 4 juillet 2024, le liquidateur judiciaire a notifié à la DREETS des Hauts-de-France une demande d'homologation d'un document unilatéral relatif à un nouveau plan de sauvegarde de l'emploi prévoyant le licenciement pour motif économique de cinquante-deux salariés. Le directeur régional de la DREETS des Hauts-de-France a homologué ce document par une décision du 5 juillet 2024. M. E... AC..., M. E... AA..., Mme J... L..., M. O... M..., M. X... N..., Mme H... B..., Mme S... P..., Mme Q... Y..., Mme W... F..., Mme I... R..., Mme Z... T..., Mme C... AB..., Mme U... K..., M. D... G... et M. A... V..., salariés concernés par ce licenciement collectif, relèvent appel du jugement du 27 novembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Il résulte des septième, huitième et neuvième alinéas du II de l'article L. 1233-58 du code du travail que, pour les entreprises qui sont en redressement ou en liquidation judiciaire, le législateur a attaché à l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision d'homologation ou de validation d'un plan de sauvegarde de l'emploi, des effets qui diffèrent selon que cette annulation est fondée sur un moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision en cause ou sur un autre moyen. Par suite, lorsque le juge administratif est saisi d'une requête dirigée contre une décision d'homologation ou de validation d'un plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise qui est en redressement ou en liquidation judiciaire, il doit, si cette requête soulève plusieurs moyens, toujours commencer par se prononcer sur les moyens autres que celui tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative, en réservant, à ce stade, un tel moyen. Lorsqu'aucun de ces moyens n'est fondé, le juge administratif doit ensuite se prononcer sur le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative, lorsqu'il est soulevé.
En ce qui concerne les moyens se rapportant à la légalité interne de la décision contestée :
S'agissant de la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique :
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 1233-58 du code du travail : " I. - En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en œuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4. / L'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, réunit et consulte le comité social et économique dans les conditions prévues à l'article L. 2323-31 ainsi qu'aux articles : (...) / 3° L. 1233-30, I à l'exception du dernier alinéa, et dernier alinéa du II, pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés (...) / II. - Pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, (...) le document mentionné à l'article L. 1233-24-4, élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1233-57-4 et à l'article L. 1233-57-7 (...) ". Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-57-3 du code du travail qu'en l'absence d'accord collectif, l'autorité administrative ne peut homologuer le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L.1233-24-4 qu'après avoir vérifié, notamment, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique. Aux termes de l'article L. 1233-30 du même code : " I. - Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail (...) ".
5. Il résulte des dispositions du code du travail citées au point précédent que, lorsqu'elle est saisie, en cas de redressement judiciaire, par l'administrateur, d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique (CSE) a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Il appartient à ce titre à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au CSE, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation.
6. Il ressort des pièces du dossier que le comité social et économique de la société GAB France Retail a été réuni en vue de son information et de sa consultation les 28 juin 2024 et 3 juillet 2024, à la suite de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire prononcée par jugement du tribunal de commerce de Paris du 20 juin 2024. A cette occasion, leur ont été adressés plusieurs documents intitulés " livres " dont le livre I " intégrant le document unilatéral portant mesures du plan de sauvegarde de l'emploi " et le livre II portant sur le " rappel des raisons économiques et financières du projet de licenciement pour motif économique ", documents auxquels étaient joints une copie du jugement du 20 juin 2024, la liste des sociétés saisies d'une demande de reclassement externe et la réponse de la société GAB France à la demande de reclassement interne et d'abondement du PSE, ainsi que le livre IV " intégrant le document sur l'incidence de la restructuration envisagée sur les conditions de travail, d'hygiène et sécurité et la prévention des risques psycho-sociaux ". Le document annexe remis aux élus du CSE intégrant les livres I et II comporte un organigramme du groupe GAB reprenant nominativement l'ensemble des sociétés le constituant et leur pays d'implantation, ainsi qu'une description détaillée de leurs activités respectives. Il ressort également des termes de ce document que la société GAB France a fait état des recherches de reclassement effectuées au sein du groupe auquel elle appartient. A cet égard, le CSE était informé que la société GAB France SAS, seule société du groupe implantée en France, avait été sollicitée conformément aux dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail afin de connaître les éventuels postes disponibles pour le reclassement et qu'elle avait répondu négativement à la demande. Bien qu'aucune information complémentaire n'ait été adressée au CSE concernant le périmètre du groupe GAB et les noms des onze autres sociétés sollicitées dans ce cadre par la société GAB France Retail, dont certaines ne sont pas mentionnées dans l'organigramme transmis, les membres du CSE disposaient ainsi de tous les éléments utiles pour qu'ils formulent leur avis en toute connaissance de cause. Par ailleurs, si les requérants font valoir que le plan de reclassement n'a pas été remis aux membres du comité, il ressort des pièces du dossier qu'aucun reclassement n'était possible au sein de la société qui était alors placée en liquidation judiciaire sans reprise d'activité. Le document précité mentionne les recherches de reclassement sur le territoire national au sein du groupe GAB ainsi que les recherches de reclassement externe menées dans les entreprises relevant du même secteur d'activité, cette liste étant précisée en annexe. Il précise qu'aucune société n'avait, au moment de la remise du document aux représentants du personnel, identifié de postes susceptibles d'être proposés aux salariés de la société GAB France Retail au titre de leur reclassement. Ainsi que l'a relevé le tribunal, une lecture de ces mesures de reclassement et de recherches d'abondement a été réalisée au cours de la réunion du 3 juillet 2024, ainsi qu'en témoigne le point 10 mentionné du procès-verbal de cette réunion. Dans ces conditions, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres du CSE se seraient plaints d'une insuffisance d'information ou auraient demandé à l'administration de faire usage de son pouvoir d'injonction, le PSE soumis aux représentants du personnel était complet et exposait de manière détaillée les modalités auxquelles seraient soumis les reclassements si d'éventuels postes venaient à être proposés aux salariés.
7. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement des termes du courrier du 5 juillet 2024 adressé par la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités du Nord à la SELARL Axyme et produit en défense par la ministre, que la demande d'homologation du document unilatéral portant PSE a été envoyée à l'administration du travail le 4 juillet 2024, soit postérieurement à la réunion extraordinaire du CSE qui s'est tenue le 3 juillet 2024 et dont l'existence est d'ailleurs mentionnée dans la décision. A cet égard, la circonstance que le procès-verbal de cette réunion a été signé par le secrétaire du CSE le 4 juillet 2024, soit le même jour que la transmission de la demande d'homologation par le liquidateur judiciaire, est sans incidence.
8. Enfin, si l'employeur ne peut imposer la présence de tiers contre la volonté de la majorité des membres du comité, il ne ressort pas du procès-verbal de la réunion du 3 juillet 2024 qu'au cours de la séance les membres du CSE auraient contesté la présence des deux avocats du liquidateur. En tout état de cause, il n'est pas établi que leur participation, eu égard aux conditions dans lesquelles elle s'est déroulée, aurait porté atteinte à l'équilibre de la procédure consultative.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le CSE a été mis à même d'émettre son avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation. Le moyen tiré du caractère irrégulier de la procédure de CSE et du manquement reproché à l'administration dans l'exercice de son contrôle doit donc être écarté.
S'agissant des moyens tirés de l'inexactitude du périmètre du groupe :
10. Aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code : " En l'absence d'accord collectif (...), l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, (...) le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L 6321-1. / Elle s'assure que l'employeur a prévu le recours au contrat de sécurisation professionnelle mentionné à l'article L. 1233-65 ou la mise en place du congé de reclassement mentionné à l'article L. 1233-71 ". Aux termes du deuxième alinéa du II de l'article L. 1233-58 du même code : " Par dérogation au 1° de l'article L. 1233-57-3, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l'entreprise ".
11. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il lui appartient, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier, dans le cas des entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire, d'une part, que l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur a recherché, pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, les moyens dont disposent l'unité économique et sociale et le groupe auquel l'entreprise appartient et, d'autre part, que le plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas insuffisant au regard des seuls moyens dont dispose l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles sur le territoire national pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe, quelle que soit la durée des contrats susceptibles d'être proposés pour pourvoir à ces postes. Pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation. En revanche, à ce stade de la procédure, il n'appartient pas à l'administration de contrôler le respect de l'obligation qui, en application de l'article L. 1233-4 du code du travail, incombe à l'employeur qui projette de licencier un salarié pour motif économique, consistant à procéder, préalablement à son licenciement, à une recherche sérieuse des postes disponibles pour le reclassement de ce salarié, qu'ils soient ou non prévus au plan de sauvegarde de l'emploi, en vue d'éviter autant que de possible ce licenciement. Il en va ainsi même lorsque le document unilatéral arrêtant le plan de sauvegarde d'emploi comporte des garanties relatives à la mise en œuvre de l'obligation, prévue à l'article L. 1233-4 du code du travail, de recherche sérieuse de reclassement individuel. Au demeurant, de telles garanties, dont les salariés pourront, le cas échéant, se prévaloir pour contester leur licenciement, ne sont pas de nature à dispenser l'employeur de respecter, dans toute son étendue, l'obligation qui lui incombe en vertu de l'article L. 1233-4 du code du travail.
12. En premier lieu, le groupe s'entend, ainsi qu'il est dit au deuxième alinéa de l'article L. 1233-4 du code du travail, de l'ensemble constitué par les entreprises placées sous le contrôle d'une même entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. Aux termes de l'article L. 233-3 du code de commerce : " I- Toute personne physique ou morale est considérée pour l'application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme en contrôlant une autre : 1° lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant une majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société, 2° lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ; 3° lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ; 4°lorsqu'elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de cette société. II - Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu'elle dispose directement ou indirectement d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne ".
13. Il ressort de l'organigramme figurant dans le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, que la société GAB France Retail est une filiale à 100 % de la société GAB Contrôle Holding NV, ayant son siège social en Belgique. Cet organigramme fait apparaître que cette holding détient 100 % du capital de cinq autres sociétés, à savoir les sociétés GAB France, GAB Italy, GAB International NV, Groep Alain Broekaert NV et Albro NV. Il ressort des pièces du dossier que par des courriers distincts datés du 24 juin 2024, le liquidateur judiciaire a sollicité la société GAB Contrôle Holding NV et chacune des cinq sociétés précitées, en vue de rechercher des postes de reclassement pour les salariés de la société GAB France Retail et leur a demandé de lui faire part des moyens que le groupe et les entreprises seraient à même de mettre en place dans le cadre des mesures d'accompagnement afin de limiter les conséquences de la mesure de restructuration envisagée et de faciliter le retour à l'emploi des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. Par d'autres courriers datés du même jour, formulés en des termes identiques, le liquidateur judiciaire a par ailleurs sollicité six autres sociétés, dénommées GAB Management, Alto NV, GAB 86 BV, GAB Luxury NV, GAB Netherlands BV et Sweet Cotton NV, implantées à l'étranger et n'apparaissant pas dans l'organigramme précité. Si en défense la société Axyme ne produit aucun accusé de réception concernant ces courriers, la réponse adressée le 27 juin 2024 par l'actionnaire majoritaire du groupe pour le compte de la société GAB France Retail SAS, informant le liquidateur de ce qu'elle ne pouvait répondre favorablement à la demande de reclassement et d'abondement du PSE, témoigne de l'envoi de ces courriers dont il a d'ailleurs été mis en copie. Enfin, si les appelants soutiennent qu'en limitant ses investigations aux sociétés destinataires des courriers précités, le liquidateur n'a pas procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement au sein du groupe, ils n'apportent pas davantage en appel qu'en première instance d'éléments permettant d'établir que d'autres sociétés implantées en France ou à l'étranger susceptibles d'abonder financièrement le plan ou de proposer un reclassement auraient pu être sollicitées. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait inexactement apprécié le périmètre du groupe tant pour le reclassement des salariés de l'entreprise que pour l'abondement financier du plan de sauvegarde de l'emploi doit être écarté.
14. En deuxième lieu, si la société Axyme ne produit pas la preuve de ce que la pièce jointe annexée aux courriers mentionnés au point précédent comportait effectivement la liste individualisée de tous les salariés concernés par un éventuel licenciement mentionnant l'intitulé et la classification des emplois supprimés, la nature de leur contrat de travail ainsi que leur statut et leur coefficient de classification, il résulte de ce qui a été dit au point 11 qu'à ce stade de la procédure, il n'appartient pas à l'administration de contrôler le respect de l'obligation qui incombe à l'employeur projetant de licencier un salarié pour motif économique, et qui consiste à procéder, préalablement à ce licenciement, à une recherche sérieuse des postes disponibles pour le reclassement de ce salarié.
15. En troisième lieu, les appelants soutiennent qu'au regard des termes du jugement du tribunal de commerce du 2 novembre 2023 plaçant la société en redressement judiciaire l'actif net, après paiement du passif, s'élève à plus de 8,25 millions d'euros, de sorte que le budget de 90 000 euros alloué au financement des mesures du PSE représenterait seulement 1 % de l'actif net, élément que l'administration aurait dû prendre en considération dans le cadre de son contrôle. Il ressort des pièces du dossier, notamment du livre 2 du document unilatéral homologué par la décision en litige et du bilan économique, social et environnemental rédigé par l'administrateur judiciaire lors de la période d'observation, qu'à la date du 3 janvier 2024, le passif déclaré entre les mains du mandataire judiciaire s'élevait à la somme de 5 274 244 euros, auquel s'ajoute un passif d'un million d'euros pour la période de redressement judiciaire, outre les créances salariales résultant de la liquidation judiciaire et des licenciements, pour un actif évalué à 10 890 427 euros au moment de la déclaration de créance. Toutefois, ainsi que l'a relevé le tribunal, l'actif disponible de la société à cette date était limité à 101 085 euros tandis que le stock, évalué à trois millions d'euros, a fait l'objet de revendications de la part de fournisseurs pour un montant global de 1 684 542 euros. Du fait de cette situation financière dégradée, le tribunal de commerce de Paris, par un jugement du 20 juin 2024, a d'ailleurs mis fin à la période d'observation et prononcé la liquidation judiciaire de la société GAB France Retail après avoir relevé que la société se trouvait en état de cessation de paiements et ne disposait pas des capacités financières suffisantes pour lui permettre de poursuivre son activité. Les requérants, qui ne contestent pas utilement les chiffres relatifs au montant du passif post-ouverture déclaré par la société, n'apportent aucun élément contraire qui serait de nature à démontrer qu'une mobilisation supplémentaire d'actifs de la société était possible à brève échéance d'autant plus que les sociétés du groupe ont, ainsi qu'il a été dit précédemment, refusé d'abonder le financement du plan de sauvegarde de l'emploi. Et en tout état de cause, à supposer même qu'elle le soit, une réalisation supplémentaire d'actifs serait soumise, comme pour tous les actifs de la société GAB France Retail, aux règles fixées par les articles L. 641-1 et suivants du code de commerce régissant le paiement des créances par une société en liquidation judiciaire. Par ailleurs, le document unilatéral homologué prévoit, dans la limite du plafond global de 90 000 euros et par salarié, les montants des aides financières à la formation (formations d'adaptation ou de reconversion), à la création ou la reprise d'entreprise et à la mobilité géographique (frais de déménagement) ainsi que le financement, sous réserve de l'accord de l'assurance de garantie des salaires (AGS), des aides à la mobilité externe (frais de déplacement et d'hébergement en cas de reconnaissance de poste, frais de réinstallation) ainsi que la prise en charge de frais annexes à la formation ou à la création d'entreprise. Certaines de ces aides sont en outre majorées pour les salariés présentant un facteur de vulnérabilité sur le marché du travail, du fait de leur âge ou de leur état de santé. Enfin, le plan de sauvegarde prévoit, conformément à l'article L. 1233-57-3 du code du travail, le recours au contrat de sécurisation professionnelle mentionné à l'article L. 1233-65 de ce code. L'administration, à qui il incombait seulement d'apprécier le caractère suffisant du plan de sauvegarde de l'emploi au regard des moyens dont dispose l'entreprise, a ainsi pris en compte l'ensemble des éléments précités.
16. Dans ces conditions, prises dans leur ensemble, les mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi, ne peuvent qu'être regardées comme répondant aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés mentionnés aux articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du code du travail, compte tenu des moyens dont disposait la société GAB France Retail à la date de la décision litigieuse. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le plan de sauvegarde de l'emploi était insuffisant au regard des moyens de l'entreprise, ni que l'administration n'a pas correctement exercé son contrôle sur ce point. Ces moyens doivent donc être écartés.
S'agissant du respect par l'employeur de ses obligations de sécurité :
17. Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ".
18. Il appartient à l'administration, dans le cadre du contrôle du contenu du document unilatéral lui étant soumis en vue de son homologation, de vérifier, au vu des éléments relatifs à l'identification et à l'évaluation des conséquences de la réorganisation de l'entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs, des débats qui se sont déroulés au sein du CSE, des échanges d'informations et des observations et injonctions éventuelles formulées lors de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi, dès lors qu'ils conduisent à retenir que la réorganisation présente des risques pour la santé ou la sécurité des travailleurs, si l'employeur a arrêté des actions pour y remédier et si celles-ci correspondent à des mesures précises et concrètes, au nombre de celles prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, qui, prises dans leur ensemble, sont, au regard de ces risques, propres à les prévenir et à en protéger les travailleurs.
19. Il ressort des pièces du dossier, notamment des ordres du jour des réunions d'information-consultation des 28 juin et 3 juillet 2024 et du procès-verbal de la séance du CSE du 3 juillet 2024, en particulier son point 11, que cet organisme a bénéficié de l'information et de la consultation requises sur les conséquences du projet de réorganisation sur les conditions de travail, la santé et la sécurité des salariés, le liquidateur ayant détaillé à cette occasion les actions prévues par le livre IV. A cette occasion, les membres du CSE ont notamment été informés de la saisine des services de la médecine du travail compétents au regard des lieux d'implantation des établissements de la société. Ce livre remis aux élus du CSE en vue de la réunion extraordinaire en date du 28 juin 2024 et mis à jour au terme des deux réunions comprend, outre l'identification des facteurs de risques psychosociaux et de leurs éventuelles conséquences psychiques et comportementales générés par le projet de licenciement collectif, plusieurs mesures de nature à prévenir et gérer les risques pour la santé physique et mentale des salariés qui ne se limitent pas à la seule possibilité de recourir à la médecine du travail. Outre un simple rappel aux salariés de la possibilité de solliciter directement un rendez-vous, le document précise que les différents services territorialement compétents de la médecine du travail ont été spécifiquement mobilisés par le liquidateur par des courriers joints en annexe du 24 juin 2024 afin de les interroger sur les mesures d'accompagnement susceptibles d'être proposées aux salariés ainsi que sur les modalités de prise en charge de ces derniers dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux. Il prévoit également la mise en place d'une cellule d'écoute psychologique auprès d'un cabinet spécialisé et d'un numéro vert accessible 24/24h 7/7 jours, une information des salariés sur le calendrier prévisionnel du règlement des créances salariales résultant de la rupture des contrats de travail et des arriérés de salaire ainsi qu'une aide financière d'un montant maximal de 150 euros par salarié afin de rembourser, sur justificatifs, les éventuels frais de consultation d'un professionnel médical ou paramédical, ce qui implique le remboursement de la franchise médicale, non remboursée par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) et les mutuelles, ainsi que le remboursement du ticket modérateur ou des dépassements d'honoraires éventuels s'il ne sont pas pris en charge par la mutuelle des salariés concernés. Il n'est en outre pas contesté que les membres du CSE et l'expert désigné par celui-ci ont été informés, dans le cadre du précédent PSE affectant la société, de la mise à jour du document unique d'évaluation des risques psychosociaux (DUERP), tenant compte en particulier des conséquences, sur la santé mentale des salariés, du contexte de réorganisation et de fermeture de magasins, source d'inquiétudes et d'interrogations sur la sécurité de leur emploi et leur avenir professionnel. Enfin, conformément aux dispositions de l'article L. 1233-6 du code du travail et ainsi que l'a relevé la décision attaquée, le document unilatéral homologué prévoit la mise en place d'une commission de suivi de la mise en œuvre des mesures du PSE composée de deux membres du CSE, du liquidateur judiciaire ou son représentant, d'un représentant de France Travail et d'un représentant de la DREETS, comme l'a rappelé le liquidateur lors de la réunion du CSE du 3 juillet 2024. Cette commission doit, selon les termes mêmes de ce document, se réunir une fois par mois durant les deux premiers mois suivant la première réunion puis, postérieurement, de manière régulière, selon une périodicité déterminée par les participants jusqu'au terme du PSE afin d'assurer le suivi de la mise en œuvre des différentes mesures du plan de sauvegarde de l'emploi dont celles relatives à la sécurité et à la protection de la santé physique et mentale des salariés de la société. Dans ces conditions, comme cela ressort des motifs de la décision contestée, l'ensemble des mesures prévues par l'employeur ont été contrôlés par l'autorité administrative et sont suffisantes pour assurer le respect des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail. La circonstance à cet égard que le livre IV dans lequel elles figurent est distinct du document unilatéral proprement dit est sans incidence.
20. Par ailleurs, la circonstance, à la supposer établie, que le PSE conduirait la société à collecter des données de santé en violation des dispositions de l'article 9 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données en ce qu'il prévoit la prise en charge par la société des dépenses de consultation des salariés chez un spécialiste, dans la limite de 150 euros et sous réserve de la production de justificatifs, dont la nature n'est au demeurant pas précisée, est de même sans incidence sur la légalité de la décision d'homologation.
En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée :
21. Aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur la décision de validation dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 et la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours à compter de la réception du document complet élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4. / Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité social et économique et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires. La décision prise par l'autorité administrative est motivée (...) ".
22. Il résulte des dispositions précitées que la décision expresse par laquelle l'administration homologue un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit énoncer les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que les personnes auxquelles cette décision est notifiée puissent à sa seule lecture en connaître les motifs. Si le respect de cette règle de motivation n'implique ni que l'administration prenne explicitement parti sur tous les éléments qu'il lui incombe de contrôler, ni qu'elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction, il lui appartient, toutefois, d'y faire apparaître les éléments essentiels de son examen.
23. Doivent ainsi y figurer ceux relatifs à la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, ceux tenant au caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l'entreprise et, le cas échéant, de l'unité économique et sociale ou du groupe ainsi que, à ce titre, ceux relatifs à la recherche, par l'employeur, des postes de reclassement. En outre, il appartient, le cas échéant, à l'administration d'indiquer dans la motivation de sa décision tout élément sur lequel elle aurait été, en raison des circonstances propres à l'espèce, spécifiquement amenée à porter une appréciation.
24. D'une part, si la décision d'homologation du document unilatéral relatif au projet de licenciement économique collectif de la société GAB France Retail ne comporte aucune mention de l'auteur et de la date de la demande, cette omission formelle n'est pas de nature à caractériser un défaut de motivation.
25. D'autre part, la décision d'homologation contestée vise les dispositions applicables du code du travail, notamment celles relatives aux licenciements économiques dans le cadre d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire et à l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi. Après avoir rappelé les jugements d'ouverture des procédures de redressement puis de liquidation judiciaire, la décision contestée précise ensuite les différentes phases de la procédure ayant conduit à l'élaboration du document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi. La décision rappelle que deux réunions du CSE se sont tenues les 28 juin et 3 juillet 2024 à l'occasion desquelles ses membres ont reçu les informations et documents nécessaires, leur permettant d'émettre un avis sur la liquidation judiciaire de la société, ses conséquences sur la santé physique et mentale des salariés et le projet de licenciement collectif. Elle mentionne ainsi l'ensemble des éléments de fait relatifs à la régularité de la procédure d'information et de consultation du CSE. Elle relève également que le document unilatéral soumis à homologation prévoit le calendrier prévisionnel de la procédure et des licenciements, la rupture
de cinquante-deux contrats à durée indéterminée et les catégories professionnelles concernées, les modalités de mise en œuvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement. Elle mentionne également que les critères d'ordre de licenciement prévus à l'article L. 1233-5 du code du travail ne peuvent être appliqués en raison de la suppression de la totalité des emplois de la société. Elle indique les diligences accomplies par le liquidateur judiciaire, notamment auprès de l'actionnaire majoritaire de la société GAB France Retail, en ce qui concerne les possibilités de reclassement interne et de financement du plan de sauvegarde de l'emploi par les autres sociétés du groupe. Cette décision décrit ensuite avec suffisamment de précision les mesures de reclassement externe prévues par le document unilatéral. Elle mentionne la mise en place, par le liquidateur judiciaire, de mesures visant à préserver la santé, la sécurité et les conditions de travail des salariés, en particulier l'instauration d'une cellule d'appui et d'écoute, la possibilité, pour ces derniers, d'adhérer au contrat de sécurisation professionnel ainsi que l'association de l'autorité administrative au suivi des mesures contenues dans le plan de reclassement conformément aux dispositions de l'article L.1233-63 du code du travail. Enfin, elle indique que le plan de sauvegarde de l'emploi est suffisant au regard des moyens de l'entreprise. L'administration, qui n'avait pas à prendre explicitement parti dans sa décision sur tous les éléments qu'il lui incombait de contrôler, a ainsi fait apparaître dans sa décision les éléments essentiels de son examen. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 1233-57-4 du code du travail doit être écarté.
26. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... AC..., M. E... AA..., Mme J... L..., M. O... M..., M. X... N..., Mme H... B..., Mme S... P..., Mme Q... Y..., Mme W... F..., Mme I... R..., Mme Z... T..., Mme C... AB..., Mme U... K..., M. D... G... et M. A... V... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont les requérants demandent le versement au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le liquidateur judiciaire de la société GAB France Retail sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. E... AC..., M. E... AA..., Mme J... L..., M. O... M..., M. X... N..., Mme H... B..., Mme S... P..., Mme Q... Y..., Mme W... F..., Mme I... R..., Mme Z... T..., Mme C... AB..., Mme U... K..., M. D... G... et M. A... V... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Axyme, liquidateur judiciaire de la société GAB France Retail, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... AC..., premier dénommé dans la requête, à la société Axyme, prise en la personne de Me Demortier, liquidateur judiciaire de la société GAB France Retail et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Copie en sera adressée à la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) des Hauts-de-France.
Délibéré après l'audience publique du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 avril 2025.
Le président-assesseur,
Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,
Présidente-rapporteure,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière
C. Huls-Carlier
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N° 25DA00148