Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... et le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) A... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la délibération du 15 avril 2021 par laquelle le conseil municipal de la commune de Mencas a refusé de conclure un bail rural avec M. A... pour l'exploitation de la parcelle cadastrée ZA43 située dans la commune voisine de Matrighem.
Par un jugement n° 2106346 du 18 décembre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 février 2024, M. A... et le GAEC A..., représentés par Me Verague, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune de Mencas du 15 avril 2021 ;
3°) d'enjoindre à la commune de Mencas, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, d'exécuter le jugement du tribunal administratif de Lille n° 1806048 du 9 juillet 2020 et de solliciter la résolution du bail rural consenti le 31 mars 2018 à M. B... sur cette parcelle ou, à défaut, de saisir le tribunal paritaire des baux ruraux ;
4°) d'enjoindre à la commune de Mencas, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de consentir à M. A... un bail rural portant sur cette parcelle dans un délai de trois mois à compter de la résolution du bail rural du 31 mars 2018 ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Mencas une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la délibération attaquée, qui refuse l'attribution d'un bail rural, est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise en méconnaissance du jugement du tribunal administratif de Lille n° 1806048 du 9 juillet 2020 dès lors que la commune devait tirer les conséquences de l'annulation prononcée par le tribunal en annulant les actes pris en application de la délibération du 23 mars 2018 et en prenant une nouvelle délibération pour décider de l'attribution du bail relatif à la parcelle ZA 43 ;
- la délibération contestée n'a pas procédé à une comparaison de la situation des candidats à la reprise du bail, en méconnaissance de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il appartenait à la commune de Mencas d'attribuer le bail en cause en appréciant de façon rétroactive la situation des candidats prévalant à la date de la délibération annulée par le jugement du tribunal administratif de Lille du 9 juillet 2020 et en faisant application de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime donnant la priorité à M. A... qui a bénéficié de la qualité de jeune agriculteur jusqu'au 19 août 2019 ;
- la commune devait prendre en compte la pluriactivité de M. B... et en tirer les conséquences sur le calcul des surfaces qu'il exploite.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2024, M. C... B..., représenté par Me Bué, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
La requête et l'ensemble des pièces de la procédure ont été communiquées à la commune de Mencas qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vandenberghe, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... et le GAEC A... relèvent appel du jugement n° 2106346 du 18 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 15 avril 2021 par laquelle le conseil municipal de Mencas a refusé de conclure avec M. A... un bail rural portant sur l'exploitation de la parcelle cadastrée ZA43 située dans la commune voisine de Matrighem.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, les délibérations relatives à l'attribution de baux ruraux appartenant à une commune ainsi qu'au refus de conclure de tels baux ne se rattachent à aucune des catégories de décisions individuelles défavorables qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. En particulier, ces délibérations ne peuvent pas être regardées comme refusant aux candidats n'ayant pas été retenus par la collectivité, un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, au sens du 6° de cet article. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la délibération attaquée du 15 avril 2021, qui est inopérant, ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque le bailleur est une personne morale de droit public, le bail peut être conclu soit à l'amiable, soit par voie d'adjudication. / (...) / Quel que soit le mode de conclusion du bail, une priorité est réservée aux exploitants qui réalisent une installation en bénéficiant de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs ou, à défaut, aux exploitants de la commune répondant aux conditions de capacité professionnelle et de superficie visées à l'article L331-2 du présent code, ainsi qu'à leurs groupements (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour la conclusion des baux ruraux sur des terres agricoles dont une commune est propriétaire, une priorité est réservée aux exploitants qui réalisent une installation en bénéficiant de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs. Une telle installation ne constitue pas un acte instantané mais la réalisation progressive, étalée dans le temps, du projet d'installation au vu duquel et pour lequel la dotation a été accordée. Par suite, la priorité réservée aux exploitants qui réalisent une installation en bénéficiant de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs joue pendant la période de réalisation du projet. Cette dernière doit être regardée comme achevée à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle le bénéficiaire a commencé à réaliser effectivement ce projet.
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier qu'en 2018, la commune de Mencas a lancé une procédure en vue de l'attribution d'un bail rural portant sur l'exploitation de la parcelle cadastrée ZA43 lui appartenant et située dans la commune voisine de Matrighem. Deux agriculteurs se sont portés candidats, M. A... et M. B.... Par délibération du 23 mars 2018, le conseil municipal de Mencas a attribué le bail à M. B.... Le 9 juillet 2018, le candidat évincé a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à l'annulation de cette délibération. Par le jugement n° 1806048 du 9 juillet 2020, le tribunal a fait droit à sa demande en raison de la méconnaissance par la délibération du 23 mars 2018 des dispositions de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime réservant, en cas de pluralité de candidats, une priorité aux exploitants qui, comme M. A..., réalisent une installation en bénéficiant de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs. L'annulation de la délibération du 23 mars 2018 impliquait que le conseil municipal de Mencas prenne une nouvelle décision afin de statuer sur l'attribution du bail litigieux, au vu des circonstances de droit et de fait existantes à la date de sa nouvelle délibération, soit le 15 avril 2021 et non pas à celle de la délibération annulée, contrairement à ce que soutiennent les appelants. Par suite, ceux-ci ne sont pas fondés à soutenir que la délibération attaquée serait entachée d'une erreur de droit pour ce motif ni qu'elle méconnaîtrait l'autorité afférente au jugement n° 1806048 du 9 juillet 2020 du tribunal administratif de Lille, M. A... n'ayant au demeurant dans le cadre de cette instance pas assorti ses conclusions à fin d'annulation de la délibération du 23 mars 2018 de conclusions tendant à ce que le tribunal enjoigne à la commune de lui attribuer le bail en cause ni non plus demandé à la juridiction d'assurer l'exécution de ce jugement dans le cadre des dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative.
5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat de conformité délivré le 23 septembre 2014 par le préfet du Pas-de-Calais, que M. A... s'est installé en qualité de jeune agriculteur le 19 août 2014. Un arrêté du 30 avril 2014 lui a attribué une dotation jeune agriculteur. Cette installation s'étalant sur une période de cinq années, M. A... ne pouvait plus être regardé comme bénéficiant de la priorité réservée aux jeunes agriculteurs lorsque le conseil municipal de Mencas a statué à nouveau sur l'attribution du bail par la délibération attaquée du 15 avril 2021. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance par cette délibération des dispositions de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime doit être écarté.
6. En dernier lieu, il ne résulte pas de ces mêmes dispositions que le conseil municipal de Mencas aurait dû pour attribuer le bail concernant sa parcelle, procéder à une comparaison des surfaces exploitées par les agriculteurs concurrents en prenant en compte, notamment, la pluriactivité de M. B... et en convertissant ses revenus extra-agricoles en surfaces conformément aux dispositions du schéma directeur des exploitation agricoles en Nord-Pas-de-Calais, alors applicable. Par suite, le moyen, qui est inopérant, ne peut qu'être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... et le GAEC A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Mencas en date du 15 avril 2021. Par suite, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Mencas, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par les appelants au titre des frais d'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme que demande M. B... sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... et du GAEC A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au GAEC A..., à M. C... B... et à la commune de Mencas.
Délibéré après l'audience publique du 25 mars 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°24DA00293