Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 15 avril 2022, par laquelle la commune de Fléchy a refusé de lui octroyer la protection fonctionnelle et de condamner la commune à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral résultant du harcèlement moral dont elle s'estime victime.
Par un jugement n° 2102045 du 2 août 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2023, Mme B..., représentée par Me Vrillac, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 août 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 15 avril 2022 et d'enjoindre à la commune de Fléchy de lui accorder la protection fonctionnelle ;
3°) de condamner la commune de Fléchy à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Fléchy une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part du maire de la commune à compter de 2016 ;
- ces agissements ont conduit à une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé ;
- ils justifient que la protection fonctionnelle lui soit accordée ;
- le harcèlement moral dont elle a été l'objet et le refus de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle sont à l'origine d'un préjudice moral évalué à la somme de 5 000 euros.
La requête a été communiquée à la commune de Fléchy qui, mise en demeure dans les conditions prévues par l'article R. 612-6 du code de justice administrative, n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 23 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Malfoy, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., agente administrative, exerce les fonctions de secrétaire de mairie à temps incomplet auprès de la commune de Fléchy (Oise) depuis 2013. Par un courrier du 2 avril 2021, transmis par son conseil, Mme B... a saisi la commune de Fléchy d'une demande tendant à obtenir la protection fonctionnelle et l'indemnisation des préjudices résultant de faits de harcèlement moral qu'elle estime avoir subis dans le cadre de ses fonctions. En l'absence de réponse, Mme B... a saisi le tribunal administratif d'Amiens le 8 juin 2021 afin d'obtenir l'annulation de la décision implicite rejetant sa demande de protection fonctionnelle et la condamnation de la commune à réparer son préjudice moral pour un montant de 5 000 euros. Les décisions rejetant expressément la demande indemnitaire et la demande de protection fonctionnelle sont intervenues en cours d'instance, respectivement le 3 novembre 2021 et le 15 avril 2022. Par un jugement du 2 août 2023, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions d'annulation et de condamnation de la commune de Fléchy.
2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, repris depuis à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
3. D'autre part, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dont les dispositions ont été reprises depuis à l'article L. 134-5 du code général de la fonction publique : " I. - A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire (...) bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire (...) / IV. - La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
4. En premier lieu, si Mme B... soutient que le maire de la commune de Fléchy lui a reproché en 2016 d'avoir dissuadé les membres du conseil municipal de voter en faveur de son projet d'acquisition d'un nouvel ordinateur, ce fait isolé, alors que l'intéressée se plaint pour l'essentiel d'agissements commis à son égard à compter de l'année 2020, ne permet pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral.
5. En deuxième lieu, Mme B... soutient que le maire de la commune de Fléchy lui adresse des reproches injustifiés depuis 2020 sur la façon dont elle s'acquitte de ses tâches de gestion du personnel, d'archivage des décisions municipales et d'impression des documents administratifs, et, plus généralement, sur sa manière de servir. Toutefois, il ne ressort ni des notes rappelant diverses consignes sur les prises de congés et la dématérialisation des dossiers, ni des courriels échangés avec le maire appelant son attention sur certains dossiers, que ce dernier aurait excédé l'exercice normal de l'autorité hiérarchique à l'égard de l'appelante. Si Mme B... fait encore état de remarques désobligeantes du maire devant le conseil municipal, lequel aurait pour habitude de la mettre en cause en cas d'insuffisance des documents préparés pour la séance du conseil, ces remarques, pour indélicates qu'elles soient, ne suffisent pas à faire présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral.
6. En troisième lieu, Mme B... se plaint de l'indisponibilité du maire de la commune de Fléchy, qui ne répond pas en temps utile aux messages téléphoniques et aux courriels qui lui sont adressés. Toutefois, il ressort des pièces versées au dossier de première instance que le maire exerce une activité de conducteur poids lourd qui ne lui permet pas de répondre immédiatement aux messages. Si cette situation, dont les membres du conseil municipal se plaignent également, rend plus difficile le travail de l'appelante, qui exerce ses fonctions à temps incomplet, il n'y a pas lieu pour autant d'en déduire des agissements susceptibles de faire présumer un harcèlement moral.
7. En quatrième lieu, si l'appelante soutient avoir été empêchée de télétravailler pendant la période de confinement décidée en 2020 afin de lutter contre la pandémie de Covid-19, il appartenait au maire de la commune de Fléchy d'organiser les conditions de travail des agents municipaux pendant cette période. A cet égard, il ressort des pièces du dossier de première instance que Mme B... était en mesure de travailler dans les locaux de la mairie, fermée au public pendant le confinement, et dont elle était l'unique agent de bureau.
8. En cinquième lieu, si Mme B... soutient que l'accès à la cuisine de la mairie lui a été fermé pendant ses temps de pause et que l'armoire contenant les fournitures de bureau a été verrouillée, ces faits, dont le caractère récurrent n'est pas précisé, ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Il en est de même de la modification à plusieurs reprises de la configuration et de la répartition des espaces de travail, et de la circonstance que son supérieur lui a demandé les codes d'accès à l'unique ordinateur de la mairie. Si l'appelante fait encore état d'une volonté du maire de la faire travailler le samedi, il ressort du procès-verbal du conseil municipal du 3 juillet 2021 que les services administratifs de la commune, dont elle est l'unique agent, étaient seulement ouverts en semaine au cours de la période pendant laquelle elle indique avoir été harcelée.
9. En sixième lieu, l'absence de perception, par Mme B..., de son traitement en décembre 2021 présente le caractère d'une difficulté ponctuelle qui ne fait pas présumer une situation de harcèlement.
10. En dernier lieu, s'il ressort des pièces du dossier, notamment les échanges de courriels et les témoignages de tiers, que les conditions de travail de Mme B... se sont détériorées à compter de 2020 en raison d'une mésentente avec le maire, affectant son état de santé à compter d'octobre 2020, les faits dont elle se prévaut, pris isolément ou dans leur ensemble, ne sont pas susceptibles de faire présumer un harcèlement moral dans les conditions rappelées au point 2. Mme B... n'est donc pas fondée à soutenir que la décision lui refusant l'octroi de la protection fonctionnelle a méconnu les dispositions citées au point 3. Il s'ensuit également que ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Fléchy.
Délibéré après l'audience publique du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 avril 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au préfet de l'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière,
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N° 23DA01871