Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2021 par lequel le préfet de la région Normandie l'a radiée des cadres de la fonction publique et a prononcé son admission à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 1er novembre 2018 en tant qu'il ne reconnaît pas l'imputabilité au service de son invalidité et d'enjoindre au préfet de la région Normandie de prendre une décision l'admettant à la retraite pour invalidité imputable au service.
Par un jugement n° 2103760 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 juillet 2023, Mme A..., représentée par Me André, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 juin 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2021 en tant qu'il refuse de reconnaître l'imputabilité au service de son invalidité ;
3°) d'enjoindre au préfet de la région Normandie de prendre une décision l'admettant à la retraite pour invalidité imputable au service ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'arrêté litigieux est entaché d'illégalité interne par voie d'exception d'illégalité de l'avis conforme du ministre du budget du 8 février 2021 l'ayant admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service ; les éléments médicaux qu'elle produit sont de nature à contredire l'avis conforme sur lequel l'autorité administrative s'est fondée.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er mars 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il se réfère pour partie à ses écritures de première instance et fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé ; le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté du 9 septembre 2021 est nouveau en appel et est par suite irrecevable.
Par une ordonnance du 5 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 27 mars 2024 à 12h00.
Par un courrier du 18 mars 2024, il a été demandé aux parties, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de produire une pièce en vue de compléter l'instruction ; le ministre de l'intérieur a produit le 26 mars 2025 la pièce demandée qui a été communiquée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- les conclusions de M. Frédéric Malfoy, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., adjointe administrative principale de deuxième classe affectée à la préfecture de l'Eure, a été victime d'un accident de trajet le 23 octobre 2008, reconnu imputable au service par un arrêté du 25 octobre 2018. La consolidation de ses blessures a été fixée au 28 janvier 2009. Au début de l'année 2013, Mme A... a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail en raison de douleurs. Le 10 octobre 2017, la commission départementale de réforme a rendu un avis favorable à une mise à la retraite de l'intéressée pour invalidité. Le bureau des pensions et allocations d'invalidité du ministère de l'intérieur a transmis au service des retraites de l'Etat (SRE) une proposition d'allocation d'une rente viagère d'invalidité en faveur de Mme A.... Le ministre chargé du budget a, le 28 septembre 2018, émis un avis favorable à une radiation des cadres pour invalidité au titre d'une infirmité non imputable au service, sans droit à une rente viagère d'invalidité. Par un arrêté du 25 octobre 2018, la préfète de la région Normandie a prononcé la radiation des cadres de Mme A... pour invalidité non imputable au service à compter du 1er novembre 2018. Par une décision du 7 novembre 2018, le ministre de l'intérieur a refusé d'octroyer à Mme A... une rente viagère d'invalidité.
2. Par un jugement n° 1900573 du 18 décembre 2020, le tribunal de Rouen a annulé l'arrêté du 25 octobre 2018, au motif que le signataire de l'avis du 28 septembre 2018 ne pouvait pas être identifié et qu'il était donc impossible de vérifier sa compétence et a, par voie de conséquence, annulé l'arrêté du 7 novembre 2018. Après avoir recueilli l'avis conforme du SRE daté du 8 février 2021, le préfet de la région Normandie a, par un arrêté du 9 septembre 2021, de nouveau prononcé la radiation des cadres de Mme A... et l'a admise à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 1er novembre 2018. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision en tant qu'elle ne reconnaît pas l'imputabilité au service de son invalidité.
3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... ait entendu soulever en appel le moyen tiré du défaut de motivation à l'encontre de l'arrêté contesté. L'irrecevabilité de ce moyen invoquée en défense par le ministre doit donc être rejetée.
4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées (...) en service (...) peut être radié des cadres par anticipation (...) ". Aux termes de l'article L. 28 du même code : " Le fonctionnaire civil radié des cadres dans les conditions prévues à l'article L. 27 a droit à une rente viagère d'invalidité (...) ". Aux termes de l'article L. 29 de ce code : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ".
5. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article L. 31 du même code : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. / Le pouvoir de décision appartient, dans tous les cas, au ministre dont relève l'agent et au ministre des finances (...) ". Aux termes de l'article R.*4 du même code : " L'acte de radiation des cadres spécifie les circonstances susceptibles d'ouvrir droit à pension et vise les dispositions légales invoquées à l'appui de cette décision. / Les énonciations de cet acte ne peuvent préjuger ni la reconnaissance effective du droit, ni les modalités de liquidation de la pension, ces dernières n'étant déterminées que par l'arrêté de concession ". Aux termes de l'article R. 38 du même code : " Le bénéfice de la rente viagère d'invalidité prévue à l'article L. 28 est attribuable si la radiation des cadres ou le décès en activité surviennent avant la limite d'âge et sont imputables à des blessures ou maladies résultant par origine ou aggravation d'un fait précis et déterminé de service ou de l'une des autres circonstances énumérées à l'article L. 27. (...) ". Aux termes de l'article R. 49 bis du même code, issu du décret du 18 avril 2011 relatif à la procédure d'admission à la retraite pour invalidité des fonctionnaires civils de l'Etat : " Dans tous les cas, la décision d'admission à la retraite pour invalidité, prise en application de l'article L. 31, est subordonnée à l'avis conforme du ministre chargé du budget ".
6. La situation d'un fonctionnaire civil mis à la retraite à raison d'une incapacité évaluée par un taux global d'invalidité résultant, d'une part, de blessures ou maladies contractées ou aggravées en service, et d'autre part, de blessures ou maladies non imputables au service, relève des dispositions précitées de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite à la condition que les blessures ou maladies contractées ou aggravées en service aient été de nature à entraîner, à elles seules ou non, la mise à la retraite de l'intéressé. Lorsque l'invalidité n'est pas imputable au service, la décision d'admission à la retraite pour invalidité d'un fonctionnaire doit être prise par le ministre dont il relève, sur avis conforme du ministre chargé du budget.
7. Le contrôle complet du juge de l'excès de pouvoir, sur l'imputabilité au service de l'invalidité, s'exerce même au cas où le ministre avait compétence liée par l'avis du ministre chargé du budget pour prendre la décision attaquée. L'appelante est par suite recevable à exciper de l'illégalité de cet avis conforme à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté portant radiation des cadres et admission à la retraite pour invalidité non imputable au service.
8. Il ressort des observations jointes à l'avis conforme du 8 février 2021 que pour proposer la mise à la retraite de l'intéressée pour invalidité non imputable au service sur le fondement de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le ministre chargé du budget s'est fondé sur la circonstance que la lombodiscarthrose dont souffre Mme A... n'était pas imputable à l'accident et plaçait, à elle seule, l'intéressée dans l'incapacité de continuer à exercer ses fonctions.
9. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'expertise du 14 juin 2013 établi par le Dr D..., que Mme A... a été victime d'un accident de trajet le 23 octobre 2008. Les constatations médicales réalisées par son médecin traitant consistaient alors en un " traumatisme psychologique " et une " douleur du 5ème doigt de la main droite " suivies, quelques jours plus tard, par des contractures dorsales, cervicales et lombaires. Elle a repris ses fonctions le 8 décembre 2008, la consolidation étant fixée au 28 janvier 2008 avec une constatation de douleurs cervicales gauches modérées. Selon les termes du rapport du 14 juin 2013, une rechute avec soins sans arrêt de travail a été constatée le 15 septembre 2009 pour des " douleurs cervicales gauche modérées ", le 1er avril 2010 pour " persistance lombalgies cervicalgies " puis le 26 juillet 2010 pour " persistance lombalgies cervicalgies ". L'intéressée s'est vu remettre, le 28 septembre 2010, un certificat de guérison apparente avec possibilité de rechute ultérieure. Elle a ensuite fait l'objet de plusieurs arrêts de travail entre le 19 janvier et le 5 juillet 2013 pour des douleurs du membre inférieur associées à des lombalgies dont les examens par imagerie par résonnance magnétique (IRM) ont révélé qu'ils étaient causés par une lombosciatique gauche. Le Dr D... indique que la pérennisation des rachialgies constatées depuis 2009 peut être interprétée " comme la décompensation d'une arthrose rachidienne avérée mais jusque-là muette cliniquement " et relève qu'à la date de l'expertise son invalidité est en majeure partie due à cette maladie, favorisée par une morphologie lombaire particulière, évoluant pour son propre compte et qui préexistait à l'accident sous forme latente. Il en conclut que l'état de santé de Mme A... résulte alors en partie et non exclusivement des suites de l'accident de trajet du 23 octobre 2008. En outre, l'expertise réalisée le 14 septembre 2017 par le Dr B..., rhumatologue - médecin agréé, précisée par un complément d'expertise du 23 juillet 2018 transmis par l'appelante, a estimé à 15 % le taux d'incapacité permanente partielle (IPP) correspondant à la pathologie au jour de l'expertise, dont 8 % dus à l'accident imputable au service et 7 % dus aux séquelles évoluant pour leur propre compte et liées, " non pas à un état antérieur, mais à l'aggravation progressive de l'état de santé de Mme A... ". Le Dr B... en conclut que cette aggravation, estimée à 7 %, place à elle-seule l'agent dans l'incapacité à continuer ses fonctions. Le 10 octobre 2017, la commission départementale de réforme, qui a entériné le taux d'IPP et sa ventilation entre l'accident imputable au service et l'aggravation de l'état de santé de Mme A..., a rendu un avis favorable à une mise à la retraite pour invalidité.
10. Il ressort ainsi des expertises précitées, suffisamment précises et circonstanciées, que la maladie liée à une morphologie lombaire particulière dont Mme A... est atteinte, qui a été révélée à l'occasion des examens médicaux effectués à la suite des rachialgies dont elle a souffert après l'accident de trajet dont elle a été victime en 2008, s'est développée de manière autonome et est à l'origine de l'aggravation de son état de santé. Selon l'avis des experts, l'invalidité causée par cette maladie non imputable au service est de nature à elle seule à la placer dans l'incapacité de continuer à exercer ses fonctions alors qu'il ne résulte pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient la requérante, que les séquelles résultant de l'accident de trajet dont elle a été victime seraient de cette nature. Par suite, l'avis du ministre du budget du 8 février 2021 est fondé. Dans ces conditions, et quand bien même la commission de réforme du personnel d'Etat réunie le 24 septembre 2013 a émis un avis favorable à la prise en charge des arrêts du 26 février 2013 au 5 mai 2013 et du 1er juin 2013 au 14 juillet 2013 au titre de la rechute de l'accident de trajet de 2008, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 9 septembre 2021 est illégal par voie de conséquence de l'illégalité de l'avis conforme du ministre du budget du 8 février 2021.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience publique du 22 avril 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2025.
Le président-assesseur,
Signé : J.-M. Guérin-Lebacq
La présidente de chambre,
Présidente-rapporteure,
Signé : M.-P. ViardLa greffière,
Signé : A-S Villette
La République mande et ordonne au préfet de la région Normandie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Anne-Sophie Villette
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N°23DA01386
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