Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 24 mars 2023 par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a prononcé la sanction de révocation à son encontre, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de le réintégrer dans ses fonctions et de procéder à la reconstitution de sa carrière dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2304849 du 23 mai 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2024, M. A..., représenté par Me Jamais, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 23 mai 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 mars 2023 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à sa réintégration et de reconstituer sa carrière, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure disciplinaire est irrégulière dès lors qu'il a été convoqué moins de quinze jours avant la date de la séance de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire relative aux fonctionnaires de l'Etat ; c'est à tort que le tribunal a considéré que la date de notification à retenir est celle figurant sur le cachet de la poste qui a été apposé sur l'avis de réception ;
- l'avis du conseil de discipline est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article 8 du décret du 25 octobre 1984 et de l'article L. 532-5 du code général de la fonction publique ;
- la sanction de la révocation qui lui a été infligée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que, s'il a effectivement été condamné pénalement, les faits en cause ne peuvent être regardés comme constitutifs d'une faute disciplinaire ; son comportement n'a pas eu pour effet de perturber le bon fonctionnement du service ou de jeter le discrédit sur l'administration, les faits incriminés ayant eu lieu au sein de la sphère privée ; ils ne sont donc pas incompatibles avec l'exercice de ses fonctions ; à cet égard, alors qu'il a été condamné définitivement le 30 novembre 2020 pour ces faits, qui se sont déroulés entre juin 2018 et janvier 2019, il a continué à exercer ses missions avec professionnalisme ; en considérant qu'il avait adopté un comportement indigne et contraire au devoir d'exemplarité, et plus généralement aux règles déontologiques applicables aux fonctionnaires de police, l'administration a porté une appréciation morale sur les faits en cause ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, cette sanction est disproportionnée au regard de ses états de service exemplaires ; la gravité des faits doit être relativisée eu égard au quantum de la peine prononcée par le juge pénal, qui n'a pas procédé à son inscription au Fichier des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, et au comportement ambigu de la victime ; le conseil de discipline a d'ailleurs émis à l'unanimité un avis en faveur d'une exclusion temporaire de 18 mois dont 15 avec sursis et il a continué à exercer ses fonctions jusqu'à la date de la révocation alors que sa hiérarchie a été avisée des faits dès le mois de janvier 2019 et que le conseil de discipline s'est tenu le 18 juin 2021.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale ;
- l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- les conclusions de M. Frédéric Malfoy, rapporteur public.
- et les observations de Me Jamais, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., recruté en qualité de gardien de la paix le 1er décembre 2000, a accédé au grade de brigadier le 1er novembre 2008. Il était affecté, depuis le 1er septembre 2012, à la circonscription de sécurité publique de Lille agglomération et a alors été promu au grade de brigadier-chef le 1er juillet 2016. Par un jugement du tribunal correctionnel de Béthune du 12 septembre 2019, M. A... a été relaxé des faits, commis du 1er juin 2018 au 11 janvier 2019, de corruption de mineur de plus de quinze ans et de diffusion de message violent, pornographique ou contraire à la dignité accessible à un mineur. Par un arrêt du 30 novembre 2020, la cour d'appel de Douai a infirmé ce jugement en l'ensemble de ses dispositions pénales et, statuant de nouveau, a condamné M. A... à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis pour des faits de corruption de mineur. Le 18 juin 2021, il a comparu devant la commission administrative paritaire interdépartementale compétente à l'égard des membres du corps d'encadrement et d'application de la région Hauts-de-France siégeant en formation disciplinaire qui a émis un avis favorable à une exclusion temporaire de fonctions de dix-huit mois, dont quinze mois avec sursis. Par arrêté du 24 mars 2023, notifié le 31 mars suivant, le ministre de l'intérieur l'a révoqué de ses fonctions. M. A... relève appel du jugement du 23 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du décret du 25 octobre 1984 modifié relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Ce conseil peut décider, à la majorité des membres présents, de renvoyer à la demande du fonctionnaire ou de son ou de ses défenseurs l'examen de l'affaire à une nouvelle réunion. Un tel report n'est possible qu'une seule fois ". Le délai de quinze jours, mentionné par ces dispositions, constitue pour l'agent concerné une garantie visant à lui permettre de préparer utilement sa défense. Par suite, la méconnaissance de ce délai a pour effet de vicier la consultation du conseil de discipline, sauf s'il est établi que l'agent a été informé de la date du conseil de discipline au moins quinze jours à l'avance par d'autres voies.
3. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier de la préfète déléguée pour la défense et la sécurité du 18 mai 2021, M. A... a été convoqué à la réunion du conseil de discipline prévu le 18 juin suivant. Il est constant que l'avis de réception du courrier recommandé adressé à M. A... afin de lui notifier cette convocation comporte uniquement sa signature, la date de présentation et de distribution du courrier n'étant pas mentionnée, en méconnaissance des dispositions de l'article 5 de l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux. Toutefois, il est également revêtu du tampon apposé par les services de La Poste mentionnant la date du 20 mai 2021 qui correspond, contrairement aux allégations du requérant, à la date de réexpédition de l'avis de réception à l'administration et non à la date de première présentation de l'envoi, cette information n'étant d'ailleurs pas mentionnée à l'emplacement dédié sur la preuve de distribution. Ainsi que l'a relevé le tribunal, l'intéressé doit par conséquent être regardé comme ayant reçu notification de sa convocation, au plus tard, le 20 mai 2021, soit plus de quinze jours avant la séance du conseil de discipline du 18 juin suivant. Dès lors, M. A..., qui a comparu devant le conseil de discipline après avoir préalablement rempli, le 11 juin 2021, le formulaire informant l'administration des modalités de sa comparution devant le conseil de discipline et consulté son dossier individuel le 15 juin suivant, n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière au regard des dispositions précitées.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 532-5 du code général de la fonction publique : " Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe de l'échelle des sanctions de l'article L. 533-1 ne peut être prononcée à l'encontre d'un fonctionnaire sans consultation préalable de l'organisme siégeant en conseil de discipline au sein duquel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme et la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. " Aux termes de l'article 8 du décret susvisé du 25 octobre 1984 : " Le conseil de discipline, au vu des observations écrites produites devant lui et compte tenu, le cas échéant, des déclarations orales de l'intéressé et des témoins ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée (...) ". L'exigence de motivation de l'avis de la commission administrative paritaire compétente siégeant en conseil de discipline constitue une garantie. Cette motivation peut être attestée par la production, sinon de l'avis motivé lui-même, du moins du procès-verbal de la réunion de la commission administrative paritaire comportant des mentions suffisantes.
5. Il ressort des termes de l'avis du conseil de discipline du 18 juin 2021 qu'il énonce les différents faits reprochés à M. A... qu'il considère comme établis ainsi que les circonstances aggravantes retenues à son encontre et identifie les manquements aux obligations professionnelles qu'ils constituent. Il mentionne notamment que l'intéressé a manqué à son devoir d'exemplarité et à l'honneur pour avoir été poursuivi puis condamné le 30 novembre 2020 pour des faits de corruption de mineur et diffusion d'images pornographiques à un mineur, ces derniers faits ayant été commis le 11 janvier 2019. Il fait enfin état de la proposition adoptée à l'unanimité des voix d'une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de dix-huit mois dont quinze mois avec sursis, proposition dont M. A... a été informé à l'issue des débats. Si l'appelant soutient que le conseil de discipline s'est fondé sur d'autres faits évoqués lors de la séance par la présidente, à savoir l'échange de photographies, les rapports sexuels et le visionnage d'un film pornographique avec un mineur, il ne ressort pas de la lecture de cet avis que le conseil de discipline se serait fondé sur ces faits ainsi que l'a relevé le tribunal. En tout état de cause, quand bien même ceux-ci, qui ont été reconnus par l'intéressé au cours de la séance, auraient été pris en considération, il ressort des termes de l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 30 novembre 2020 que la diffusion de photographies à caractère sexuel et la diffusion d'un film pornographique à destination d'un mineur sont inclus dans le délit de corruption de mineur et participent à le constituer. Par suite, le moyen tiré de ce que cet avis ne serait pas suffisamment motivé au regard des dispositions précitées doit être écarté.
6. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 434-3 du code de la sécurité intérieure, qui s'insère au sein des dispositions constituant le code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale : " Les règles déontologiques énoncées par le présent code de déontologie (...) / définissent les devoirs qui incombent aux policiers (...) dans l'exercice de leurs missions de sécurité intérieure pendant ou en dehors du service et s'appliquent sans préjudice des règles statutaires et autres obligations auxquelles ils sont respectivement soumis (...) ". Aux termes de l'article R. 434-9 du même code : " Le policier (...) exerce ses fonctions avec probité. / Il ne se prévaut pas de sa qualité pour en tirer un avantage personnel (...) ". Selon l'article R. 434-12 dudit code : " Le policier (...) ne se départ de sa dignité en aucune circonstance. / En tout temps, dans ou en dehors du service y compris lorsqu'il s'exprime à travers les réseaux de communication électronique sociaux, il s'abstient de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale et à la gendarmerie nationale. Il veille à ne porter, par la nature de ses relations, aucune atteinte à leur crédit ou à leur réputation ". L'article R. 434-14 du même code dispose que : " Le policier (...) est au service de la population. / (...) Respectueux de la dignité des personnes, il veille à se comporter en toute circonstance d'une manière exemplaire, propre à inspirer en retour respect et considération ". Aux termes de l'article R. 434 27 de ce code : " Tout manquement du policier ou du gendarme aux règles et principes définis par le présent code de déontologie l'expose à une sanction disciplinaire en application des règles propres à son statut, indépendamment des sanctions pénales encourues le cas échéant ". Aux termes de l'article 29 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " Le fonctionnaire actif des services de la police nationale doit, en tout temps, qu'il soit ou non en service, s'abstenir en public de tout acte ou propos de nature à porter la déconsidération sur le corps auquel il appartient ou à troubler l'ordre public ". Enfin, aux termes de l'article 113-2 de l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale : " Les fonctionnaires actifs de la police nationale (...) se départissent de leur dignité en aucune circonstance. Placés au service du public, ils se comportent envers celui-ci d'une manière exemplaire. (...) ".
7. En application des dispositions précitées, les faits commis par un fonctionnaire en dehors du service peuvent constituer une faute passible d'une sanction disciplinaire lorsque, eu égard à leur gravité, à la nature des fonctions de l'intéressé et à l'étendue de ses responsabilités, ils ont eu un retentissement sur le service, jeté le discrédit sur la fonction exercée par l'agent ou sur l'administration, ou encore si ces faits sont incompatibles avec la qualité d'agent public.
8. D'autre part, aux termes de l'article L. 533-1 du code général de la fonction publique : " Les sanctions disciplinaires pouvant être infligées aux fonctionnaires sont réparties en quatre groupes : (...) 3° Troisième groupe : a) La rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par le fonctionnaire ; b) L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans. / 4° Quatrième groupe : a) La mise à la retraite d'office ; b) La révocation ".
9. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
10. Il ressort de l'arrêté contesté du 24 mars 2023 que, pour prononcer la révocation de M. A..., le ministre de l'intérieur lui a fait grief d'avoir, à partir du mois de juin 2018, alors qu'il était âgé de quarante-trois ans, volontairement entretenu, en dehors de son service, une relation virtuelle à caractère sexuel avec un mineur, rencontré dans le cadre de l'activité sportive de ses belles-filles et alors âgé de quinze ans, consistant en de nombreux échanges de messages, de photographies et de séquences vidéo à connotation sexuelle et pornographique. Le ministre de l'intérieur lui a également reproché d'avoir adopté un comportement insistant et d'avoir récupéré le mineur à la sortie de son établissement scolaire, le 11 janvier 2019, en vue d'avoir une relation sexuelle à son domicile avec ce dernier. La décision mentionne qu'à l'issue de cet acte sexuel, la victime, alors âgée de seize ans, a signalé les faits auprès de sa mère et a déposé plainte auprès des services de la gendarmerie nationale. Elle relève enfin que la matérialité des faits, qualifiés pénalement de corruption de mineur, incluant la diffusion de messages présentant un caractère pornographique accessible à un mineur, a été établie par l'autorité judiciaire.
11. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêt du 30 novembre 2020, la cour d'appel de Douai, statuant sur les appels interjetés par le procureur de la République et la représentante légale de la victime contre le jugement rendu le 12 septembre 2019 par le tribunal correctionnel de Béthune prononçant la relaxe de M. A..., a déclaré l'intéressé coupable du délit de corruption de mineur, les faits de diffusion de messages à caractère violent ou pornographiques accessibles à un mineur s'y trouvant inclus, et l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement assorti en totalité du sursis. Elle a en outre déclaré irrecevable la demande de non-inscription de cette condamnation au bulletin n°2 du casier judiciaire. En raison de l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux constatations matérielles, retenues par le juge pénal dans une décision dont il n'est ni établi, ni même allégué qu'elle ne serait pas devenue définitive, et qui s'impose tant aux autorités qu'aux juridictions administratives, la matérialité de ces faits, également retenus dans les motifs de l'arrêté contesté du 24 mars 2023, doit être regardée comme établie. Si M. A... soutient qu'il a commis les faits en cause en dehors de l'exercice de ses fonctions et qu'il n'ont pas perturbé le bon fonctionnement du service, il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'un policier ne doit se départir de sa dignité en aucune circonstance et, en tout temps, dans ou en dehors du service, y compris lorsqu'il s'exprime à travers les réseaux de communication électronique sociaux, et doit s'abstenir de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale. Au surplus, les agissements commis par M. A... ne sont pas dépourvus de tout lien avec le service dès lors qu'il ne conteste pas avoir envoyé à la victime, courant septembre 2018, une photo de lui en uniforme de policier le sexe en érection, l'intéressé ayant ainsi utilisé de manière dévoyée l'image de l'institution à l'appui de la commission d'un délit. Il ressort en outre des termes de l'arrêt du 30 novembre 2020 que la victime a déclaré devant l'expert psychologue, à propos de leur relation sexuelle du 11 janvier 2019, s'être soumis aux demandes de M. A... du fait de ses fonctions de policier. La mère de la victime a également déclaré, lors des auditions diligentées dans le cadre de l'enquête judiciaire, avoir eu confiance en M. A... pour ce même motif. S'il n'est pas contesté que la procédure pénale n'a fait l'objet d'aucune publicité particulière, les faits reprochés à M. A... constituent ainsi des manquements caractérisés de l'intéressé à ses obligations statutaires et déontologiques, notamment rappelés aux articles R. 434 1 et suivants du code de la sécurité intérieure, et en particulier aux devoirs de dignité, d'intégrité et d'exemplarité qui s'imposent à tout fonctionnaire de police, et ils ont porté une atteinte grave à l'image du service public de la police nationale. Ils revêtent un caractère fautif justifiant le prononcé d'une sanction disciplinaire sans qu'y fasse obstacle les circonstances qu'il a continué à donner satisfaction dans l'exercice de ses missions pendant la période durant laquelle les faits ont été commis. Dans ces conditions, l'autorité disciplinaire, qui n'a ainsi pas porté une appréciation morale sur les faits en cause mais procédé à leur qualification juridique, a pu à bon droit estimer que les faits reprochés, dont la matérialité est établie par le juge pénal et qui n'est d'ailleurs pas contestée par M. A..., constituaient une faute de nature à justifier une sanction.
12. Les faits précités retenus à l'encontre de M. A... révèlent de sa part un comportement contraire à la dignité de la profession et au respect de la loi pénale qui s'imposent à tout fonctionnaire de la police nationale. Ils ont d'ailleurs été commis par un fonctionnaire expérimenté dès lors que M. A..., officier de police judiciaire, était titularisé depuis près dix-huit ans dans la police nationale au début de ses agissements. Si, comme le soutient l'appelant, la victime a initié les échanges de nature sexuelle, il ressort des motifs de l'arrêt de la cour d'appel de Douai que M. A... avait parfaitement connaissance de son état de minorité. La cour a également relevé, d'une part, qu'en dépit des réticences exprimées à plusieurs reprises de manière explicite par la victime quant à l'idée d'avoir une relation sexuelle avec un adulte et le sentiment de honte que suscitaient pour lui leurs échanges passés de photographies et de vidéos d'eux dénudés, M. A... avait procédé à plusieurs relances aux fins de continuation de ces échanges en faisant preuve d'un comportement insistant et, d'autre part, que le consentement du mineur aux actes incriminés est totalement indifférent. Ainsi, par leur nature et leur gravité, ces faits, qui ont été commis à l'encontre d'un mineur vulnérable du fait de la recherche de son identité sexuelle, sont incompatibles avec la qualité de fonctionnaire de police, sans que soient opposables, s'agissant de l'appréciation de leur gravité, le caractère très satisfaisant de la manière de servir de M. A..., dont les qualités professionnelles sont louées par ses collègues et sa hiérarchie, et la circonstance qu'il a continué à exercer ses fonctions dans l'attente de l'issue de la procédure disciplinaire sans avoir préalablement fait l'objet d'une mesure conservatoire de suspension. Enfin, ni la circonstance que le conseil de discipline a donné à l'unanimité un avis favorable à une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de dix-huit mois dont quinze avec sursis, pas plus que la circonstance que la cour d'appel de Douai n'a pas procédé à son inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes ne sauraient avoir d'incidence sur l'appréciation de la gravité des faits reprochés. Compte tenu des obligations déontologiques et professionnelles s'imposant à M. A..., c'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont estimé que la sanction prononcée n'était pas disproportionnée.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mars 2023 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions présentées à fin d'injonction.
Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience publique du 22 avril 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2025.
Le président-assesseur,
Signé : J-M. Guérin-Lebacq
La présidente de chambre,
Présidente-rapporteure,
Signé : M-P. ViardLa greffière,
Signé : A.-S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
A.-S. Villette
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N°24DA01347
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N°"Numéro"