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04/06/2025 | FRANCE | N°24DA00799

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 04 juin 2025, 24DA00799


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois. Par un arrêté du 9 avril 2024, le préfet de la Sein

e-Maritime a assigné l'intéressée à résidence.



Par un premier jugement n° 2400197, 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois. Par un arrêté du 9 avril 2024, le préfet de la Seine-Maritime a assigné l'intéressée à résidence.

Par un premier jugement n° 2400197, 2401382 du 15 avril 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a réservé à la formation collégiale de jugement l'examen des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 septembre 2023 en tant qu'il refuse à Mme A... épouse B... la délivrance d'un titre de séjour et a annulé cet arrêté en tant qu'il oblige l'intéressée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et qu'il fixe le pays de destination ainsi que l'arrêté préfectoral du 9 avril 2024.

Par un second jugement n° 2400197 du 20 juin 2024, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 septembre 2023 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée sous le n° 24DA00799 le 26 avril 2024, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler le jugement du 15 avril 2024 en tant qu'il a annulé ses décisions du 28 septembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination, et interdisant son retour pour une durée d'un mois.

Il soutient que :

- le défaut de prise en charge médicale de Mme A... n'est pas susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité au sens des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens présentés par Mme A... devant le tribunal ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 23 juillet 2024, Mme A..., représentée par Me Verilhac, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de la Seine-Maritime ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 28 septembre 2023 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français et qu'il fixe le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, en cas d'annulation fondée sur un moyen de légalité interne, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, dans l'hypothèse d'une annulation pour un moyen de légalité externe, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, dans l'attente du réexamen de sa situation qui devra intervenir dans le délai d'un mois, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros hors taxes, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à titre subsidiaire de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son profit.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés ;

- l'arrêt de son traitement médical peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- elle ne sera pas en mesure de disposer d'un traitement approprié au Nigeria, les troubles psychiatriques n'étant pas pris en charge dans ce pays ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale, en raison de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour et dès lors que celle-ci est insuffisamment motivée, a été prise sans examen particulier de sa situation, est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru à tort lié par l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entachée d'une erreur manifeste d''appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet aurait dû se prononcer sur les circonstances particulières qui auraient pu justifier la fixation d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

- la décision fixant le délai de délai de départ volontaire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français la prive de base légale ;

- elle méconnaît les articles L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour est insuffisamment motivée ;

- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français la prive de base légale ;

- elle a été prise sans examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- sa durée est disproportionnée.

Mme A... a été admise au maintien de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 août 2024.

II - Par une requête, enregistrée sous le n° 24DA01470, le 23 juillet 2024, Mme A... épouse B..., représentée par Me Verilhac, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2400197 du 20 juin 2024 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 28 septembre 2023 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, en cas d'annulation fondée sur un moyen de légalité interne, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, dans l'hypothèse d'une annulation pour un motif de légalité externe, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, dans l'attente du réexamen de sa situation qui devra intervenir dans le délai d'un mois, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros hors taxes, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à titre subsidiaire de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son profit.

Elle soutient que :

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- l'administration n'a pas examiné de façon particulière sa situation ;

- le préfet a commis une erreur de droit en se croyant à tort lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII ;

- cette décision méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet aurait dû l'admettre de façon exceptionnelle au séjour compte tenu des circonstances humanitaires propres à sa situation ;

- la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2025, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2024.

L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a produit, le 9 avril 2025, le dossier médical de Mme A... épouse B....

L'OFII a produit des observations, enregistré le 22 avril 2025.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... épouse B..., née le 6 décembre 1972, de nationalité nigériane, est entrée irrégulièrement en France le 26 novembre 2015. Sa demande d'asile a été rejetée par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 30 novembre 2016. La Cour nationale du droit d'asile a rejeté le 15 mai 2017 le recours dirigé contre la décision du directeur général de l'OFPRA. Par un arrêté du 11 juillet 2017, le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. La requête dirigée contre cet arrêté a été rejetée par un jugement n° 1702287 du 7 novembre 2017 du tribunal administratif de Rouen. Par un arrêt n° 17DA02318 du 3 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté le recours dirigé contre ce jugement. Une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " a toutefois été délivrée à Mme A..., valable du 28 novembre 2017 au 28 février 2018. Le préfet de l'Eure a par la suite refusé de renouveler ce titre de séjour, a obligé l'intéressée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination par un arrêté du 22 juin 2018. La requête tendant à l'annulation de cet arrêté a été rejetée par un jugement n° 1803439 du 14 décembre 2018 du tribunal administratif de Rouen. Le préfet de la Seine-Maritime a de nouveau obligé Mme A... à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a assignée à résidence pour une durée de six mois par des arrêtés du 23 novembre 2020, le tribunal administratif de Rouen rejetant par un jugement n° 2005680 du 19 janvier 2021 les demandes tendant à leur annulation. Le 10 mai 2021, Mme A..., épouse B..., a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade auprès du préfet de la Seine-Maritime. Par un arrêté du 13 juin 2022, celui-ci a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement n° 2204009 du 13 janvier 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, d'une part, a renvoyé à la formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et, d'autre part, a annulé l'arrêté attaqué en tant qu'il oblige Mme A... épouse B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixe le pays de destination et prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Ce jugement a été annulé par un arrêt n° 23DA00141, 23DA01061 du 1er décembre 2023 de la cour administrative d'appel de Douai. Par un jugement n° 2204009 du 14 mars 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus des conclusions de la requête de Mme A....

2. Après avoir réexaminé la situation de l'intéressée, le préfet de la Seine-Maritime, par arrêté du 28 septembre 2023 a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois. Par un jugement n° 2400197, 2401382 du 15 avril 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen, d'une part, a renvoyé à la formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et, d'autre part, a annulé l'arrêté attaqué en tant qu'il oblige Mme A... épouse B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination. Le préfet de Seine-Maritime relève appel de ce jugement. Mme A... relève appel du jugement n° 2400197 du 20 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 septembre 2023 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour.

3. Il y a lieu de joindre les instances n° 24DA00799 et 24DA01470 pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le moyen retenu par le jugement attaqué n° 2400197, 2401382 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen :

4. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ". Aux termes de l'article 4 de " Les conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge médicale, (...), sont appréciées sur la base des trois critères suivants : degré de gravité (mise en cause du pronostic vital de l'intéressé ou détérioration d'une de ses fonctions importantes), probabilité et délai présumé de survenance de ces conséquences. / Cette condition des conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge doit être regardée comme remplie chaque fois que l'état de santé de l'étranger concerné présente, en l'absence de la prise en charge médicale que son état de santé requiert, une probabilité élevée à un horizon temporel qui ne saurait être trop éloigné de mise en jeu du pronostic vital, d'une atteinte à son intégrité physique ou d'une altération significative d'une fonction importante. / Lorsque les conséquences d'une exceptionnelle gravité ne sont susceptibles de ne survenir qu'à moyen terme avec une probabilité élevée (pathologies chroniques évolutives), l'exceptionnelle gravité est appréciée en examinant les conséquences sur l'état de santé de l'intéressé de l'interruption du traitement dont il bénéficie actuellement en France (rupture de la continuité des soins). Cette appréciation est effectuée en tenant compte des soins dont la personne peut bénéficier dans son pays d'origine. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... souffre d'un syndrome anxiodépressif sévère, d'un diabète de type 2, de troubles bilatéraux du canal carpien et d'un syndrome du canal lombaire étroit. Toutefois, s'agissant de ces trois dernières pathologies, si l'intéressée a subi une intervention chirurgicale en novembre 2017 et a bénéficié pour ce motif d'un titre de séjour valable du 28 novembre 2017 au 28 février 2018, les seules pièces du dossier et notamment le certificat établi dans des termes généraux par un médecin généraliste le 5 juillet 2022 ne permettent pas de caractériser, à la date de la décision attaquée, l'exceptionnelle gravité de leurs conséquences en tant que seraient en cause le pronostic vital de l'intéressée ou la détérioration d'une de ses fonctions importantes. En ce qui concerne le syndrome anxio-dépressif sévère dont souffre la requérante, celle-ci produit une attestation du 11 avril 2024 d'un psychiatre mentionnant qu'elle est suivie pour un état de stress post traumatique avec une humeur triste, une inhibition anxieuse, un apragmatisme, un repli sur soi, un isolement social, des cauchemars et des vécus hallucinatoires nocturne et que l'arrêt du traitement, composé de Bromazepam, Levomepromazine, Mirtazapine et Venlafaxine, pourrait provoquer une rechute et avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si le juge de l'excès de pouvoir peut prendre en compte des éléments postérieurs à la décision attaquée qui éclairent la situation prévalant à la date à laquelle celle-ci a été édictée, il ressort toutefois des deux avis concordants rendus par le collège de médecins de l'OFII rendus à treize mois d'intervalle les 6 mai 2022 et 23 juin 2023 que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge n'aura pas, pour elle, des conséquences d'une exceptionnelle gravité au sens des dispositions citées au point précédent. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des observations présentée par l'OFII dans le cadre de la présente instance que Mme A... ne pourra pas bénéficier de manière effective d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement.

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen s'est fondée sur l'illégalité, invoquée par voie d'exception, du refus de titre de séjour opposé à Mme A... en tant qu'il méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 28 septembre 2023 en tant qu'il oblige l'intéressée à quitter le territoire français et fixé le pays de destination de cette mesure.

7. Il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par Mme A... ainsi que ceux soulevés dans l'instance n° 24DA01470.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 28 septembre 2023 :

En ce qui concerne la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

8. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du 28 septembre 2023 énonce avec suffisamment de précisions les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est dès lors suffisamment motivée.

9. En deuxième lieu, pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à Mme A... épouse B..., le préfet de la Seine-Maritime s'est livré à un examen particulier de sa situation et n'était pas tenu de mentionner les précédents avis du collège de médecins de l'OFII. Par suite, le moyen doit être écarté.

10. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime se serait cru lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII du 23 juin 2023 pour prendre sa décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A... épouse B.... Par suite, le moyen doit être écarté.

11. En quatrième lieu, comme il a été exposé au point 5, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à la requérante un titre de séjour sur ce fondement.

12. En cinquième lieu, Mme A... épouse B... n'ayant pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne peut utilement soutenir que le préfet de la Seine-Maritime aurait dû examiner son droit au séjour à ce titre. Par suite, le moyen doit être écarté.

13. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., présente en France depuis huit ans à la date de l'arrêté attaqué, a vécu la majeure partie de sa vie au Nigéria jusqu'à l'âge de quarante-trois ans. Elle ne compte aucune attache familiale en France alors qu'elle n'est pas isolée dans son pays d'origine où résident ses deux parents et ses cinq enfants. L'intéressée, qui a fait l'objet de quatre précédentes mesures d'éloignement, ne justifie d'aucune insertion professionnelle et sociale de nature à garantir son intégration dans la société française. Dans ces circonstances et eu égard à ce qui a été dit en ce qui concerne son état de santé au point 5 du présent arrêt, le refus de séjour contesté ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Le préfet n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, ce refus n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

En ce qui concerne les autres décisions :

14. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, Mme A... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

15. En deuxième lieu, pour les décisions obligeant Mme A... à quitter le territoire français, lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours, fixant son pays de destination et interdisant son retour sur le territoire français pour une durée d'un mois, l'arrêté attaqué énonce avec suffisamment de précisions, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. En particulier, l'interdiction de retour mentionne les critères prévus par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions précitées doit être écarté.

16. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) ". Comme il a été exposé au point 5, le défaut de prise en charge de l'état de santé de Mme A... épouse B... ne risque pas d'avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

17. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de Mme A... et notamment son état de santé caractérise l'existence de circonstances particulières justifiant que le préfet de la Seine-Maritime lui octroie un délai de départ volontaire d'une durée supérieure à trente jours. Par suite, le moyen doit être écarté.

18. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 13, les moyens tirés de la méconnaissance par l'obligation de quitter le territoire française litigieuse des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée doivent être écartés.

19. En sixième lieu, l'ensemble des moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français ayant été écarté, Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation par voie de conséquence de celle fixant le pays de destination.

20. En septième lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité (...) ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de cette convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

21. Ainsi qu'il a été dit au point 5, Mme A..., épouse B..., n'établit pas que son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait emporter des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Elle n'établit pas davantage être exposée à un risque pour sa sécurité en cas de retour dans ce pays, alors que sa demande d'asile a été précédemment rejetée par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaitrait les dispositions et stipulations citées au point 20 doit être écarté.

22. En huitième lieu, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaitrait les articles 2 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont dépourvus des précisions permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

23. En neuvième lieu, l'ensemble des moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français ayant été écarté, Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation par voie de conséquence de celle interdisant son retour sur le territoire français pour une durée d'un mois.

24. En dixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de la situation de la requérante préalablement à l'édiction de sa décision interdisant le retour de l'intéressée sur le territoire français pour une durée d'un mois.

25. En onzième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

26. Il ressort des pièces du dossier que si Mme A... réside sur le territoire français depuis près de huit ans à la date de la décision attaquée, cette durée résulte en partie de l'absence d'exécution des quatre mesures d'éloignement dont elle a fait l'objet les 11 juillet 2017, 22 juin 2018, 23 novembre 2020 et 13 juin 2022. Ainsi qu'il a été dit au point 13, l'intéressée ne dispose d'aucune attache familiale en France. Dans ces conditions, en dépit de l'ancienneté de son séjour sur le territoire et même si elle ne représente pas de menace à l'ordre public, l'interdiction qui lui a été faite de retourner sur le territoire français pour une durée d'un mois ne méconnaît, ni dans son principe, ni dans sa durée, les dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, les moyens soulevés en ce sens par Mme A... doivent être écartés.

27. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué n° 2400197, 2401382 du 15 avril 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 28 septembre 2023 en tant qu'il oblige Mme A... à quitter le territoire français et fixe le pays de destination de cette mesure, et d'autre part, que l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué n° 2400197, le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 septembre 2023 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction assorties d'astreinte et celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2400197, 2401382 du 15 avril 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme A... épouse B... en première instance et en appel tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 septembre 2023 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, qu'il fixe le pays de destination et qu'il interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un mois sont rejetées.

Article 3 : La requête n° 24DA01470 de Mme A... épouse B... est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme C... A... épouse B... et à Me Verilhac.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 13 mai 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2025.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,

Signé : B. Chevaldonnet

La greffière,

Signé : A. Vigor

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

N°24DA00799,24DA01470 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00799
Date de la décision : 04/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : EDEN AVOCATS;EDEN AVOCATS;EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-04;24da00799 ?
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