Vu l'arrêt en date du 30 novembre 1989 par lequel la cour de céans a déclaré l'Etat responsable envers MM. B..., Y..., X... et HENRY des conséquences dommageables pour la S.C.I. "LES JONQUILLES" de la délivrance irrégulière de l'autorisation de lotir du 18 septembre 1983 et avant dire droit sur le préjudice de la S.C.I. a ordonné un supplément d'instruction pour permettre aux intéressés précités de fournir les justificatifs des dépenses effectivement engagées par la société entre la date de notification de l'arrêté du 18 septembre 1983 et la date de notification du jugement du tribunal administratif du 7 décembre 1984 ;
Vu enregistré le 8 octobre 1990 au greffe de la cour le mémoire présenté par Me A..., avocat aux conseils, pour MM. B..., Y..., X... et HENRY par lequel ces derniers soutiennent que la cour doit les indemniser pour l'intégralité de leur préjudice sans limiter l'évaluation de celui-ci à la période fixée dans le jugement avant dire droit ; que le montant de ce préjudice s'établit à la somme de 572 333 francs pour chacun des appelants ;
Vu enregistré le 13 novembre 1990 au greffe de la cour, le mémoire en réplique présenté par le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer, par lequel ce dernier soutient que ne peuvent donner lieu à indemnisation au profit des requérants ni les frais d'acquisition ni les impôts et taxes, ni les travaux réalisés en pure perte, ni les frais financiers ; que s'agissant des frais de gestion il y a lieu d'observer que ceux-ci ne sont pas ventilés ; qu'ils ne peuvent donc être indemnisés ; que par ailleurs, l'absence de mention des recettes procurées par la revente des terrains ôte à l'ensemble des chefs de préjudice allégués le caractère certain requis par la jurisprudence ; qu'enfin dans l'hypothèse où la cour accueillerait pour partie la demande en indemnisation des requérants, la somme accordée ne devrait pas porter intérêts au taux légal pour la période correspondant au retard mis par les intéressés à présenter leurs observations complémentaires ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 19 février 1991 :
- le rapport de M. LANQUETIN, conseiller ;
- et les conclusions de M. CHAVRIER, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par arrêt du 30 novembre 1989 la cour a déclaré l'Etat responsable envers MM. B..., Y..., X... et HENRY, venus aux droits de la S.C.I. "LES JONQUILLES", du préjudice subi par celle-ci du fait de la délivrance irrégulière de l'autorisation de lotir accordée le 18 septembre 1983 à l'intéressée par le préfet de l'Isère ; que la cour a limité la période de responsabilité à celle comprise entre la date de notification de l'arrêté du 18 septembre 1983 et la date de notification du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 décembre 1984 qui a prononcé l'annulation de cet arrêté ; qu'avant dire droit sur la réalité et le montant du préjudice la cour a ordonné un supplément d'instruction afin de permettre à MM. B..., Z..., X... et HENRY de produire les justificatifs des dépenses effectivement engagées par la S.C.I. pendant la période ouvrant droit à indemnisation ;
Considérant que l'arrêt ci-dessus évoqué a l'autorité de la chose jugée ; qu'ainsi les appelants ne sont pas fondés à demander une modification de l'étendue de la période d'indemnisation ;
Considérant, en premier lieu, que le versement par la société des impôts et taxes afférents au terrain qu'elle avait acquis pour réaliser le lotissement est sans lien direct avec la faute commise par l'Etat ;
Considérant, en second lieu, que l'emprunt contracté par la S.C.I. ayant été obtenu avant l'intervention de l'arrêté du 18 septembre 1983 les frais financiers de cet emprunt payés pendant la période sus-mentionnée fixée par la cour ne peuvent être regardés comme la conséquence de l'autorisation de lotir illégalement délivrée ;
Considérant, en troisième lieu, que les frais de la procédure exposés devant le tribunal administratif de Grenoble par MM. B..., Y..., X... et HENRY, pour défendre dans l'instance ayant abouti à l'annulation de l'autorisation de lotissement qui leur a été délivrée, ne peuvent donner lieu à indemnité dans le cadre de l'action dirigée contre l'Etat pour obtenir réparation de la faute que celui-ci a commise en délivrant cette autorisation illégale ;
Considérant, en quatrième lieu, que les requérants ne rapportent pas la preuve du versement de la rémunération qui aurait été due au gérant de la S.C.I. pour l'exercice de son activité durant la période de responsabilité fixée par la cour ;
Considérant, en cinquième lieu, que les appelants qui produisent un état global des frais de gestion supportés par la S.C.I. durant l'année 1983, n'établissent pas, ce faisant, que ces frais ont été, en tout ou partie, engagés à compter de la notification de l'autorisation de lotir du 18 septembre 1983 ; que de même ils ne démontrent pas que les sommes de 1 841,64 francs payées à un notaire, 118,60 francs versée pour l'achat d'un panneau de chantier et 438,09 francs correspondant à un constat d'huissier, soient directement liées à l'arrêté préfectoral du 18 septembre 1983 ;
Considérant en définitive que les seules dépenses dont les appelants peuvent au regard des justificatifs fournis obtenir remboursement, ont trait à des frais de garantie bancaire pour l'exécution des travaux d'un montant global de 2 516,67 francs, à une somme de 1 287,07 francs, versée pour l'enregistrement des pièces concernant l'autorisation de lotir et à une somme de 11 000 francs représentant le montant des frais de gestion exposés en 1984 ; qu'il y a donc lieu de condamner l'Etat à payer 14 803,74 francs à MM. B..., Y..., X... et HENRY ;
Considérant que si le terrain d'assiette du lotissement a été revendu par les requérants avec une plus-value, celle-ci ne saurait, pour la détermination du préjudice subi par les intéressés, être déduite de leurs dépenses indemnisables, dès lors qu'elle est sans lien avec l'annulation de l'autorisation de lotir litigieuse ;
Considérant que la somme précitée de 14 803,74 francs doit porter intérêts au taux légal à compter du 6 février 1985, date de la demande de paiement qui avait été faite à l'Etat lors de la réclamation préalable, sans qu'il y ait lieu de tenir compte à cet égard de la circonstance invoquée par celui-ci que les appelants aient tardé à satisfaire au supplément d'instruction ordonné par la cour ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 28 décembre 1987 et 8 octobre 1990 ; qu'à ces dates il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors en application de l'article 1154 du code civil il y a lieu de faire droit auxdites demandes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositons de l'article R 222 et de condamner l'Etat à payer à MM. B..., Y..., X... et HENRY pris ensemble, la somme de 10 000 francs au titre des sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : L'Etat pris en la personne du ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer est condamné à payer ensemble à MM. B..., Y..., X... et HENRY la somme de 14 803,74 francs.
Article 2 : La somme visée à l'article précédent portera intérêt à compter du 6 février 1985. Les intérêts échus les 28 décembre 1987 et 8 octobre 1990 seront capitalisés à ces dates pour produire eux mêmes intérêts.
Article 3 : L'Etat versera ensemble à MM. B..., Y..., X... et HENRY une somme de 10 000 francs au titre de l'article R.222 du code des tribunaux et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.