Vu la décision en date du 2 janvier 1989, enregistrée au greffe de la cour le 20 janvier 1989, par laquelle le président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, par application des dispositions de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 alors en vigueur, la requête présentée par la société civile immobilière "LES AMAZONES" ;
Vu la requête, enregistrée au secrétariat de la section du contentieux le 10 décembre 1987, présentée pour la société civile immobilière "LES AMAZONES" dont le siège social est ... ;
La société civile immobilière "LES AMAZONES" demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 30 septembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Nice ne lui a pas accordé la décharge de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1976 ;
2°) de prononcer la décharge de cette imposition ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 6 février 1991 :
- le rapport de M. CHANEL, conseiller ;
- et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a envoyé à la S.C.I. "LES AMAZONES" le 30 octobre 1980, sous la forme d'un pli recommandé avec accusé de réception, conformément aux prescriptions édictées en matière d'imposition d'office, une notification de redressements de ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre de 1976, à l'adresse que le contribuable avait lui-même indiquée au service ; que l'avis de réception de cet envoi a été retourné à l'administration, revêtu, avec la mention de la date du 4 novembre 1980, d'une signature illisible précédée de la mention "PP" ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que l'expéditeur d'un pli recommandé soit en droit de regarder comme régulièrement parvenu à son destinataire un tel pli, quel que soit le signataire de l'accusé de réception, dès lors que celui-ci a été renvoyé, et sans qu'il appartienne à l'expéditeur de rechercher si le signataire dudit accusé de réception avait qualité, au regard de la réglementation postale, pour y apposer sa signature ; que, contrairement à ce que soutient la S.C.I. requérante, il n'appartenait pas à l'administration postale d'exiger la présentation de la procuration dont était titulaire le signataire de l'accusé de réception ; que si la S.C.I. "LES AMAZONES" se prévaut de ce que l'avis de réception postal pourrait avoir été signé par le préposé chargé de la distribution du courrier, elle n'apporte pas la preuve, ni même un commencement de preuve, de cette allégation ; que, dans ces conditions, la S.C.I. "LES AMAZONES" doit être regardée comme ayant régulièrement reçu la notification de redressements en date du 30 octobre 1980 ;
Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :
Considérant qu'il ressort des dispositions combinées des articles 206-2 et 35-I du code général des impôts, que les sociétés civiles sont passibles de l'impôt sur les sociétés si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations dont les bénéfices sont imposés à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux lorsqu'elles sont réalisées par des personnes physiques ; qu'il en est ainsi notamment lorsqu'elles peuvent être regardées comme des "personnes qui, habituellement, achètent en leur nom en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés" ; qu'aux termes de l'article 239 ter du même code : "Les dispositions de l'article 206-2 ne sont pas applicables aux sociétés civiles créées après l'entrée en vigueur de la loi n° 64-1278 du 23 décembre 1964 et qui ont pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente, à la condition que ces sociétés ne soient pas constituées sous la forme de sociétés par actions ou à responsabilité limitée et que leurs statuts prévoient la responsabilité indéfinie des associés en ce qui concerne le passif social. Les sociétés civiles visées à l'alinéa précédent sont soumises au même régime que les sociétés en nom collectif effectuant les mêmes opérations ; leurs associés sont imposés dans les mêmes conditions que les membres de ces dernières sociétés." ;
Considérant que la S.C.I. "LES AMAZONES" constituée le 23 décembre 1969 avait pour objet social l'acquisition d'un terrain situé à Mandelieu en vue de la construction d'un ensemble immobilier à usage principal d'habitation destiné à être vendu ; que si elle a acquis le terrain le 10 mars 1970 et a accompli des démarches qui, après qu'un premier permis de construire ait été refusé par arrêté en date du 9 avril 1971, ont abouti à la délivrance d'un permis de construire le 25 septembre 1975, la société a, par acte du 5 mai 1976, cédé le terrain sans y avoir réalisé de travaux de constructions ; qu'ayant ainsi renoncé à réaliser son objet de "construction en vue de la vente", la S.C.I. "LES AMAZONES", bien qu'elle ait été créée après l'entrée en vigueur de la loi du 23 décembre 1964, ne pouvait plus, alors que les circonstances dont elle fait état, en invoquant notamment une instruction du 12 décembre 1988, ne peuvent être regardées, en l'espèce, comme indépendantes de sa volonté, bénéficier des dispositions précitées de l'article 239 ter du code ;
Considérant, d'une part, que l'intention de revendre qui était celle de la société lors de l'acquisition du terrain découle directement de l'objet social en vue duquel elle a été constituée et qui impliquait l'acquisition du terrain destiné à la construction d'immeubles en vue de la vente ;
Considérant, d'autre part, que la condition d'habitude à laquelle est subordonnée, d'après leurs termes mêmes, l'application des dispositions précitées de l'article 35-I-1° du code, n'est pas en principe remplie dans le cas d'une société civile qui a eu pour seule activité la réalisation d'une opération spéculative unique consistant à acheter et revendre en l'état un immeuble déterminé ; qu'il en va toutefois différemment lorsque les associés qui jouent un rôle prépondérant ou bénéficient principalement des activités de la société sont des personnes se livrant elles-mêmes de façon habituelle à des opérations immobilières soit par des achats et des ventes faites en leur propre nom, soit par leur participation à des sociétés civiles dont chacune réalise une opération déterminée ; qu'en pareil cas, la société étant l'un des instruments d'une activité d'ensemble entrant dans le champ d'application de l'article 35-I-1° du code, doit être réputée remplir la condition d'habitude posée par ce texte ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que les associés de la société civile immobilière requérante détenaient d'importantes participations dans des sociétés civiles immobilières consacrant leur activité à la construction en vue de la vente ou à la promotion immobilière et se livraient en leur nom personnel à des opérations immobilières ; que, dans ces conditions, la société civile immobilière au nom de laquelle ont été réalisés l'achat et la revente du terrain dont s'agit doit être regardée comme ayant eu une activité commerciale au sens de l'article 35-I-1° qui la rend passible de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206-2 du code ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société civile immobilière "LES AMAZONES" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en date du 30 septembre 1987, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1976 ;
Article 1er : La requête de la société civile immobilière "LES AMAZONES" est rejetée.