Vu la décision en date du 27 janvier 1989, enregistrée au greffe de la cour le 3 mars 1989, par laquelle le président de la 7ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 89-906 du 2 septembre 1988 la requête présentée le 21 septembre 1988 par la S.C.P. J.P. MARTINIERE, P. RICARD, avocat aux conseils pour la S.A.R.L. Sici Ventes dont le siège est à Villeneuve Loubet (Alpes-Maritimes), Marina X... ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés respectivement au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat les 21 septembre 1988 et 23 janvier 1989, présentés par la S.C.P. J.P. MARTINIERE, P. RICARD, avocat aux conseils, pour la S.A.R.L. Sici Ventes représentée par son gérant en exercice ;
La S.A.R.L. Sici Ventes demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 18 juillet 1988 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge des sommes auxquelles elle a été assujettie au titre de la participation au financement de la formation professionnelle pour les années 1978, 1979 et 1980 ;
2°) de lui accorder la décharge sollicitée en principal et en pénalités ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 1991 :
- le rapport de Mme DEVILLERS, conseiller ;
- et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'au cours des années 1978, 1979 et 1980 la société Sici Ventes a exposé des dépenses de formation professionnelle auxquelles l'administration a dénié le caractère libératoire de l'obligation de participation au financement de la formation professionnelle continue, que le tribunal administratif de Nice par un jugement en date du 18 juillet 1988 après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur la demande à concurrence du dégrèvement accordé en a rejeté le surplus, et que la société demande en appel à être déchargée des sommes de 12 259 francs, 18 439 francs et 17 352 francs respectivement réclamées en principal au titre des 3 années susmentionnées ainsi que des pénalités correspondantes ;
Considérant qu'il résulte tant de l'article L.950-1 du code du travail que de l'article L.235 ter C du code général des impôts que tout employeur occupant au minimum dix salariés à l'exception de l'Etat, des collectivités locales et de leurs établissements publics doit concourir au développement de la formation professionnelle continue, et de l'article L.950-2 du code du travail que l'employeur peut se libérer de son obligation soit en organisant des actions de formation dans l'entreprise soit en recourant par convention à des organismes spécialisés ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.920-1 du code du travail : ".Les actions de formation professionnelle et de promotion sociale mentionnées à l'article L.900-1 ci-dessus peuvent faire l'objet de conventions. Ces conventions sont bilatérales ou multilatérales. Elles déterminent notamment : La nature, l'objet, la durée et les effectifs des stages qu'elles prévoient ; Les moyens pédagogiques et techniques mis en oeuvre ... Les modalités de contrôle des connaissances et la nature de la sanction de la formation dispensée ..." ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.900-1 alinéa 2 du code du travail dans sa rédaction alors applicable : "La formation professionnelle continue fait partie de l'éducation permanente. Elle a pour objet de permettre l'adaptation des travailleurs au changement des techniques et des conditions de travail, de favoriser leur promotion sociale par l'accès aux différents niveaux de la culture et de la qualification professionnelle et leur contribution au développement culturel, économique et social." ;
Considérant que les types d'action entrant dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle sont ainsi définies par l'article I de la loi n° 78-754 du 17 juillet 1978 introduit dans le code du travail à l'article L.900-2 : " Les types d'actions de formation qui entrent dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue, sont les suivants : 1°) Les actions de préformation et de préparation à la vie professionnelle. Elles ont pour objet de permettre à toute personne, sans qualification professionnelle et sans contrat de travail, d'atteindre le niveau nécessaire pour suivre un stage de formation professionnelle proprement dit ou pour entrer directement dans la vie professionnelle ; 2°) Les actions d'adaptation. Elles ont pour objet de permettre à des travailleurs d'acquérir une qualification plus élevée ; 4°) Les actions de prévention. Elles ont pour objet de réduire les risques d'inadaptation de qualification à l'évolution des techniques et des structures des entreprises, en préparant les travailleurs dont l'emploi est menacé à une mutation d'activité, soit dans le cadre, soit en dehors de leur entreprise ; 5°) Les actions de conversion. Elles ont pour objet de permettre à des travailleurs salariés dont le contrat de travail est rompu d'accéder à des emplois exigeant une qualification différente ou à des travailleurs non salariés d'accéder à de nouvelles activités professionnelles ; 6°) Les actions d'ac-quisition, d'entretien ou de perfectionnement de connaissances. Elles ont pour objet d'offrir aux travailleurs, dans le cadre de l'éducation permanente, les moyens d'accéder à la culture, de maintenir ou de parfaire leur qualification et leur niveau culturel ainsi que d'assumer des responsabilités accrues dans la vie associative." ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.950-8 alinéa 3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 75-1332 du 31 décembre 1975 : "Les employeurs et dispensateurs de formation sont tenus de présenter auxdits agents tous documents et pièces de nature à établir la réalité et la validité des dépenses afférentes aux actions de formation définies à l'article L.950-2. A défaut ces dépenses sont regardées comme non justifiées et n'ont pas de caractère libératoire au regard de l'obligation incombant à l'employeur en vertu de l'article L.950-1." ;
Considérant qu'il résulte de toutes les dispositions précitées que si les versements faits par l'employeur à un organisme dispensateur de formation en vertu de conventions conclues avec ce dernier pour des actions rentrant dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue sont en principe libératoire de l'obligation incombant à l'employeur, ils ne peuvent être définitivement regardés comme tels que s'ils correspondent à des dépenses dont la réalité et la validité sont justifiées par l'employeur ou l'organisme dispensateur de formation devant l'administration ou devant le juge de l'impôt ;
En ce qui concerne l'année 1978 :
Considérant en premier lieu que si la société Sici Ventes a versé à l'entreprise Marc JOUIN la somme de 10 500 francs pour une action de formation à la vente, il ne résulte pas de l'instruction que cette action ait fait l'objet de la convention exigée par l'article L.950-2 précité pour les formations confiées à des organismes extérieurs à l'entreprise ; que dès lors c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la dépense comme non libératoire de l'obligation de participation à la formation professionnelle ;
Considérant en deuxième lieu que la société a confié à l'entreprise PROMOGRAM par deux conventions signées le 15 février et le 2 mai 1978 pour un coût respectif de 6 000 francs, deux actions de formation portant respectivement sur la gestion des ressources humaines et sur la promotion et la gestion des ventes ; qu'il résulte de l'instruction que pour ces deux actions, la société a produit devant le juge les conventions ainsi que divers documents indiquant les objectifs, le programme et les méthodes pédagogiques des stages ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient l'administration, elle a établi non seulement la réalité qui n'est pas contestée mais aussi la validité des dépenses engagées ; que c'est par suite à tort que le tribunal administratif a regardé comme non libératoire la somme de 12 000 francs exposée au titre de ces actions ;
Considérant en troisième lieu que la société Sici Ventes a confié par convention signée le 13 novembre 1978 à l'entreprise M.L.C. pour un coût de 12 000 francs une action portant sur les stratégies de vente de la société, et que l'administration a rejeté la dépense comme non libératoire au motif que les objectifs de la formation ne rentraient pas dans le champ d'application des articles L.900-1 et L.900-2 du code du travail ;
Considérant toutefois, en admettant même que cette formation ait eu un intérêt commercial pour la société, qu'elle n'en était pas moins susceptible de favoriser le perfectionnement des salariés et constituait ainsi une action d'acquisition, d'entretien et de perfectionnement des connaissances au sens de l'article L.900-2 6° du code du travail précité ; que par suite le versement de la somme de 12 000 francs était libératoire de l'obligation de participation au financement de la formation professionnelle continue ;
En ce qui concerne l'année 1979 :
Considérant en premier lieu qu'il résulte de ce qui précède que la société Sici Ventes peut se prévaloir d'un excédent reportable sur l'année 1979 d'un montant de 19 741 francs ;
Considérant en second lieu que si elle a confié par convention signée le 12 juin au C.A.P.E.M. pour un coût de 3 050 francs une action de formation portant sur la direction et l'animation des vendeurs et s'adressant à des chefs des ventes, il résulte de l'instruction que le stage en cause s'adressait en fait à des vendeurs débutants et était inadapté aux besoins de formation des chefs des ventes ; qu'ainsi cette action ne se rattachait à aucune des catégories définies à l'article L. 900-2 du code du travail ; que par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a regardé comme non libératoire de l'obligation de participation à la formation professionnelle continue le versement de la somme de 3 050 francs ;
En ce qui concerne l'année 1980 :
Considérant que la société Sici Ventes a versé à l'entreprise Marc Jouin la somme de 10 500 francs en contrepartie de l'organisation de deux stages de formation et de perfectionnement à la vente ; qu'il résulte de l'instruction que d'une part contrairement à ce que soutient l'administration, cette action repose bien sur une convention signée le 4 juin 1980, et que d'autre part l'action, tant en ce qui concerne les conditions de son déroulement que ses objectifs était de nature à permettre l'acquisition, l'entretien et le perfectionnement des connaissances et rentrait ainsi dans le champ d'application de l'article L.900-2 6° du code du travail ; que par suite le versement de la somme de 10 500 francs était libératoire de l'obligation de participation au financement de la formation professionnelle continue ; que dès lors la société doit être déchargée dans la limite de ce montant et des pénalités correspondantes de la contribution mise à sa charge au titre de l'année 1980 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Sici Ventes est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge de la contribution qui lui a été réclamée au titre de l'année 1978 ; que les contributions dues au titre des deux années 1979 et 1980 doivent être réduites en principal respectivement des sommes de 11 741 francs et de 10 500 francs ; que les pénalités doivent être réduites dans la même proportion et que le surplus des conclusions de la requête doit être rejeté ;
Article 1er : Il est accordé à la société Sici Ventes une décharge en droits et en pénalités de la contribution qui lui a été réclamée au titre de l'année 1978.
Article 2 : Les sommes réclamées en principal au titre des années 1979 et 1980 doivent être réduites des sommes de 11 741 francs pour 1979 et de 10 500 francs pour 1980 ; les pénalités seront réduites dans la même proportion.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Sici Ventes est rejeté.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 18 juillet 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.