Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 2 décembre 1992, présentée pour M. Mario Y..., demeurant ... par Me X..., avocat et le mémoire complémentaire, enregistré le 10 décembre 1992, présenté pour M. Y... par la SCP OBADIA-GIRARDIN, avocat ;
M. Y... demande à la cour ;
1°) d'annuler le jugement du 1er octobre 1992 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1985 ;
2°) de maintenir le sursis de paiement et de prononcer la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 janvier 1994 :
- le rapport de M. COURTIAL, conseiller ;
- les observations de Me GERARDIN, avocat de M. Y... ;
- et les conclusions de M. BONNAUD, commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par une décision en date du 25 octobre 1993, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'une somme de 1 073 710 francs, des pénalités afférentes aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels M. Y... a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1985 ; que les conclusions de la requête de M. Y... sont, dans cette mesure devenues sans objet ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que M. Y... qui exploitait au cours des années 1982 à 1985 une entreprise individuelle d'imprimerie à Nice a été assujetti, à l'issue d'une vérification de comptabilité et d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette période ; que l'administration a recouru pour la totalité de celle-ci à la procédure de taxation d'office du chiffre d'affaires prévue par les dispositions de l'article L 66-3° du livre des procédures fiscales en raison du dépôt tardif ou de l'absence de dépôt des déclarations mensuelles et annuelles que l'intéressé était tenu de souscrire en qualité de redevable de la taxe imposé selon un régime réel ;
Considérant que le contribuable, auquel incombe la charge de cette preuve, n'établit pas avoir souscrit les déclarations auxquelles il était tenu dans les délais légaux ; qu'il fait valoir, toutefois, qu'il était soumis au régime du forfait jusqu'en 1981 et que la situation de taxation d'office qui lui a été opposée n'a pu être révélée que par le contrôle fiscal dont il a été l'objet ; qu'il critique les conditions dans lesquelles ce contrôle a été effectué et la procédure d'imposition d'office mise en oeuvre ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 302 ter du code général des impôts le chiffre d'affaires imposable est fixé forfaitairement en ce qui concerne les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel global n'excède pas 500 000 francs ; que, toutefois aux termes du 1 bis de cet article : "Le régime d'imposition forfaitaire du chiffre d'affaires et du bénéfice demeure applicable pour l'établissement de l'imposition due au titre de la première année au cours de laquelle les chiffres d'affaires limites prévus pour ce régime sont dépassés. Cette imposition est établie compte tenu de ces dépassements." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Y... a déposé tardivement au titre des années 1982 et 1983 des déclarations de résultats qui faisaient apparaître qu'il avait réalisé au cours desdits exercices un chiffre d'affaires global supérieur à la limite susmentionnée de 500 000 francs instituée pour l'application du régime forfaitaire ; qu'il suit de là que l'intéressé était en toute hypothèse imposable selon un régime réel d'imposition dès 1983 et que cette situation était révélée, avant même l'engagement du contrôle fiscal, par les déclarations souscrites ; qu'il ne ressort pas en revanche des pièces du dossier que le dépassement non contesté du chiffre d'affaires limite dès l'année 1981, qui entraînait nécessairement l'application d'un régime réel en 1982, deuxième année de dépassement, et justifiait la procédure d'évaluation d'office mise en oeuvre au titre de cette dernière année, ait été révélé par d'autres voies que l'évaluation, au cours de la vérification de comptabilité, du chiffre d'affaires de l'année 1981 ;
En ce qui concerne la régularité de la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble :
Considérant que les moyens tirés des irrégularités dont pourrait être entachée la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble dont le requérant a été l'objet sont, en tout état de cause, inopérants à l'égard des redressements effectués en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
En ce qui concerne la régularité de la vérification de comptabilité :
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'administration était fondée à recourir à la procédure de taxation d'office du chiffre d'affaires réalisé par M. Y... au titre de la période du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1985, dès lors que celui-ci n'avait pas satisfait aux obligations déclaratives auxquelles il était astreint ; que, par suite, les irrégularités qui seraient susceptibles d'avoir entaché les opérations de vérification de comptabilité dont le contribuable a été l'objet ne pourraient, en tout état de cause, alors même que le vérificateur a utilisé des éléments recueillis à cette occasion pour déterminer les bases d'imposition, avoir d'incidence que pour la seule année 1982 . Considérant, en premier lieu, que, d'une part, si le vérificateur a fait porter son contrôle sur l'année 1981 non mentionnée dans l'avis de vérification de comptabilité, il ressort des pièces du dossier qu'aucune imposition supplémentaire n'a été établie au titre de cette année ; que, d'autre part, lorsque l'action de l'administration est prescrite en ce qui concerne une année par suite de l'expiration du délai de répétition, cette situation ne fait pas obstacle à ce que l'administration détermine le régime d'imposition applicable au titre de l'année suivante, pour laquelle son action n'est pas prescrite, en établissant qu'au cours de l'année précédente le contribuable avait réalisé un chiffre d'affaires supérieur à la limite prévue pour l'admission au régime du forfait ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que mention de l'année 1981 ne figurait pas dans l'avis de vérification de comptabilité est inopérant ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction d'une part que la vérification de comptabilité a eu lieu dans les locaux de l'entreprise de M.
Y...
; que celui-ci ne démontre pas que le vérificateur se serait opposé à tout échange de vue et l'aurait ainsi privé de la possibilité d'un débat oral et contradictoire au cours des opérations sur place qui ont eu lieu d'abord au siège de l'entreprise et ont pu ensuite régulièrement se poursuivre dans les locaux du principal établissement dès lors que le contribuable ne s'y est pas opposé ; que, d'autre part, la preuve de l'emport par le vérificateur de documents comptables et de la non restitution par ce dernier desdits documents ne saurait être regardée comme apportée par l'attestation en date du 3 décembre 1992 rédigée, en termes d'ailleurs insuffisamment précis, par une ancienne collaboratrice du comptable de M. Y..., devenue depuis lors une salariée de celui-ci ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il est constant que les mentions des avis de vérification mettaient le contribuable en mesure de se faire assister du conseil de son choix ; que le requérant ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la carence ou de la partialité du comptable retenu par lui en qualité de conseil ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne faisait obligation au vérificateur de dresser procès-verbal sur l'état incomplet de la comptabilité qui lui était présentée et d'informer par écrit, avant l'envoi de la notification de redressements, le contribuable de son intention d'écarter cette comptabilité comme irrégulière et non probante ;
En ce qui concerne la régularité des notifications de redressements :
Considérant que les notifications de redressements en date du 22 Mai 1986 adressée à M. Y... mentionnent les motifs de la procédure d'office mise en oeuvre par l'administration ainsi que les bases et éléments de calcul des impositions rappelées ; que ces notifications satisfaisaient ainsi aux prescriptions de l'article L 76 du livre des procédures fiscales ; que les redressements litigieux étant fondés sur des insuffisances de déclarations que les pouvoirs généraux de contrôle et de redressement de l'administration permettent de rectifier et non sur la méconnaissance d'une disposition particulière d'assiette, le moyen tiré de l'absence de citation par le vérificateur, d'articles du code général des impôts ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;
Sur le bien fondé des impositions :
Considérant qu'en raison de la procédure de taxation d'office mise en oeuvre, il appartient au contribuable, conformément aux dispositions de l'article L 193 du livre des procédures fiscales, d'établir l'exagération des impositions qu'il conteste ;
Considérant que le contribuable auquel incombe la charge de la preuve peut, s'il n'est pas en mesure, comme en l'espèce, d'établir le montant exact de son chiffre d'affaires et de son bénéfice en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie en vue de démontrer que cette méthode aboutit à une exagération des bases d'imposition, soit soumettre à l'appréciation du juge de l'impôt une nouvelle méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être atteinte par la méthode primitivement utilisée par l'administration ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a reconstitué les recettes de l'entreprise en totalisant le montant des factures émises trouvées dans l'entreprise et celles retrouvées chez les clients ; que l'article 38 du code général des impôts faisait obstacle à ce que soient retenus les seuls encaissements ; que l'inspecteur a ensuite retranché des montants ainsi obtenus ceux des recettes définitivement irrécouvrables ; que le requérant n'est pas fondé à opposer à cette méthode, basée sur les données réelles de l'exploitation et qui n'est pas sérieusement critiquée, une méthode de reconstitution théorique consistant à appliquer aux achats un coefficient de marge tiré d'une monographie professionnelle ;
Considérant que l'examen des mouvements de trésorerie du contribuable a seulement servi à confirmer la pertinence de la méthode de reconstitution des recettes et n'a généré aucun redressement ; que les critiques faites à cette méthode sont, dès lors, sans portée utile ;
Sur les pénalités :
Considérant que si l'administration a commis l'erreur d'infliger à M. Y... les pénalités prévues en cas de mauvaise foi, le ministre est en droit à tout moment de la procédure contentieuse, pour justifier au moins partiellement l'application de pénalités, de demander qu'une nouvelle base légale soit substituée à celle qui a été primitivement invoquée par le service ; que le ministre est fondé, dès lors que M. Y... a été taxé d'office, comme il a été vu ci-dessus, en vertu de l'article 66-3° du livre des procédures fiscales, à demander que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée soient assortis des pénalités prévues en cas de taxation d'office dans la limite des pénalités initialement appliquées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Article 1er : A concurrence de la somme de 1 073 710 francs, en ce qui concerne les pénalités afférentes aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels M. Y... a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1985, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. Y...
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.