Vu, 1° sous le n° 92LY00461, la requête, enregistrée au greffe de la cour le 7 mai 1992, présentée par M. X... demeurant ... ;
M. X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 13 mars 1992 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif a rejeté sa demande en réduction des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1978 et 1979 ;
2°) de prononcer la réduction de ces impositions et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 11 860 francs au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés tant en première instance qu'en appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu, 2° sous le n° 92LY00651, le recours, enregistré au greffe de la cour le 9 juillet 1992, présenté pour le ministre du budget ;
Le ministre du budget demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement susvisé en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la réduction des compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. X... avait été assujetti au titre des années 1976 et 1977 ;
2°) de remettre ces impositions à la charge de M. X... ; ... Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 juin 1994 :
- le rapport de M. GAILLETON, conseiller ;
- et les conclusions de M. RICHER, commissaire du gouvernement ;
Sur la jonction :
Considérant que la requête de M. X... et le recours du ministre du budget sont dirigés contre un même jugement, en date du 13 mars 1992, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, prononcé la réduction des compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. X... avait été assujetti au titre des années 1976 et 1977 et, d'autre part, rejeté les conclusions de l'intéressé tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1978 et 1979 ; que cette requête et ce recours présentant à juger des questions semblables, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur les impositions en litige :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte d'un arrêt de la cour d'appel de Chambéry en date du 21 avril 1983 confirmant un jugement du tribunal de grande instance d'Annecy en date du 26 mars 1982 statuant en matière correctionnelle, dont l'autorité de la chose jugée quant aux constatations matérielles des faits s'impose au juge administratif, que M. X..., alors président directeur général de la Société Nouvelle Fermière du Casino d'Annecy, a, au cours des années 1976 à 1979 et pour un montant total estimé à 1 328 666 francs, dissimulé, avec la complicité de certains croupiers du casino, une partie des recettes imposables de la société ; qu'il ressort toutefois de cet arrêt que, d'une part, la somme susmentionnée a été, à hauteur de 996 500 francs, inscrite à divers autres titres dans les écritures de la société, et est ainsi restée investie dans l'entreprise, et que, d'autre part, le surplus, soit 332 166 francs, a été versé aux employés complices et non à M. X... ;
Considérant, en second lieu, que si, par un arrêt ultérieur en date du 11 décembre 1986 confirmant un jugement du tribunal de grande instance d'Annecy en date du 31 mai 1985 statuant également en matière correctionnelle, la cour d'appel de Chambéry a reconnu M. X... coupable de fraude fiscale à raison de ces faits, en estimant notamment que le versement aux croupiers, pour prix de leur silence, d'une partie des recettes sociales non déclarées par M. X..., constituait un emploi de revenus de la part de ce dernier, une telle qualification des faits ne s'impose pas au juge administratif ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sommes en cause étant restées investies dans l'entreprise ou ayant été perçues par d'autres personnes que M. X..., l'administration n'était pas en droit de les imposer entre les mains de M. X... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, comme elle l'a fait à concurrence de 175 000 francs au titre de l'année 1976, 324 000 francs au titre de chacune des années 1977 et 1978, et 270 000 francs au titre de l'année 1979 ; qu'il s'ensuit, d'une part que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à ce que les compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1978 et 1979 soient réduits à concurrence de la taxation de ces sommes, d'autre part que le ministre du budget n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif a prononcé cette réduction au titre des années 1976 et 1977 ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de M. X... ;
Article 1er : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 13 mars 1992 est annulé.
Article 2 : Les bases de l'impôt sur le revenu assignées à M. X... au titre des années 1978 et 1979 sont réduites respectivement de 324 000 francs et 270 000 francs.
Article 3 : M. X... est déchargé des droits et pénalités correspondant aux réductions des bases d'imposition définies à l'article 2.
Article 4 : Le recours du ministre du budget ainsi que les conclusions de M. X... tendant à l'application de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetés.