requête enregistrée au greffe de la cour le 29 avril 1994 pour M. et Mme X... demeurant, Marlens à FAVERGES dans le département de la Haute Savoie, par Me Le Boulc'h, avocat ;
M. et Mme X... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement avant dire droit en date du 24 février 1993 et le jugement définitif du 30 septembre 1993 par lesquels le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre des années 1982, 1983, 1984 et 1985 ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de leur accorder le remboursement des frais exposés tant en première instance qu'en appel ;
4°) de leur allouer une somme de 25 000 francs au titre de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n°86 -1317 du 30 décembre 1986 ;
Vu la loi n°86-1318 du 30 décembre 1986 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 1997 :
le rapport de M.BONNAUD, conseiller;
et les conclusions de M. BONNET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme X..., qui exploite à titre individuel un commerce de boulangerie et alimentation, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 décembre des années 1982, 1983, 1984 et 1985 ; qu'à la suite de ces opérations, l'administration a notamment réintégré dans les bénéfices commerciaux imposables au titre de chacun de ces exercices, les sommes respectives de 41 438 francs, 16 216 francs, 47 272 francs et 118 627 francs, correspondant à une fraction des frais financiers ; que ces frais ont été regardés comme imputables aux prélèvements excessifs que l'intéressée avait faits dans la trésorerie de l'entreprise et que révélait le solde débiteur de son compte personnel aux dates de clôture des exercices dont s'agit ; que M. et Mme X... font appel des jugements en date du 24 février 1993 et du 30 septembre 1993 par lesquels le tribunal administratif de Grenoble, après avoir ordonné un supplément d'instruction, a rejeté leur demande ;
Sur la procédure d'imposition :
Considérant qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier que la notification de redressement adressée à Mme X... le 25 juillet 1986 précisait la nature et le montant des redressements, indiquait leurs motifs et comportait en annexe leurs modalités de calcul ; que la circonstance que le vérificateur ait retenu, à tort, les encours des emprunts et découverts bancaires, au lieu de leur montant moyen est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Considérant que l'expiration du délai de trois mois imparti à l'administration pour procéder aux opérations de vérification ne lui est, aux termes mêmes de l'article L.52 du livre des procédures fiscales, pas opposable "pour l'instruction des requêtes présentées par les contribuables" ; que le vérificateur n'a, par suite, commis aucune irrégularité en revenant dans l'entreprise pour instruire la demande que le contribuable avait soumise au tribunal ; que si, pour les besoins du supplément d'instruction ordonné par le tribunal il est intervenu, à nouveau, au siège de l'entreprise, cette circonstance, imposée pour l'exécution du jugement, ne constitue pas une violation des dispositions de l'article L.52 du livre de procédures fiscales sur la durée des vérifications ;
Sur le bien-fondé :
Considérant que les dispositions de l'article L.47 du livre des procédures fiscales ne concernent que les vérifications et sont invoquées en vain à l'encontre des conditions d'exécution du supplément d'instruction ; qu'il résulte de l'instruction que le contribuable a été avisé par téléphone, le 27 avril 1993, de la venue du vérificateur le 4 mai suivant ; que Mme X... n'a pas demandé le report des opérations et a obtenu un délai supplémentaire pour présenter tout document et formuler toutes observations ; qu'ainsi les requérants ne sont pas fondés en tout état de cause, à soutenir que le supplément d'instruction aurait méconnu le principe du contradictoire, au motif que la lettre les informant de la visite du vérificateur a été reçue le 3 mai seulement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 38-2 du code général des impôts, le bénéfice net imposable : "est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés" ; qu'aux termes de l'article 39-1 du même code : "Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges" ; que les charges financières supportées durant l'exercice sont au nombre de ces charges déductibles, mais à la condition d'avoir été effectivement exposées dans l'intérêt de l'entreprise ;
Considérant que, dans une entreprise individuelle, le capital engagé dans l'entreprise est à tout moment égal au solde créditeur du compte personnel de l'exploitant ; que le compte de celui-ci doit, à la clôture de chaque exercice, être crédité ou débité des résultats bénéficiaires ou déficitaires et doit, en cours d'exercice, être crédité ou débité des suppléments d'apports ou des prélèvements effectués ; qu'aucune disposition législative n'oblige l'exploitant à faire des suppléments d'apports ou à s'abstenir de faire des prélèvements à l'effet de maintenir engagé dans l'entreprise un capital minimum, les droits des créanciers étant garantis par la responsabilité personnelle et illimitée de l'exploitant à leur égard ; que, par suite, ne peuvent être regardés comme anormaux les prélèvements effectués par un exploitant sur son compte personnel tant que ce compte, crédité ou débité ainsi qu'il a été dit plus haut, présente un solde créditeur ; que si, au contraire, le solde ainsi calculé devient débiteur, ce qui signifie que l'exploitant alimente sa trésorerie privée au détriment de la trésorerie de l'entreprise, et si, par suite, l'entreprise doit, en raison de la situation de sa trésorerie, recourir à des emprunts ou à des découverts bancaires, les frais et charges correspondant à ces emprunts ou à ces découverts ne peuvent être regardés comme supportés dans l'intérêt de l'exploitant, et ne sont dès lors pas déductibles des bénéfices imposables ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les constatations du vérificateur sont de nature à justifier les redressements si et dans la mesure où les emprunts et découverts bancaires qui ont entraîné les frais financiers litigieux sont la conséquence des prélèvements de l'exploitant ayant rendu en 1982, 1983, 1984 et 1985 son compte personnel débiteur ;
Considérant que s'il appartient, en règle générale, à l'administration d'établir les faits caractérisant l'acte anormal de gestion qu'elle invoque, ce principe ne peut toutefois, recevoir application que dans le respect des dispositions législatives et réglementaires qui, dans le contentieux fiscal, gouvernent la charge de la preuve ; qu'il est constant que la procédure contradictoire de redressement a été suivie pour les années 1982 et 1983, tandis que celle de l'évaluation d'office, non contestée, a régi les années 1984 et 1985 ; qu'il suit de là que la charge de la preuve incombe à l'administration pour les deux premières années et à Mme X... pour les deux autres ;
En ce qui concerne les années 1982 et 1983 :
Considérant qu'à l'exception d'un emprunt en date du 23 décembre 1982 et d'un découvert de 50.000 francs autorisé par la banque couvrant les années en cause, l'administration n'établit pas que les autres emprunts ont été contractés à une époque où le compte de l'exploitant était débiteur, ou qu'ils aient eu pour cause l'engagement de dépenses personnelles ; qu'en dépit du supplément d'instruction ordonné par les premiers juges, le ministre ne précise pas le montant des intérêts et agios indûment supportés par l'entreprise à raison de l'emprunt de 1982 et du découvert autorisé sur les années 1982 et 1983, qui pouvaient seuls faire l'objet d'une réintégration ; que, par suite, il y a lieu de prononcer la décharge des impositions correspondant à ce chef de redressement ;
En ce qui concerne les années 1984 et 1985 :
Considérant que les requérants n'établissent pas, pour leur part, que les emprunts ont été contractés à une époque où le compte de l'exploitant était créditeur, ni que les agios payés sur les découverts bancaires effectifs de ces années ont été inférieurs à ceux retenus par le service ; que les modalités de calcul des redressements, après le supplément d'instructon, sont conformes aux principes qui ont été rappelés ci-dessus, ainsi que, en tout état de cause, aux modalités précisées par une instruction du 10 septembre 1985 qui se borne à rappeler, sur ce point, lesdits principes ; que les requérants ne démontrent pas que leur dette envers les organismes prêteurs serait, par l'effet des remboursements intervenus, différente de celle retenue par le service, ni que le montant des découverts bancaires était inférieur à ceux utilisés lors du calcul de la réintégration à effectuer ;
Sur les pénalités :
Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, les pénalités ont été motivées dans la notification de redressement du 4 août 1986 et portées à la connaissance de Mme X... qui a présenté des observations à leur sujet dans sa réponse à ladite notification ;
Considérant qu'aucune disposition en vigueur à la date de la notification n'imposait le visa d'un inspecteur principal pour la mise en oeuvre des pénalités exclusives de la bonne foi du contribuable ;
Considérant qu'en faisant état de la comptabilisation systématique en charges de dépenses purement personnelles, en particulier l'impôt sur le revenu, l'administration établit la mauvaise foi du contribuable ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
Considérant qu'il n'ya pas lieu, dans les circonstances de l'espèce , de condamner l'Etat à verser à M. et Mme X... la sommme qu'ils réclament au titre des frais non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les bases de l'impôt sur le revenu de M. et Mme X..., au titre des années 1982 et 1983, sont réduites à concurrence des redressements fondés sur la réintégration des frais financiers.
Article 2 : Il est prononcé la décharge de la différence entre le montant de l'impôt sur le revenu établi au titre des années 1982 et 1983 restant en litige et celui résultant de la réduction de base ordonnée à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 30 septembre 1993, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X... est rejeté.