Vu, 1° sous le n° 94LY01877, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour respectivement les 13 décembre 1994 et 22 mai 1995, présentés pour la société SUDINVEST dont le siège est situé ..., (06600), NICE, par Me X..., avocat ;
La société SUDINVEST demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 20 octobre 1994 par lequel le tribunal administratif de NICE, à la demande des consorts Z..., a annulé le permis de construire que le maire d'Antibes lui avait délivré le 1er octobre 1993 ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de NICE par les consorts Z..., et de condamner ces derniers à lui verser une somme de 20 000 francs au titre des frais irrépétibles ;
Vu, 2° sous le n° 95LY00003, la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés au greffe de la cour respectivement les 2 janvier, 27 et 30 mars 1995, présentés pour la ville d'Antibes, par la SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
La ville d'Antibes demande également à la cour d'annuler le jugement susmentionné, de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de NICE par les consorts Z..., et de condamner ces derniers à lui verser une somme de 20 000 francs au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 avril 1998 :
- le rapport de M. GAILLETON, premier conseiller ;
- les observations de Me Y..., substituant la SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocat de la commune d'ANTIBES ;
- et les conclusions de M. VESLIN, commissaire du gouvernement ;
Sur la jonction :
Considérant que les requêtes de la société SUDINVEST et de la ville d'Antibes sont dirigées contre le même jugement, en date du 20 octobre 1994, par lequel le tribunal administratif de NICE, à la demande des consorts Z..., a annulé le permis de construire que le maire d'Antibes avait délivré le 1er octobre 1993 à la société SUDINVEST ; que ces requêtes présentant à juger des questions semblables, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur les fins de non recevoir opposées aux requêtes :
Considérant, en premier lieu, que dans les termes où elle est formulée, la délibération du conseil municipal d'Antibes en date du 24 mars 1989 doit être regardée comme ayant donné au maire, sur le fondement de l'article L.122-20 du code des communes dont les dispositions sont maintenant transférées au code général des collectivités territoriales, une délégation générale pendant la durée de son mandat pour ester en justice au nom de la commune ou la défendre dans les actions intentées contre elle ; que cette habilitation a été renouvelée par une seconde délibération prise par le conseil municipal le 4 juillet 1995 ; que, par suite, les consorts Z... ne sont pas fondés à soutenir que la ville d'Antibes aurait été irrégulièrement représentée, tant en première instance qu'en appel ;
Considérant, en deuxième lieu, que les formalités de notification des recours prescrites par l'article L.600-3 du code de l'urbanisme ne s'imposent pas à l'autorité administrative qui a délivré le permis ni au bénéficiaire de l'autorisation qui font appel d'un jugement annulant ledit permis ;
Considérant, en troisième lieu, que le moyen pris de ce que les requérantes ne se sont pas acquittées du droit de timbre exigé par l'article 1089 B du code général des impôts manque en fait ;
Considérant, enfin, que la circonstance que le mémoire complémentaire de la société SUDINVEST a été présenté plus de quatre mois après la présentation de son mémoire sommaire reste sans incidence sur la recevabilité de la requête ;
Sur la légalité du permis de construire :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme: "II. - L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ... doit être justifiée et motivée, dans le plan d'occupation des sols, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau ... III. - En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet autorisé par le permis susvisé, entouré de nombreuses parcelles supportant des habitations individuelles ou collectives, est situé dans un espace déjà urbanisé ; que, par suite, l'opération projetée par la société SUDINVEST ne saurait, quelle que soit son importance, être regardée comme constitutive d'une extension de l'urbanisation au sens des dispositions précitées du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; qu'il suit de là que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de NICE s'est fondé sur le caractère non limité de ladite extension pour annuler le permis litigieux sur le fondement de ces dispositions ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre du permis par les consorts Z..., tant devant la cour que devant le tribunal administratif de NICE ;
Considérant, en premier lieu, que le projet, ainsi qu'il vient d'être dit, est situé dans un espace urbanisé ; que, dès lors, même s'il est compris dans la bande littorale de cent mètres, il n'entre pas dans le champ d'application de l'interdiction de construire édictée sur cette bande par le III de l'article L. 146-4 précité ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme: "Le plan rendu public est opposable à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, plantations, affouillement ou exhaussements des sols ..." ;
Considérant que par un arrêt du 21 septembre 1992, le Conseil d'Etat a annulé la délibération en date du 4 mars 1988 du conseil municipal d'Antibes approuvant la révision du plan d'occupation des sols de la commune ; que le nouveau plan d'occupation des sols révisé, arrêté par une délibération du conseil municipal du 16 avril 1993, n'a été approuvé que le 20 octobre suivant; que le permis de construire délivré à la société SUDINVEST le 1er octobre 1993 ne peut ainsi trouver sa base légale dans les dispositions du plan annulé, non plus que dans celles du nouveau plan non encore approuvé, mais dans les seules dispositions du règlement national d'urbanisme recueilli aux articles R.111-1 et suivants du code de l'urbanisme ; que, par suite, les moyens pris à son encontre de la violation du règlement local sont inopérants ;
Considérant, en troisième lieu, que le premier alinéa de l'article L. 123-5 susmentionné dispose que: "Lorsque l'établissement d'un plan d'occupation des sols est prescrit, ou lorsque la révision d'un plan approuvé a été ordonnée, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délais prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan" ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que la construction projetée était de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan, tant au regard de la future règle fixée par l'article UC 12 relative au nombre de places de stationnement, qu'en ce qui concerne le futur emplacement réservé pour l'amélioration de la voie publique ; que, par suite, en s'abstenant de surseoir à statuer sur la demande de la société SUDINVEST, le maire d'Antibes n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme: "Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique" ; que si les consorts Z... soutiennent que le terrain d'assiette du projet serait situé dans une zone inondable, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en s'abstenant d'opposer ces dispositions au pétitionnaire, le maire d'Antibes ait commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-18 du code de l'urbanisme: "Lorsque le bâtiment est édifié en bordure d'une voie publique, la distance comptée horizontalement de tout point de l'immeuble au point le plus proche de l'alignement opposé doit être au moins égale à la différence d'altitude entre ces deux points ..." ; qu'aux termes de l'article R. 111-9 du même code: "A moins que le bâtiment à construire ne jouxte la limite parcellaire, la distance comptée horizontalement de tout point de ce bâtiment au point de la limite parcellaire qui en est le plus rapproché doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans pouvoir être inférieure à trois mètres.." ; qu'il ressort des plans joints à la demande de permis, qui ne sont par ailleurs pas de nature à induire en erreur l'autorité administrative, que la construction projetée respecte les règles de prospect fixées par ces dispositions ;
Considérant, en sixième lieu, que le moyen pris de ce que le projet ne respecterait pas une servitude publique existant au profit de la SNCF manque en fait ; que celui tiré du non respect des dispositions du décret du 26 mars 1993 relatif aux cessions gratuites de terrain pour les besoins des voies publiques n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant, en septième lieu, que le permis étant délivré sous réserve des droits des tiers, le moyen tiré de ce que ledit projet méconnaîtrait une servitude de droit privé résultant d'une convention de cour commune, ne peut qu'être écarté comme inopérant ; qu'il en va de même de celui tiré de ce que la commune aurait accepté sur des parcelles voisines une servitude de hauteur au profit d'un tiers, de ceux liés à l'existence d'une ZAC voisine, dont le périmètre n'inclut pas le terrain d'assiette du projet, ou encore de ceux fondés sur les changements des dispositions réglementaires qui seraient intervenus postérieurement à la délivrance du permis en litige ;
Considérant enfin que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la ville d'Antibes et la société SUDINVEST sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de NICE a annulé le permis de construire litigieux ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que la ville d'Antibes et la société SUDINVEST qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnées à payer aux consorts Z... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner ces derniers à verser à ce titre une somme de 5 000 francs respectivement à la ville d'Antibes et à la société SUDINVEST ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de NICE en date du 20 octobre 1994 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par les consorts Z... devant le tribunal administratif de NICE, ainsi que leurs conclusions d'appel, sont rejetées.
Article 3 : Les consorts Z... sont condamnés à verser au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel une somme de 5 000 francs respectivement à la ville d'Antibes et à la société SUDINVEST.