Vu la décision en date du 5 mars 1997 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt en date du 30 septembre 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté le recours du ministre du budget tendant à l'annulation du jugement du 7 mars 1991 par lequel le tribunal administratif de Marseille a accordé à la SA GUIGUES la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1983, 1984 et 1985, et renvoyé l'affaire devant ladite cour ;
Vu le recours, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel les 5 et 9 juillet 1991 présenté par le ministre délégué au budget, et tendant :
1) à l'annulation du jugement du 7 mars 1991 par lequel le tribunal administratif de Marseille a accordé à la SA GUIGUES la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1983, 1984 et 1985 ;
2) au rétablissement intégral des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1983, 1984 et 1985 pour des montants respectifs de 588 francs, 7 224 francs et 4 104 francs ; Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret n 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 1998 :
- le rapport de M. RICHER, président ;
- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la SA GUIGUES pour les exercices clos de 1981 à 1984, l'administration fiscale a déterminé la valeur locative des biens non passibles d'une taxe foncière dont a disposé la société en retenant la valeur vénale desdits biens et non leur prix de revient ; qu'elle a mis en recouvrement au titre de la taxe professionnelle lesdits redressements sans utiliser préalablement la procédure de redressements contradictoire ;
Considérant que le ministre délégué au budget demande l'annulation du jugement en date du 7 mars 1991 du tribunal administratif de Marseille qui a accordé la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle à laquelle a été assujettie la SA GUIGUES au titre des années 1983, 1984 et 1985 et le rétablissement intégral desdites cotisations supplémentaires de taxe professionnelle ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi n 79-587 du 11 juillet 1979 : "Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : ... -imposent des sujétions ..." ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 8 du décret n 83-1025 du 28 novembre 1983 : "Sauf urgence ou circonstances exceptionnelles, ... les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ... ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter des observations écrites" ;
Considérant que, eu égard à l'obligation faite à l'administration d'établir les impôts dus par tous les contribuables d'après leur situation au regard de la loi fiscale, les décisions par lesquelles elle met une imposition à la charge d'une personne physique ou morale, ne peuvent, en dépit de la "sujétion" qui en résulte pour cette dernière, être regardées comme des décisions administratives individuelles "défavorables", au sens de l'article 1er précité de la loi du 11 juillet 1979, y compris dans le cas où il s'agit d'une imposition supplémentaire, découlant d'un rehaussement des bases déclarées par le contribuable ; que, par suite, en prononçant la décharge des compléments de taxe professionnelle auxquels la société GUIGUES avait été assujettie au titre des années 1983, 1984 et 1985, au motif que l'établissement de ces impositions aurait dû être précédé d'une information de la société qui prétendait au bénéfice des dispositions de cette loi, afin d'être mise en mesure de formuler ses observations écrites, conformément à la règle énoncée par l'article 8 du décret du 28 novembre 1983, le tribunal administratif de Marseille a méconnu le champ d'application de ces textes ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens soulevés tant en première instance qu'en appel par les parties ;
Considérant que la requérante n'est en tout état de cause pas fondée à invoquer une circulaire du Premier ministre en date du 28 septembre 1987, postérieure à l'établissement des impositions en litige, pour soutenir qu'elle était en droit de se voir appliquer les dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant que la société GUIGUES ne saurait utilement se prévaloir de dispositions de la Charte du contribuable vérifié sur le fondement des dispositions de l'article L.10 du livre des procédures fiscales qui ne sont entrées en vigueur que le 1er janvier 1988, soit postérieurement à la mise en recouvrement des impositions litigieuses ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts : "La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée" ; que l'article 1467 dudit code dispose : "la taxe professionnelle a pour base : a) la valeur locative telle qu'elle est définie aux article 1469, 1518 A et 1518 B des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle ..." ; qu'en application de l'article 1469 du même code : "La valeur locative est déterminée comme suit ...3 ) Pour les autres biens, lorsqu'ils appartiennent au redevable, lui sont concédés ou font l'objet d'un contrat de crédit-bail mobilier, la valeur locative est égale à 16 p. cent du prix de revient ; Lorsque ces biens sont pris en location, la valeur locative est égale au montant du loyer au cours de l'exercice sans pouvoir différer de plus de 20 p. cent de celle résultant des règles fixées à l'alinéa précédent ; les biens donnés en location sont imposés au nom du propriétaire lorsque la période de location est inférieure à six mois ; il en est de même si le locataire n'est pas passible de la taxe professionnelle ou n'a pas la disposition exclusive des biens loués." ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles précités que, lorsqu'une entreprise assujettie à la taxe professionnelle donne de façon permanente des biens en location à une autre entreprise assujettie à la taxe professionnelle, ces biens sont compris dans les bases de l'imposition de cette dernière entreprise ; qu'en l'espèce il est constant que les matériels cédés par la société requérante à sa filiale la Société auxiliaire de matériel GUIGUES était mis en permanence à la disposition de la S.A. GUIGUES ; que leur valeur locative devait par suite être prise en compte dans la détermination de l'assiette de la taxe professionnelle de celle-ci ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 1469 du code général des impôts, la valeur locative des équipements et biens mobiliers non passibles de la taxe foncière est évaluée, soit selon les règles applicables aux bâtiments industriels si leur durée d'amortissement est au moins égale à trente ans, soit pour les autres biens d'après une valeur locative égale à 16% du prix de revient ; que les dispositions précitées ne font pas obstacle à ce que le service rectifie la valeur locative déclarée des biens concernés dès lors que la valeur ainsi rectifiée n'excède pas les limites définies par lesdites dispositions ; que le prix de revient réel du matériel ne pouvait être regardé comme équivalent au prix d'achat symbolique unitaire d'un franc versé à la S.A. GUIGUES par la Société auxiliaire de matériel GUIGUES pour l'acquisition du matériel ensuite mis à la disposition de la S.A. GUIGUES ; que le service était par suite fondé à rectifier la valeur locative dont la méthode de détermination n'est par ailleurs pas discutée ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande devant le tribunal administratif de Marseille, le ministre chargé du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, ce tribunal a prononcé la décharge des impositions litigieuses ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 7 mars 1991 est annulé.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires de taxe professionnelle des années 1983, 1984 et 1985 dont le jugement annulé a prononcé la décharge sont remises à la charge de la société GUIGUES.