Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 12 avril 1996, présentée pour M. et Mme Y..., demeurant 12, rue C. Lamarche à Limas (69400), par la SCP Evans Guezlane, avocat ;
M. Et Mme Y... demandent à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 13 février 1996 en tant que, par ledit jugement, le tribunal administratif de LYON a rejeté leur demande tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 27 avril 1995 par laquelle le préfet du Rhône leur a refusé la délivrance d'un document de circulation pour l'enfant Soumia X..., d'autre part, à ce qu'il soit prescrit au préfet du Rhône, sous astreinte de 10 000 francs par jour de retard, de leur délivrer ledit document dans les trente jours suivant la notification du jugement à intervenir ;
2 ) d'annuler la décision du préfet du Rhône du 27 avril 1995 ;
3 ) de prescrire au préfet du Rhône, sous astreinte de 10 000 francs par jour de retard, de leur délivrer le document de circulation pour l'enfant Soumia X... dans les trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4 ) de condamner le préfet du Rhône à leur verser la somme de 10 000 francs en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mars 1999 ;
- le rapport de Mme LAFOND, premier conseiller ;
- les observations de Me DEBBAH substituant Me GUEZLANE, avocat de M. et Mme Y... ;
- et les conclusions de M. BEZARD, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision en date du 27 avril 1995 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de délivrer à l'enfant Soumia X... un document de circulation :
Considérant qu'aux termes de l'article 9 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 1993 susvisée : " ...Sous réserve des conventions internationales, les mineurs de dix-huit ans qui remplissent les conditions prévues à l'article 12 bis et au 12 de l'article 15 ... reçoivent, sur leur demande, un document de circulation qui est délivré dans des conditions fixées par voie réglementaire." ; qu'aux termes de l'article 12 bis de la même ordonnance : " ... la carte de séjour temporaire est délivrée de plein droit à l'étranger mineur ... 2 ) qui justifie par tous moyens avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de six ans." ; qu'aux termes de l'article 15 de la même ordonnance : " ...la carte de résident est délivrée de plein droit ... 12 ) à l'étranger qui est en situation régulière depuis plus de dix ans sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant". ; qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 24 août 1993, qu'un document de circulation peut être délivré aux mineurs étrangers entrés en France avant l'âge de six ans, même en dehors de la procédure de regroupement familial et qui, y résidant habituellement, ont vocation à obtenir de plein droit un titre de séjour à leur majorité ;
Considérant que, par jugement du tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône du 22 juillet 1994, M. et Mme Y..., titulaires d'une carte de résident, ont obtenu délégation de l'autorité parentale sur l'enfant Soumia X..., de nationalité marocaine, né au Maroc le 13 août 1993 et qui, selon un document émanant du tribunal du juge du notariat d'El Hajeb portant la dénomination de "prise en charge", leur a été remis par ses parents pour qu'ils le prennent en charge et en assurent son éducation et son entretien ; qu'il n'est pas contesté qu'à la date de la décision attaquée, l'enfant, entré en France à l'âge de quatre jours, y résidait habituellement, au foyer de M. et Mme Y... ; qu'il remplissait ainsi les conditions prévues par les dispositions précitées pour obtenir un document de circulation ; que, par suite, M. et Mme Y... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis, dans sa rédaction issue de la loi du 24 avril 1997, en vigueur à la date du présent arrêté : " ... la carte de séjour temporaire est délivrée de plein droit ... 2 ) A l'étranger mineur ... qui justifie par tout moyen avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans." ;
Considérant qu'en l'absence de modification des circonstances de fait, l'enfant Soumia X... remplit toujours les conditions prévues à l'article 12 bis et au 12 de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 pour obtenir un document de circulation ; que, dans ces conditions, il y a lieu, en application des dispositions des articles L.8-2 et L.8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, d'enjoindre à l'autorité compétente de lui délivrer un tel document et ce, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous peine d'une astreinte de 200 francs par jour de retard ;
Sur les conclusions fondées sur l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. et Mme Y... la somme de 5 000 francs au titre des frais qu'ils ont exposés, non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de LYON en date du 13 février 1996 et la décision du préfet du Rhône en date du 27 avril 1995 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à l'autorité administrative de délivrer à l'enfant Soumia X... un document de circulation pour étranger mineur, et ce, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous peine d'une astreinte de 200 francs par jour de retard.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. et Mme Y... la somme de 5 000 francs en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.