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26/06/2001 | FRANCE | N°96LY00433

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1e chambre, 26 juin 2001, 96LY00433


Vu, enregistrée le 28 février 1996, la requête présentée pour Mme Marie-Laure X..., demeurant ..., et M. Jean-Joseph Y..., demeurant Villa Odde, Parc Berthault, à Ajaccio, et tendant à ce que la cour :
1 ) annule le jugement n 93-277 du 14 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat, la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE et la COMMUNE D'AJACCIO soient déclarés responsables des conséquences dommageables de l'inondation ayant affecté des parcelles dont ils sont propriétaires sur le territoire de cette commune ;

2 ) condamne solidairement l'Etat, la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE ...

Vu, enregistrée le 28 février 1996, la requête présentée pour Mme Marie-Laure X..., demeurant ..., et M. Jean-Joseph Y..., demeurant Villa Odde, Parc Berthault, à Ajaccio, et tendant à ce que la cour :
1 ) annule le jugement n 93-277 du 14 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat, la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE et la COMMUNE D'AJACCIO soient déclarés responsables des conséquences dommageables de l'inondation ayant affecté des parcelles dont ils sont propriétaires sur le territoire de cette commune ;
2 ) condamne solidairement l'Etat, la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE et la COMMUNE D'AJACCIO à leur verser la somme de 200 francs par mètre carré pour les parcelles n 108, 109 et 110 de la section AE et celle de 300 francs pour les parcelles n 144 et 148 de la même section ;
3 ) condamne l'Etat, la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE et la COMMUNE D'AJACCIO à leur verser la somme de 30.000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
--- ---- ---- ---- ---- ---- ---- ---- ---- ---- ---- Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu la loi n 91-428 du 13 mai 1991, portant statut de la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE LA CORSE, ensemble le décret n 92-1308 du 15 décembre 1992 relatif à l'entrée en vigueur de dispositions de ladite loi ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2001 :
- le rapport de M. FRAISSE, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. VESLIN, commissaire du gouvernement;

Considérant que Mme X... et M. Y... demandent la condamnation solidaire de l'Etat, de la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE et de la COMMUNE D'AJACCIO à réparer les dommages liés au caractère inondable de cinq parcelles de terrain leur appartenant, situées au lieu-dit La Vignetta à l'est d'Ajaccio, et trouvant leur origine, d'une part, dans la construction de divers ouvrages publics et, d'autre part, dans l'insuffisance du réseau d'assainissement pluvial ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée en première instance, que les parcelles en cause sont situées dans la plaine alluviale et deltaïque de la rivière de la Gravona, à une altitude généralement inférieure à un mètre, sont constituées d'une couverture de remblai graveleux de 0,40 à 1,20 mètre d'épaisseur reposant sur une couche composée d'argile, de sable, de limons et de graviers, sont dotées d'une très faible pente et comportent une nappe phréatique subaffleurante ; qu'avant la construction de la route nationale n 193 en 1974, elles recueillaient les eaux d'hiver ruisselant des talwegs et étaient propices à la pousse des joncs ; qu'elles présentent donc, au vu de l'ensemble de ces éléments, confrontés aux documents cartographiques joints au rapport d'expertise, une consistance principalement et anciennement marécageuse ; que, par suite, eu égard à leur nature hydrophile ou hydromorphe, les dommages résultant de leur inondation ne peuvent être regardés comme trouvant leur cause unique dans la construction de divers ouvrages publics ou l'insuffisance du réseau d'assainissement pluvial ; que, toutefois, la construction puis le doublement de la route nationale n 193 en 1974, qui a eu pour effet de combler le bras mort de la rivière de la Gravona et de constituer une barrière artificielle vers la mer Méditerranée, le mauvais état d'entretien des dalots de cette route chargés d'évacuer l'eau du ruisseau de la Salive, la construction du stade municipal de la Vignetta vers 1975, entraînant le comblement du fossé qui drainait vers la Gravona une partie des eaux de la Salive et le rejet des eaux pluviales vers les parcelles situées en contrebas, enfin l'insuffisante capacité de ce ruisseau, chargé de recueillir les eaux pluviales des zones nouvellement urbanisées, ont eu pour effet d'aggraver le caractère submersible des parcelles appartenant à Mme X... et M. Y... ;
Considérant que la réparation des conséquences dommageables de cette aggravation incombe, en l'espèce, à l'Etat qui est responsable des dommages causés par la route, et à la COMMUNE D'AJACCIO responsable de ceux causés par le stade et l'insuffisance du réseau d'assainissement pluvial ; qu'en revanche, si la route nationale a été transférée dans le domaine de la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE le 1er janvier 1993 par application de l'article 75 de la loi susvisée du 13 mai 1991 et du décret susvisé du 15 décembre 1992, il est constant que les dommages occasionnés ont une cause antérieure à ce transfert de propriété ; que, par suite, les conclusions des requérants dirigées contre la COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE doivent être écartées ;
Sur le préjudice :

Considérant que les requérants soutiennent que leur préjudice correspond à la perte de constructibilité de leurs biens, telle qu'elle ressort du projet de révision du plan d'occupation des sols de la COMMUNE D'AJACCIO modifiant le classement de leurs parcelles ; qu'ils produisent à cet effet trois certificats d'urbanisme établissant le caractère constructible de leurs biens en 1982 et précisent que ces derniers ont été rendus alors constructibles en contrepartie de la cession gratuite à la commune de quatre hectares leur appartenant en vue de la construction du stade municipal de La Vignetta ; qu'ils évaluent, d'une part, leur préjudice à 200 francs par mètre carré pour la parcelle 108, de 10.631 mètres carrés, appartenant à Mme X..., la parcelle 110, de 12.338 mètres carrés, appartenant à M. Y..., et la parcelle 109 indivise de 1.241 mètres carrés ; et, d'autre part, à 300 francs le mètre carré pour la parcelle 144, de 16.033 mètres carrés, appartenant à M. Y..., et la parcelle 148, de 21.916 mètres carrés, appartenant à Mme X... ;
Mais considérant, comme il a été dit ci-dessus, que les parcelles en cause étaient déjà sujettes à inondation et ne pouvaient, en leur état, être classées en zone constructible, alors surtout que toutes les constructions limitrophes, à savoir l'hôtel Campo Dell'Oro, le stade municipal, l'hippodrome, la route nationale, la voie ferrée, l'aéroport, ont toutes dû être rehaussées pour échapper aux contraintes hydrauliques ; qu'ainsi le préjudice des requérants doit, dans les circonstances de l'espèce, être calculé non pas sur la différence de prix entre un terrain constructible et un terrain non constructible mais en se référant à la différence de prix entre un terrain agricole cultivable périurbain, évalué à 100.000 francs l'hectare, et soit un terrain naturel, évalué à 10.000 francs l'hectare, soit une prairie naturelle, évaluée à 25.000 francs l'hectare ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les parcelles 108, 109, la moitié de la parcelle 110 et le quart des parcelles 144 et 148 sont impropres à tout usage agricole en raison d'inondations fréquentes ; que les trois quarts des parcelles 144 et 148 ne sont plus cultivables en raison d'inondations occasionnelles mais peuvent être utilisés comme prairie naturelle ; qu'il s'ensuit qu'eu égard aux droits respectifs de chaque requérant, il sera fait une juste appréciation de leur préjudice en condamnant solidairement l'Etat et la COMMUNE D'AJACCIO à verser 250.000 francs à Mme X... et 170.000 francs à M. Y... ;
Considérant qu'il s'ensuit que Mme X... et M. Y... ne sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué que dans la mesure où celui-ci leur refuse les indemnisations susmentionnées ;
Sur les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, reprenant les dispositions de l'article R. 217 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les dépens comprennent les frais d'expertise ... Ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'il soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre des parties" ; qu'en l'absence de telles circonstances particulières, les frais de l'expertise ordonnée par le président du tribunal administratif de Bastia, sur la demande de Mme X... et M. Y..., doivent être mis, non, comme ce tribunal l'a décidé à tort, à la charge de ces derniers, qui ne sont pas les parties perdantes, mais à celle, conjointe et solidaire, de l'Etat et de la COMMUNE D'AJACCIO ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'appliquer les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui reprennent celles de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner solidairement et conjointement l'Etat et la COMMUNE D'AJACCIO à verser à Mme Marie-Laure X... et à M. Jean-Joseph Y... la somme globale de 10.000 francs ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Bastia, du 14 décembre 1995, est annulé en tant qu'il concerne l'Etat et la COMMUNE D'AJACCIO.
Article 2 : L'Etat (ministre de l'équipement, des transports et du logement) et la COMMUNE D'AJACCIO sont condamnés solidairement et conjointement à verser à Mme Marie-Laure X... la somme de deux cent cinquante mille francs (250.000) et à M. Jean-Joseph Y... celle de cent soixante-dix mille francs (170.000).
Article 3 : Les frais d'expertise taxés par ordonnance du président du tribunal administratif de Bastia, du 3 juin 1992, sont mis à la charge conjointe et solidaire de l'Etat et de la COMMUNE D'AJACCIO.
Article 4 : L'Etat (ministre de l'équipement, des transports et du logement) et la COMMUNE D'AJACCIO sont condamnés solidairement et conjointement à verser à Mme Marie-Laure X... et à M. Jean-Joseph Y... la somme globale de dix mille francs (10.000) au titre des frais d'instance non compris dans les dépens.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X... et de M. Y... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 96LY00433
Date de la décision : 26/06/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

67-03-03 TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CAUSES PAR L'EXISTENCE OU LE FONCTIONNEMENT D'OUVRAGES PUBLICS


Références :

Code de justice administrative R761-1, L761-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R217, L8-1
Décret 92-1308 du 15 décembre 1992
Loi 91-428 du 13 mai 1991 art. 75


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. FRAISSE
Rapporteur public ?: M. VESLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2001-06-26;96ly00433 ?
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