Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 juin 2001 sous le n° 01LY01241, présentée par M. Guy X, demeurant ... ;
M. X demande à la Cour :
- d'annuler le jugement n° 99-2272/0001226 du Tribunal administratif de Dijon du 10 avril 2001, rejetant ses demandes en décharge, d'une part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1995, et, d'autre part, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes dont il a été déclaré redevable au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1995,
- de prononcer les décharges demandées,
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II) Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 avril 2002 sous le n° 02LY00701, présentée pour M. Guy X, par Maître Granjon, avocat au barreau de Lyon ;
CNIJ : 19-01-03-02-03
19-04-02-01-04-09
19-06-02-08-03-09
M. X demande à la Cour qu'il soit sursis à l'exécution :
- de l'article du rôle correspondant à la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1995, pour une somme de 329 153 francs,
- de l'avis de mise en recouvrement du 7 juin 1999 correspondant aux droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée dont il a été déclaré redevable au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1995, pour un montant de 269 054 francs ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n° 2001-373 du 27 avril 2001 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2003 :
- le rapport de M. KOLBERT, premier conseiller ;
- les observations de Me MICHEL, substituant Me GRANJON, pour M. X ;
- et les conclusions de M. BONNET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées concernent la situation d'un même contribuable au regard des mêmes impositions ; qu'il y lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la requête n° 01LY01241 :
En ce qui concerne les conclusions tendant à la décharge des impositions contestées :
S'agissant de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'après lui avoir notifié, le 13 septembre 1997, les redressements portant sur les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu de l'année 1995 et à la taxe sur la valeur ajoutée relative à la période du 1er janvier au 31 décembre 1995, l'administration fiscale a saisi, sur la demande de M. X, entrepreneur individuel à Clamecy, ayant fait l'objet d'une vérification de comptabilité, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de l'Yonne, laquelle, dans sa séance du 2 avril 1998, a émis un avis favorable aux redressements envisagés en matière d'impôt sur le revenu, se déclarant incompétente sur les questions de droit relatives à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'après avoir mis en recouvrement les droits supplémentaires à cette dernière imposition, l'administration a cependant constaté qu'avait siégé à la commission, l'interlocuteur départemental qui avait auparavant reçu le comptable mandaté par le contribuable et expressément pris position sur les points en litige, par lettre du 23 décembre 1997 ; qu'elle a donc à nouveau saisi la commission départementale, laquelle, dans une composition différente, a, le 17 décembre 1998, rendu un avis identique à celui du 2 avril 1998 ; que toutefois, et contrairement à ce que soutient M. X, l'irrégularité de la première consultation n'a pas eu pour effet de vicier l'ensemble de la procédure d'imposition, dès lors que l'administration avait prononcé, dès le 14 octobre 1998, un dégrèvement de la taxe sur la valeur ajoutée mise en recouvrement à la suite des redressements notifiés, qu'elle n'avait pas encore mis en recouvrement la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et qu'enfin, il n'est nullement établi, que la seconde commission, qui a procédé à un nouvel examen de la situation du contribuable, se soit estimée liée par l'avis émis à l'issue de la première séance ;
Considérant, en second lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des pièces du dossier de première instance, que le vérificateur aurait, au cours de ses opérations, emporté des documents comptables, et en particulier des factures ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de production des bordereaux d'emport et de restitution desdits documents manque en fait ;
S'agissant de l'homologation du rôle d'impôt sur le revenu :
Considérant qu'aux termes de l'article 1658 du code général des impôts : Les impôts directs et taxes assimilées sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par les préfets. - Pour l'application du premier alinéa, le représentant de l'Etat dans le département peut déléguer ses pouvoirs au directeur des services fiscaux et aux collaborateurs de celui-ci ayant au moins le grade de directeur divisionnaire. La publicité de ces délégations est assurée par la publication des arrêtés de délégation au recueil des actes administratifs de la préfecture. ; qu'à défaut de dispositions expresses, il appartient au seul représentant de l'Etat dans le département de mettre fin à la délégation qu'il a consentie en application des dispositions précitées de l'article 1658 du code général des impôts au directeur des services fiscaux en matière d'homologation des rôles des impôts directs ; qu'en admettant même que l'arrêté en date du 13 octobre 1989, par lequel le préfet de la Nièvre a délégué au directeur des services fiscaux de la Nièvre le pouvoir de rendre exécutoires, dans le département, les rôles des impôts directs et taxes assimilées, ait été précédé d'un arrêté ayant le même objet et émanant de la même autorité, un tel arrêté a implicitement mais nécessairement été abrogé par l'arrêté du 13 octobre 1989, lequel a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Nièvre de novembre 1989 ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir qu'en tant qu'il aurait été rendu exécutoire par le directeur des services fiscaux de la Nièvre sur le fondement de l'arrêté du 13 octobre 1989, le rôle mis en recouvrement le 31 juillet 1999 où figure sa cotisation d'impôt sur le revenu de l'année 1995, aurait été arrêté par une autorité elle-même incompétente ;
S'agissant du bien-fondé des redressements de la base d'imposition relative à l'impôt sur le revenu :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a, au titre de l'exercice clos en 1995, réintégré, dans les résultats imposables de l'entreprise de vente et d'installation de matériel de climatisation exploitée par le requérant, sous l'enseigne Récup'air , 4 factures d'avoir émises respectivement les 30 juin, 10 juillet, 30 septembre et 31 octobre 1995, pour un montant total hors-taxe de 482 771 francs, et correspondant à plusieurs groupes de créances détenues sur une cliente, la société Construction Technique Aéraulique de Tergnier (C.T.A.T.), placée en redressement judiciaire, le 19 juillet 1995, puis en liquidation judiciaire le 13 septembre 1995 ; que contrairement à ce que soutient l'administration, l'émission de ces notes d'avoir doit être regardée, faute de contrepartie commerciale, comme traduisant de la part de M. X, non pas l'intention de consentir un abandon de créance à ce client qui était déjà en cessation de paiements dès le 1er novembre 1994 et n'exerçait plus aucune activité, mais la constatation du caractère définitivement irrécouvrable de ces créances ; que, toutefois, les différentes attestations établies par le mandataire liquidateur les 7 juillet 1999, 20 décembre 2001, 19 février 2002, 5 avril 2002 et 7 mai 2002, présentent entre elles plusieurs contradictions quant à la date à laquelle les créances détenues sur la société C.T.A.T. par l'entreprise de M. X, pouvaient être regardées comme définitivement irrécouvrables, et ne permettent pas de justifier de ce que tel était le cas à la date à laquelle les créances correspondant aux notes d'avoir litigieuses ont été déduites du résultat en fin d'exercice ; que M. X ne peut dès lors contester la réintégration du montant desdites factures d'avoir dans son résultat imposable au titre de l'exercice clos en 1995 ;
S'agissant du bien-fondé des redressements de la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient M. X, le dégrèvement qui lui a été accordé le 14 octobre 1998 ne faisait pas en soi, obstacle à la possibilité pour l'administration fiscale de mettre à nouveau en recouvrement, selon une procédure régulière, les redressements envisagés, dès lors qu'il ne s'agissait pour elle que de tirer les conséquences de l'irrégularité de la première séance de la commission départementale des impôts ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 272 du code général des impôts : 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a été perçue à l'occasion de ventes ou de services est imputée ou remboursée dans les conditions prévues à l'article 271 lorsque ces ventes ou services sont par la suite, résiliés ou annulés ou lorsque les créances correspondantes sont devenues définitivement irrécouvrables. - Toutefois l'imputation ou le remboursement de la taxe peuvent être effectués dès la date de la décision de justice qui prononce la liquidation judiciaire - L'imputation ou la restitution est subordonnée à la justification, auprès de l'administration, de la rectification préalable de la facture initiale... et qu'aux termes de l'article 242 nonies de l'annexe II audit code : Les factures ou documents en tenant lieu établis par les assujettis doivent être datés et numérotés et faire apparaître : le nom du vendeur ou du prestataire et celui du client ainsi que leurs adresses respectives ; la date de l'opération ; pour chacun des biens livrés ou des services rendus, la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire hors-taxe et le taux de taxe sur la valeur ajoutée légalement applicable ; tous rabais, remises ou ristournes, dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de l'opération. ;
Considérant, d'une part, qu'à supposer que les quatre notes d'avoir émises par M. X au bénéfice de son client défaillant, la société C.T.A.T., puissent être regardées comme les factures rectificatives mentionnées par les dispositions précitées, il ne résulte pas de l'instruction qu'elles aient été transmises ni à ladite société pour deux d'entre elles antérieures au jugement de liquidation judiciaire, ni au mandataire liquidateur, s'agissant des deux autres, émises postérieurement audit jugement ; qu'ainsi ces notes d'avoir ne pouvaient justifier les déductions opérées, en fin de période vérifiée, par le contribuable ;
Considérant, d'autre part, que M. X n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative 3 D 1211, à jour au 2 novembre 1996, qui dispense le contribuable de l'obligation d'émettre des factures rectificatives lorsqu'il a adressé au débiteur défaillant un état récapitulatif des factures impayées comportant les mentions réglementaires, dès lors que la déclaration par le requérant de ses créances au mandataire liquidateur, en admettant même qu'elle ait été antérieure aux déductions de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a pratiquées, portait sur un montant différent du total des notes d'avoir litigieuses, et ne pouvait ainsi, contrairement à ce qu'il soutient, être assimilée à l'état récapitulatif prévu par la documentation administrative ;
Considérant, en troisième lieu, que M. X ne conteste pas le bien-fondé des redressements de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire qui lui ont été notifiés, en application des dispositions du I-3° de l'article 256 bis du code général des impôts, s'agissant des achats qu'il avait effectués en 1995 auprès de la société suédoise Corroventa ; que sa demande de compensation formulée pour la première fois en appel, et qui doit être regardée comme présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, n'est toutefois pas chiffrée et n'est, en tout état de cause, pas assortie des précisions nécessaires pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ; que l'intéressé ne peut non plus se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des dispositions de l'instruction ministérielle du 23 juin 1998, publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 3A-5-98, autorisant une imputation immédiate, dès la notification de redressement, des droits supplémentaires déductibles sur les droits rappelés, dès lors que cette instruction a été publiée postérieurement à la date de notification des redressements contestés en l'espèce ;
S'agissant des pénalités :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 1729 du code général des impôts : Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressée est établie... ;
Considérant que la seule importance des redressements auxquels elle a procédé ne permet pas à l'administration fiscale d'établir la mauvaise foi du contribuable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon ne lui a pas accordé la décharge des pénalités afférentes à l'ensemble des impositions en litige ;
En ce qui concerne les conclusions tendant au remboursement des frais exposés en appel et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, reprenant celles de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'Etat à payer à M. X une somme de 1000 euros au titre des frais exposés par lui en appel, et non compris dans les dépens ;
Sur la requête n° 02LY00701 :
Considérant que la Cour s'étant prononcée sur la requête n° 01LY01241 tendant à la décharge des impositions contestées, il n'y a plus lieu de statuer sur la présente requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'article de rôle et de l'avis de mise en recouvrement correspondants ;
DÉCIDE :
Article 1er : M. Guy X est déchargé des pénalités de mauvaise foi afférentes aux droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée dont il a été déclaré redevable au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1995, et à la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1995.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 10 avril 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. Guy X une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 01LY01241 de M. Guy X est rejeté.
Article 5 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 02LY00701 de M. Guy X.
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N° 01LY01241-02LY00701