Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 10 juillet 2006, présentée pour M. Arsen X, domicilié ..., par Me Frery, avocat au barreau de Lyon ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0601593 du 24 mars 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Ain du 28 février 2006 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant la Russie comme pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2007 :
- le rapport de Mme Lorant, présidente ;
- et les conclusions de M. d'Hervé, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...). » ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code : « Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (…) 2º L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. (…) 3º La présence en France de l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat ; 4º La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. » ; qu'enfin aux termes de l'article L. 742-6 dudit code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement (…) ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité russe, originaire de la République autonome de Kabardino-Balkarie, s'est vu refuser l'asile par décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 13 avril 2005, confirmée par décision du 22 décembre 2005 de la commission des recours des réfugiés ; que par décision du 22 janvier 2006, notifiée le 24 janvier 2006, le préfet de l'Ain lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire ; que M. X a sollicité le réexamen de sa demande d'asile ; que le préfet de l'Ain soutient, sans être contredit, qu'il a alors pris une nouvelle décision de refus d'admission au séjour ; que, par décision du 17 février 2006, l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande de réexamen de M. X ; qu'ainsi à la date de l'arrêté litigieux, M. X se trouvait dans le cas où, en application des dispositions précitées, le préfet pouvait décider sa reconduite à la frontière ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;
Considérant que M. X, né le 24 avril 1971, fait valoir qu'il est, ainsi que son épouse, en France depuis novembre 2004 où est né leur enfant et où ils vivent désormais en sécurité après les persécutions et les mauvais traitements subis dans leur pays d'origine ; que, toutefois, Mme X qui a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière du préfet de l'Ain le 28 février 2006, peut accompagner le requérant en cas d'éloignement ; que rien ne fait obstacle à ce que leur fille, née en France en juillet 2005, quitte le territoire français avec ses parents ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme X ne sont pas dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine, alors même que M. X soutient qu'il serait menacé par ses frères ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée du séjour en France de M. X et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, la mesure attaquée ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, cette mesure ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la mesure fixant le pays de destination :
Considérant qu'il résulte des motifs du jugement attaqué que le premier juge a apprécié les risques encourus par M. X au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne s'est pas limité à la circonstance que sa demande d'asile a été rejetée par la commission des recours des réfugiés ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » ; que ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de prévenir un tel risque par une protection appropriée ;
Considérant que M. X fait valoir que son père a été tué à son domicile le 23 mai 1996 par les agents du service fédéral de sécurité (FSB), qu'en mai 2002, lui-même a été arrêté par ces services alors qu'il effectuait, avec un ami, un convoi de denrées alimentaires à la frontière tchétchène et qu'il fait l'objet d'un avis de recherche par les services de police russe ;
Considérant que les certificats médicaux attestant de l'hospitalisation de M. X du 18 novembre au 9 décembre 2002 à la suite de plusieurs traumatismes et le refus, le 15 septembre 2004, d'enregistrement de sa demande, en tant que personne de nationalité caucasienne, par les services des affaires intérieures de la ville de Kotovsk (Russie), ne permettent pas d'établir la réalité des persécutions et violences dont le requérant prétend avoir été victime de la part du FSB et de ses frères ; que, si M. X soutient qu'étant musulman d'origine Kabarde et son épouse chrétienne d'origine russe, la mixité de leur couple et le fait que son épouse avait déjà un enfant avant leur mariage, les exposent à des représailles, notamment de la part de ses frères, il n'apporte aucune justification à l'appui de ces affirmations ; que si M. X, prétend qu'en cas de retour dans son pays d'origine il sera exposé à un risque certain d'arrestation et de mauvais traitements par les services de police russe, la copie d'un avis, selon lequel il serait recherché à la suite de déclarations publiques qu'il aurait faites, ne présente aucune garantie d'authenticité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X ne justifie pas qu'il court des risques en cas de retour dans son pays ; que par suite le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant, en second lieu, que par arrêt de ce jour la présente Cour a rejeté la demande de Mme X tendant à l'annulation du jugement du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon qui a rejeté sa demande en annulation de la mesure du préfet de l'Ain du 28 février 2006 fixant la Russie comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière dont elle fait l'objet ; que, par suite, M. X et son épouse ayant la possibilité de poursuivre leur vie familiale dans leur pays d'origine, la décision fixant la Russie comme pays de renvoi ne porte pas au droit de M. X au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et, dès lors, ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
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N° 06LY01470