La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/12/2007 | FRANCE | N°07LY00080

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 5ème chambre, 31 décembre 2007, 07LY00080


Vu le recours et les observations complémentaires, enregistrés respectivement au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon les 15 janvier et 12 mars 2007, présentés par la PREFETE DE SAONE-ET-LOIRE ;

La PREFETE DE SAONE-ET-LOIRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0608084 en date du 22 décembre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 11 décembre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Malik X, sa décision distincte du même jour fixant le pays do

nt l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite, ainsi que ...

Vu le recours et les observations complémentaires, enregistrés respectivement au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon les 15 janvier et 12 mars 2007, présentés par la PREFETE DE SAONE-ET-LOIRE ;

La PREFETE DE SAONE-ET-LOIRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0608084 en date du 22 décembre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 11 décembre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Malik X, sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite, ainsi que sa décision le plaçant en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord instituant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie en date du 12 septembre 1963, approuvé et confirmé par la décision n° 64/732/CEE du Conseil du 23 décembre 1963 ;

Vu la décision n° 1/80 du 19 septembre 1980 du conseil d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;

Vu la décision n° C ;237/91 du 16 décembre 1992 de la Cour de justice des communautés européennes ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2007 :

- le rapport de M. Bernault, président ;

- les observations de Me Cormier, pour M. X ;
- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;


Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité turque, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision de la PREFETE DE SAONE ET LOIRE du 12 octobre 2006 lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 11 décembre 2006, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la décision du 19 septembre 1980 du conseil d'association institué par l'accord d'association conclu le, 12 septembre 1963, entre la Communauté économique européenne et la République de Turquie : « 1. Sous réserve des dispositions de l'article 7 relatif au libre accès à l'emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l'emploi d'un Etat membre : / - a droit, dans cet Etat membre, après un an d'emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s'il dispose d'un emploi (…) » ;





Considérant qu'il résulte de l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes en date du 16 décembre 1992, que l'article 6 premier paragraphe, premier tiret, de la décision du 19 septembre 1980 du conseil d'association, qui a un effet direct en droit interne, doit être interprété en ce sens que, d'une part, un ressortissant turc qui a obtenu un permis de séjour sur le territoire d'un Etat membre pour y épouser une ressortissante de cet Etat membre et y a travaillé depuis plus d'un an auprès du même employeur sous le couvert d'un permis de travail valide a droit au renouvellement de son permis de travail en vertu de cette disposition, même si, au moment où il est statué sur la demande de renouvellement, son mariage a été dissout et que, d'autre part, un travailleur turc qui remplit les conditions de l'article 6, premier paragraphe, premier tiret, de la décision susmentionnée peut obtenir, outre la prorogation du permis de travail, celle du permis de séjour, le droit de séjour étant indispensable à l'accès et à l'exercice d'une activité salariée ; que, toutefois, si M. X invoque, à l'encontre de l'arrêté attaqué, l'article 6 de la décision du 19 septembre 1980, il ressort des pièces du dossier que c'est en qualité de conjoint de ressortissant français et non de salarié, qu'il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour ; que la vie commune avec son épouse française ayant cessé au mois de juin 2006, il ne saurait revendiquer devant le juge de la reconduite un droit à ce renouvellement ; que la PREFETE DE SAONE ET LOIRE est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour méconnaissance des dispositions précitées de l'article 6 de la décision du 19 septembre 1980 du conseil d'association institué par l'accord d'association conclu entre la Communauté économique européenne et la République de Turquie, l'arrêté de reconduite à la frontière du 11 décembre 2006 ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X ;
Considérant, en premier, lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est régulièrement motivé ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la vie commune entre M. X et son épouse française était rompue depuis le mois de juin 2006 et que l'intéressé, qui n'est présent sur le territoire français que depuis trois ans, n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Turquie, où vivent notamment ses parents ainsi que ses frères et soeurs ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la PREFETE DE SAONE ET LOIRE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X, sa décision distincte fixant le pays de destination de l'éloignement ainsi que sa décision le plaçant en rétention administrative ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de M. X, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0608084 du 22 décembre 2006 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.
1

2
N° 07LY00080


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 07LY00080
Date de la décision : 31/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François BERNAULT
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : CORMIER S.

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-12-31;07ly00080 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award