Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2005, présentée pour la COMMUNE DE VAL DE MERCY, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération en date du 18 mars 2005 ;
La commune demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0202145 en date du 10 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de M. X, architecte, à lui verser, d'une part la somme de 35 467,85 euros avec intérêts de droit à compter de l'enregistrement de la requête à raison des fautes commises de nature à engager sa responsabilité contractuelle dans l'exécution de la mission de maîtrise d'oeuvre qui lui avait été dévolue pour la restauration de l'église Saint Aubin et, d'autre part, une somme de
3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner M. X à lui verser la somme de 35 467,85 euros outre intérêts de droit à compter de la demande ;
3°) de condamner M. X à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais d'instance non compris dans les dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2008 :
- le rapport de M. Bourrachot, président-assesseur ;
- les observations de Me Brey, avocat de la COMMUNE DE VAL MERCY ;
- et les conclusions de M. Besle, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la COMMUNE DE VAL DE MERCY a engagé la restauration de l'église Saint Aubin, bâtiment inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques et situé sur le territoire communal ; que la quatrième tranche des travaux, portant notamment sur la restauration de la couverture du bas côté nord de la nef, a été programmée pour les années 1997 et 1998 ; que, par un marché du 12 juillet 1996, la commune a confié à M. X une mission complète de maîtrise d'oeuvre ; qu'à ce titre l'intéressé était notamment chargé de la conception du projet et de l'assistance au maître d'ouvrage pour la passation des marchés de travaux et lors des opérations de réception ; que, par un marché du 18 juin 1997, la commune a confié à l'entreprise Beaufils l'exécution des travaux de couverture en lave calcaire du bas côté nord de la nef moyennant le prix de 25 878,12 euros TTC ; que le 20 mars 1998, M. X a informé l'entreprise Beaufils que la couverture en lave n'était pas étanche et que dans ces conditions la réception des travaux n'était pas envisageable ; que, par avenant du 6 septembre 1999, le maître d'ouvrage et l'entreprise Beaufils ont modifié le marché du 18 juin 1997 et substitué aux laves initialement prévues des tuiles plates ; que le même avenant a, en conséquence, réduit le prix du marché à 25 730,28 euros TTC et repoussé le délai contractuel d'exécution au 6 décembre 1999 ; que les travaux, achevés le 6 décembre 1999, ont fait l'objet d'une réception sans réserve avec effet au 5 avril 2001 ; que, devant le Tribunal administratif de Dijon la COMMUNE DE VAL DE MERCY soutenait que le choix initial de couverture en lave était à l'origine de différents surcoûts liés à la réalisation de travaux supplémentaires, au changement de matériaux et au retard dans l'exécution du chantier ; que la commune recherchait à titre principal, la responsabilité contractuelle de M. X au motif, d'une part, qu'il aurait commis une erreur de conception en préconisant l'emploi d'un matériau inadapté en raison des caractéristiques de la charpente et, d'autre part, qu'il aurait commis une faute dans sa mission d'assistance au maître d'ouvrage pour la passation du marché avec l'entreprise Beaufils et enfin qu'il aurait manqué à son devoir de conseil au moment de la réception des travaux ; qu'elle recherchait également à titre subsidiaire sa responsabilité décennale ; que la commune fait appel du jugement du 10 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en opposant la fin des relations contractuelles nées de la réception sans réserve, l'absence de faute dans l'obligation de conseil au moment de la réception et, s'agissant de la garantie décennale, le caractère apparent des désordres ;
Sur la responsabilité :
Considérant que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et qu'elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage ; que si elle interdit, par conséquent, au maître de l'ouvrage d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l'ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation, elle ne met fin aux obligations contractuelles des constructeurs que dans cette seule mesure ; qu'ainsi la réception demeure, par elle-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l'établissement du solde du décompte définitif ; que seule l'intervention du décompte général et définitif du marché a pour conséquence d'interdire au maître de l'ouvrage toute réclamation à cet égard ;
Considérant qu'il n'est pas soutenu que le marché de maîtrise d'oeuvre dont était titulaire M. X aurait fait l'objet d'un décompte général devenu définitif ; que dès lors, la COMMUNE DE VAL DE MERCY est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Dijon a jugé qu'elle n'était pas fondée à rechercher la responsabilité de M. X, sur un terrain contractuel, à raison des conséquences financières de l'exécution des travaux ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment d'un rapport d'expertise établi le 15 octobre 1999 par l'expert de l'assureur Groupama et d'une lettre du service départemental d'architecture adressée au maire le 29 décembre 2000 que les malfaçons, dont se plaignait la commune, avant que des travaux supplémentaires et la signature d'un avenant au marché de travaux n'y mettent fin, trouvent leur cause dans le caractère inadapté d'une couverture en pierres de lave qui, compte-tenu du poids de ce matériau, a endommagé la maçonnerie et causé une flexion du support ainsi que des fuites ; que ces malfaçons sont exclusivement imputables à des fautes de l'architecte dès lors que ni la taille des laves ni les conditions d'exécution n'en sont à l'origine et qu'il n'est pas soutenu que l'entreprise aurait commis une faute en ne faisant aucune réserve ;
Sur le préjudice :
Considérant que la commune demande l'indemnisation de travaux supplémentaires concernant la charpente et la pose d'un étai de voûte pour un montant de 4 482,18 euros ; qu'il y a lieu de lui accorder cette somme non contestée dans son montant dès lors que ces travaux n'étaient pas initialement prévus au marché et ont bien eu uniquement pour objet de réparer les malfaçons constatées ;
Considérant que si la commune demande également l'indemnisation du surcoût résultant d'une couverture en tuile par rapport à une couverture en lave pour un montant de 11 361,93 euros il résulte de l'instruction que la tuile est moins onéreuse que la pierre de lave et que cette substitution de couverture a eu au contraire pour effet de diminuer le montant du marché, ce qu'a constaté la signature d'un avenant ;
Considérant que si la commune demande également une somme de 6 297,78 euros au titre des pénalités de retard qu'elle aurait pu infliger à l'entreprise, les stipulations du marché de maîtrise d'oeuvre, qui comportait un cahier des clauses administratives particulières mais ne se référait pas au cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de prestations intellectuelles, n'avait prévu aucune pénalité de retard ; que si, en l'absence de stipulations instituant de telles pénalités, la commune reste en droit de demander la réparation de son préjudice dans les conditions du droit commun et à condition d'en justifier l'existence et le montant, elle ne peut prétendre au versement d'une indemnité forfaitaire représentative des pénalités ;
Considérant que les travaux de restauration qui en vertu du marché auraient dû être achevés à la fin du mois d'août 1997, date à laquelle la commune devait percevoir une subvention liée à cette réception à hauteur de 75 pour-cent du montant total des travaux, n'ont pu faire l'objet d'une réception que le 5 avril 2001 ; que si du fait de ce retard la commune a dû régler totalement l'entreprise le 9 mars 1998 pour un montant de 25 730,28 euros, sans pouvoir y faire face au moyen de la subvention, elle ne justifie pas pour autant de ce seul fait avoir subi un préjudice lui ouvrant droit à indemnité ;
Sur les intérêts :
Considérant que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que par suite la COMMUNE DE VAL DE MERCY a droit, comme elle le demande, aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 4 482,18 euros à compter du 29 novembre 2002, date à laquelle elle a saisi le Tribunal administratif de Dijon ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE VAL DE MERCY est seulement fondée à demander l'annulation du jugement par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande et à demander la condamnation de M. X à lui verser la somme de 4 482,18 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2002 ;
Sur l'appel en garantie :
Considérant que si M. X demande à être garantie par l'entreprise Beaufils de la condamnation prononcée contre lui, le préjudice que le présent arrêt condamne M. X à réparer résulte, ainsi qu'il a été dit plus haut, de malfaçons qui lui sont exclusivement imputables ; que, dès lors, son appel en garantie contre l'entreprise Beaufils ne peut qu'être rejeté ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. X la somme de 2 000 euros que la COMMUNE DE VAL DE MERCY demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions que M. X présente au même titre ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 10 novembre 2004 est annulé.
Article 2 : M. X est condamné à verser à la COMMUNE DE VAL DE MERCY une somme de 4 482,18 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 29 novembre 2002.
Article 3 : M. X versera à la COMMUNE DE VAL DE MERCY la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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N° 05LY00134