Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 20 avril 2007, présentée pour M. Mohammed X, domicilié ... ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701616 en date du 20 mars 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 mars 2007, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ainsi que de la décision du même jour ordonnant son placement en rétention administrative ;
2°) d'annuler l'arrêté et les décisions susmentionnés pour excès de pouvoir ;
Il soutient que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon n'a pas motivé son refus de jonction de ses demandes pendantes devant le premier juge et de leur renvoi en formation collégiale ainsi que son refus d'ordonner une expertise médicale ; qu'une autre procédure le concernant est actuellement pendante devant la Cour et justifie que la présente requête soit renvoyée en formation collégiale et jointe à celle-ci ; que la quasi-totalité de sa famille est installée en France et qu'il dépend d'elle en raison de son état de santé, lequel nécessite des soins qui ne sont pas disponibles dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, l'arrêté de reconduite à la frontière ainsi que la décision distincte fixant le pays de renvoi ont méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il présente des garanties de représentation et que la décision ordonnant son placement en rétention administrative n'est, par suite, pas justifiée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 mai 2007, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la requête en formation collégiale ; que l'intéressé, célibataire et sans enfant à charge, est entré en France à l'âge de 32 ans, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine et qu'il n'établit pas qu'il ne pourrait bénéficier de traitements médicaux appropriés dans son pays d'origine, ni qu'il a besoin de l'assistance d'une tierce personne ; que, dès lors, l'arrêté de reconduite à la frontière et la décision distincte fixant le pays de renvoi n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le placement en rétention administrative de l'intéressé, qui ne possédait pas de passeport en cours de validité ni de domicile propre, était justifié ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien en date du 27 décembre 1968, modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 2008 :
- le rapport de M. Chabanol, président ;
- les observations de M. Guinet, représentant le préfet du Rhône ;
- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué ni les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes du II. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (... ) 2º Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, est entré sur le territoire français le 14 février 2001, en possession d'un passeport revêtu d'un visa valable trente jours et qu'il s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire français après l'expiration de ce visa ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 15 mars 2007, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : / (...) 10º L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X présente un important syndrome névrotique post-traumatique qui nécessite une prise en charge médicale dont le défaut aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que si, par avis du 13 décembre 2005, le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales a estimé qu'il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, il ressort des certificats médicaux produits par l'intéressé que les troubles dont il souffre sont liés à des évènements traumatisants auxquels il a été confronté en 1995 en Algérie, où des membres de sa famille furent décapités, faits dont la réalité a été reconnue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que nonobstant la psychothérapie qu'il suit et le traitement médicamenteux qui lui est administré en France, où il est entouré par ses parents, son frère et sa soeur, installés durablement sur le territoire français, il présente des tendances suicidaires et un retour en Algérie renforcerait un risque majeur de passage à l'acte ; que, dans ces circonstances, la reconduite à la frontière de M. X serait de nature à emporter des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, alors que, eu égard au lien existant entre sa pathologie et son pays d'origine, il ne saurait être envisagé un suivi médical sur place ; que, par suite, la mesure d'éloignement prise à l'encontre du requérant méconnaît les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision désignant le pays de destination de la reconduite à la frontière et celle décidant du placement en rétention administrative de l'intéressé doivent être annulées par voie de conséquence ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0701616 en date du 20 mars 2007 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon, ensemble l'arrêté du 15 mars 2007, par lequel le préfet du Rhône a ordonné la reconduite à la frontière de M. X, la décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite ainsi que la décision du même jour ordonnant son placement en rétention administrative, sont annulés.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mohammed X, au préfet du Rhône et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Lu en audience publique, le 29 avril 2008.
Le président de la Cour,
D. CHABANOL
Le greffier,
V. BURLOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition,
Le greffier
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N° 07LY00850
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