Vu la requête enregistrée le 3 février 2005, présentée pour M. Jacques X, domicilié ..., Mme Simone Y épouse Z domiciliée ..., M. Christian Z domicilié ... et Mme Francine Z domiciliée ... ;
Ils demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0201673 du 25 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande et celle de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Dijon à réparer le préjudice lié aux souffrances subies par Mme X, soit 8 000 euros à verser à la succession, et le préjudice moral causé par son décès, qu'ils évaluent à un montant de 15 000 euros pour M. Jacques X, 8 000 euros pour Mme Simone Y, et 5 000 euros chacun pour M. et Mme Z ;
3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Dijon à leur verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2008 :
- le rapport de M. Berthoud, président-assesseur ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme X, alors âgée de 53 ans, a subi le 15 juin 1999 une ovariectomie au centre hospitalier universitaire de Dijon ; qu'à la suite d'une péritonite aiguë liée à une perforation sigmoïdienne, elle a été de nouveau opérée, en urgence, le 19 juin 1999 ; qu'elle a ensuite subi plusieurs laparotomies, interventions chirurgicales nécessaires au traitement de la péritonite ; qu'alors qu'elle était en voie de guérison, elle a présenté des troubles psychiques traités par anxiolytiques conformément aux prescriptions établies par le médecin psychiatre du centre hospitalier de Dijon qui la suivait ; qu'en dépit de ce traitement, Mme X s'est donné la mort dans sa chambre d'hôpital le 9 novembre 1999 ;
Sur la responsabilité sans faute :
Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;
Considérant, d'une part, que, malgré leur importance, les souffrances endurées par Mme X du fait de la péritonite dont elle a été victime et de ses complications, qui n'avaient pas le caractère d'une incapacité permanente, ne peuvent être qualifiées, en elles-mêmes, de dommages présentant un caractère d'extrême gravité ; que d'autre part, son décès par suicide, le 9 novembre 1999, ne saurait être regardé comme la réalisation d'un risque présenté par l'intervention pratiquée le 15 juin 1999 ; que, par suite, l'époux, la mère et les frères et soeurs de Mme X, qui ne peuvent utilement se prévaloir de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, non applicable à des faits dommageables survenus avant son entrée en vigueur, ne sont pas fondés à se plaindre de ce que le Tribunal administratif de Dijon a écarté la responsabilité sans faute du centre hospitalier de Dijon à raison des souffrances subies par Mme X à la suite de l'intervention susmentionnée et du préjudice moral causé par son décès aux membres de sa famille ;
Sur la responsabilité pour faute :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le recours aux techniques de la coelioscopie et de l'électrocoagulation était conforme aux données de la science admises à l'époque des faits ; que s'il existe d'autres techniques thérapeutiques notamment celle dite « du clip », il ne s'ensuit pas pour autant que le choix de la méthode utilisée en l'espèce aurait fait courir à la patiente des risques inutiles ; qu'il ne présente pas, dès lors, un caractère fautif ;
Considérant en deuxième lieu, que si les requérants soutiennent que l'équipe médicale du centre hospitalier de Dijon a tardé à formuler le diagnostic de péritonite et à pratiquer une nouvelle intervention chirurgicale, il résulte du rapport d'expertise d'une part qu'aucun signe permettant de porter un diagnostic de péritonite ne s'est manifesté avant la journée du 19 juin 1999, d'autre part que si l'intervention chirurgicale effectuée après la formulation de ce diagnostic avait été pratiquée un peu plus tôt au cours de cette journée, la patiente n'aurait pas pour autant bénéficié de meilleures chances de guérison ; qu'en outre, il résulte de l'instruction, que traitée par laparotomies successives, Mme X a reçu ensuite les soins adéquats quant aux suites de sa péritonite ; qu'ainsi, le centre hospitalier n'a commis dans la prise en charge médicale de ladite péritonite aucune faute de nature à ouvrir droit à réparation ;
Considérant, en troisième lieu, que si les requérants font valoir, en se fondant sur certains éléments du rapport du psychiatre sapiteur, que le centre hospitalier de Dijon n'a pas traité de manière adéquate, faute d'avoir eu recours à des antidépresseurs, le syndrome dépressif de Mme X, il résulte de ce même rapport que la tendance dépressive de Mme X était masquée par un état anxieux qui n'a pas permis d'évaluer la profondeur de la dépression sous-jacente et qui a été traité par des anxiolytiques et un neuroleptique ; qu'ainsi, aucune faute médicale ne peut être retenue à cet égard ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'aucun signe dans le comportement ou les propos de Mme X ne laissait présager une tentative de suicide et que, au vu des pièces versées au dossier, aucune velléité suicidaire antérieure de l'intéressée, qui avait connu quelques années auparavant des épisodes dépressifs, n'avait été portée à la connaissance de l'hôpital ; que dans ces conditions, l'absence de mesures particulières de surveillance destinées à prévenir un éventuel suicide ne saurait être regardée comme une faute de nature à engager la responsabilité du service public hospitalier ;
Considérant enfin que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que Mme X n'a pas eu connaissance, avant de consentir à l'ovariectomie qu'elle devait subir, des risques inhérents à cette intervention ; qu'en l'absence d'urgence, ce défaut d'information constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ; que toutefois, il n'est pas établi que la péritonite dont elle a été victime, si elle a requis des soins longs et pénibles, aurait été à l'origine d'une invalidité de caractère permanent, alors que l'état physique de la patiente était en voie d'amélioration progressive lorsqu'elle a mis fin à ses jours ; que, ainsi qu'il a été dit, ce décès ne saurait lui-même être regardé comme la réalisation d'un risque présenté par ladite intervention ; qu'aucune indemnisation n'est, par suite, due à ce titre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X, Mme Y, M. Z et Mme Z ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs conclusions à fin de réparation des préjudices causés par les fautes qu'ils imputent au centre hospitalier de Dijon ;
Sur les prétentions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or :
Considérant que si la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or demande en appel comme en première instance le remboursement de ses débours et l'allocation de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, sans invoquer d'autres moyens que ceux développés par les appelants principaux, il résulte de ce qui a été dit qu'elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que les premiers juges ont rejeté lesdites conclusions ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X, Mme Y, M. Z et Mme Z qui sont, dans la présente instance la partie perdante, bénéficient de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. Jacques X, Mme Simone Y, M. Christian Z et Mme Francine Z est rejetée.
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N° 05LY00161