Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 26 juillet 2007, présentée pour M. Y X, de nationalité albanaise, domicilié au ... ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701898 en date du 3 avril 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 26 mars 2007, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;
2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2008 :
- le rapport de M. Bézard, président ;
- les observations de Me Delbes pour M. X, et de M. Guinet pour la préfecture du Rhône ;
- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 776-20 du code de justice administrative relatif au contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière : « Le délai d'appel est d'un mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues à l'article R.. 776-17, troisième alinéa. » ;
Considérant que le jugement attaqué du Tribunal administratif de Lyon a été notifié à M. X le 10 avril 2007 ; que M. X a entendu faire appel de ce jugement devant la Cour administrative d'appel de Lyon ; qu'il a alors sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle le 24 avril 2007, dans le délai d'appel d'un mois ; que par décision du 8 juin 2007, notifiée le 11 juillet 2007, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon a accordé à l'intéressé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, dès lors, la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 juillet 2007, n'était pas tardive ; que la fin de non-recevoir tirée de ce que cet appel serait irrecevable pour ce motif manque donc en fait et doit être écartée ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : « La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens ( ...) » ;
Considérant que la requête d'appel ne constitue pas la seule reproduction littérale du mémoire de première instance et énonce à nouveau, de manière précise, les critiques adressées à la décision dont M. X avait demandé l'annulation au Tribunal administratif ; qu'une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Rhône et tirée de ce que la requête serait entachée d'un défaut de motivation doit être écartée ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité albanaise, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 5 avril 2005 et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date de l'arrêté attaqué, le 26 mars 2007 ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X est entré en France en 2005, accompagné de sa mère, âgée de soixante-dix ans à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière et autorisée à séjourner provisoirement sur le territoire français en raison des diverses affections dont elle souffre ; que son état de santé la rend dépendante de son fils, qui demeure son seul lien familial depuis le décès de son époux intervenu en 2001, avec lequel elle vit en foyer et qui s'occupe d'elle au quotidien, rendant ainsi possible son maintien à domicile ; que M. X, qui bénéficie d'une promesse d'embauche, a fait preuve d'un comportement exemplaire sur son lieu d'hébergement ; que, dans les circonstances très particulières de l'espèce, en prenant à l'encontre de M. X la mesure d'éloignement en litige, le préfet du Rhône a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis ; qu'il a, par suite, méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision désignant le pays de destination de la reconduite à la frontière de l'intéressé doit être annulée, par voie de conséquence ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ledit jugement doit, dès lors, être annulé ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que ledit conseil, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au profit de ce dernier, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : le jugement n° 0701898 en date du 3 avril 2007 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon, ensemble l'arrêté du 26 mars 2007, par lequel le préfet du Rhône a ordonné la reconduite à la frontière de M. X et la décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite, sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera la somme de mille euros au conseil de M. X, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
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N° 07LY01653