Vu, I, sous le n° 07LY02882, la requête enregistrée le 20 décembre 2007, présentée pour M. Hrachja X, domicilié chez ... ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0702808, en date du 4 juillet 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 avril 2007 par lequel le préfet de l'Ain lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a abrogé son récépissé de demande de carte de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois à destination du pays dont il a la nationalité ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 196 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
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Vu, II, sous le n° 07LY02962, la requête, enregistrée le 27 décembre 2007, présentée pour Mme Ilona X, domiciliée chez ... ;
Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0702809, en date du 4 juillet 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 avril 2007 par lequel le préfet de l'Ain lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a abrogé son récépissé de demande de carte de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois à destination du pays dont elle a la nationalité ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, modifiée, notamment son article 24 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2008 :
- le rapport de Mme Besson-Ledey, premier conseiller ;
- les observations de Me Delbes, avocat de M. et Mme X ;
- et les conclusions de M. Besle, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées de M. et de Mme X présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant que M. et Mme X, de nationalité arménienne, sont entrés en France en septembre 2005, accompagnés de leurs enfants ; qu'ils ont sollicité le statut de réfugié qui leur a été refusé par décisions du 3 mai 2006 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par la commission de recours des réfugiés le 4 avril 2007 ; que par arrêtés du 5 avril 2007 le préfet de l'Ain a refusé de leur délivrer un titre de séjour, a abrogé leur récépissé de demande de carte de séjour et les a obligés à quitter le territoire français dans un délai d'un mois à destination de l'Arménie ; que, par les jugements attaqués du 4 juillet 2007, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande d'annulation de ces arrêtés ;
Sur les arrêtés litigieux en tant qu'ils refusent un titre de séjour à M. et Mme X :
Considérant que les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de refus de titre prise en réponse à une demande, alors même que cette décision emporterait abrogation du récépissé de carte de séjour délivré durant l'instruction de ladite demande ;
Considérant que les demandes de titre de séjour de M. et Mme X reposaient uniquement sur la nécessité de se soustraire aux risques encourus dans leur pays d'origine ; que le préfet de l'Ain n'était en conséquence tenu d'examiner leur demande qu'en fonction de la réalité de ces risques ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;
Sur les arrêtés litigieux en tant qu'ils obligent M. et Mme X à quitter le territoire à destination de l'Arménie :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;
Considérant que M. et Mme X font valoir qu'en raison de l'appartenance de M. X au parti opposant « temps nouveaux » depuis 2004, ils ont été victimes de menaces et de violences de la part des forces de l'ordre ; que le 5 avril 2004, lors d'une interpellation, Mme X, qui a tenté de s'interposer, a perdu l'enfant qu'elle attendait ; qu'en juillet 2005 lors d'une nouvelle interpellation, l'un de leurs fils a été gravement blessé par les policiers ; qu'à l'appui de leur récit ils produisent des documents attestant de l'appartenance de M. X au parti des « temps nouveaux », ainsi que des certificats médicaux faisant état sur l'intéressé de la présence de cicatrices, de brûlures et d'une luxation de l'épaule et sur leur enfant de brûlures au troisième degré ; que ces documents, dont l'authenticité n'est pas contestée, sont de nature à établir la réalité des menaces encourues par les intéressés dans leur pays d'origine ; qu'il s'ensuit qu'ils ne peuvent y retourner pour y poursuivre une vie privée et familiale normale ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. et Mme X, qui, notamment ont fait scolariser leurs enfants dès leur arrivée et ont manifesté la volonté de s'insérer en France, doivent être regardés, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant commencé à y reconstruire leur vie privée et familiale ; que, par suite, en leur faisant obligation de quitter le territoire le préfet de l'Ain a porté à celle-ci une atteinte disproportionnée par rapport au but poursuivi et méconnu de ce fait les stipulations précitées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés litigieux en tant qu'ils les obligent à quitter le territoire français à destination de l'Arménie ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : « L'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge » et qu'aux termes du 3ème alinéa de l'article 76 de la même loi : « Les bureaux d'aide juridictionnelle se prononcent dans les conditions prévues par les textes en vigueur à la date à laquelle les demandes ont été présentées et les admissions produiront les effets attachés à ces textes (...) » ; que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 et 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Fréry, avocat de M. X, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner l'Etat à payer à Me Frery la somme de 1 000 euros ;
DECIDE :
Article 1er : Les jugements nos 0702808 et 0702809, du 4 juillet 2007, du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'ils ont rejeté les demandes de M. et Mme X tendant à l'annulation des arrêtés du 5 avril 2007 du préfet de l'Ain en tant qu'ils les obligent à quitter le territoire français à destination de l'Arménie, ensemble les arrêtés du 5 avril 2007 du préfet de l'Ain en tant qu'ils obligent M. et Mme X à quitter le territoire français à destination de l'Arménie sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 000 euros à Me Frery sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. et Mme X est rejeté.
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