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30/09/2008 | FRANCE | N°06LY01174

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 30 septembre 2008, 06LY01174


Vu I°), sous le n° 06LY01174, le recours du PREMIER MINISTRE, enregistré le 1er juin 2006, au titre de la Mission interministérielle aux rapatriés ;

Le PREMIER MINISTRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0305367 du 9 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision en date du 24 octobre 2003 par laquelle le préfet de la Loire a refusé d'accorder à M. Omar X le bénéfice de l'allocation de reconnaissance aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et lui a enjoint de faire procéder à la liquidation de cette a

llocation dans le délai d'un mois ;

2°) de rejeter la demande présentée par M...

Vu I°), sous le n° 06LY01174, le recours du PREMIER MINISTRE, enregistré le 1er juin 2006, au titre de la Mission interministérielle aux rapatriés ;

Le PREMIER MINISTRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0305367 du 9 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision en date du 24 octobre 2003 par laquelle le préfet de la Loire a refusé d'accorder à M. Omar X le bénéfice de l'allocation de reconnaissance aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et lui a enjoint de faire procéder à la liquidation de cette allocation dans le délai d'un mois ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Omar X devant le Tribunal administratif de Lyon ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la constitution, notamment son article 22 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel ;

Vu la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 modifiée, relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés ;

Vu la loi n° 94-488 du 11 juin 1994, relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie ;

Vu la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 septembre 2008 :

- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président-assesseur ;

- les observations de Me Walgenwitz, avocat de M. X ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes enregistrées sous le n° 06LY01174 et sous le n° 07LY02350 concernent un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt :

Sur la requête n° 06LY01174 :

Considérant qu'aux termes de l'article 47 de la loi de finances du 30 décembre 1999 dans sa rédaction issue notamment de l'article 67 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002, entrée en vigueur le 1er janvier 2003 : I - Une allocation de reconnaissance (...), sous condition d'âge, est instituée, à compter du 1er janvier 1999, en faveur des personnes désignées par le premier alinéa de l'article 2 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie.(...) » ; que les personnes désignées au premier alinéa de l'article 2 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 sont les personnes visées à l'article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987, à savoir : anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives ayant servi en Algérie qui ont conservé la nationalité française en application de l'article 2 de l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 relative à certaines dispositions concernant la nationalité française, prises en application de la loi n° 62-421 du 13 avril 1962 et qui ont fixé leur domicile en France. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, qui est né en Algérie en 1947, a combattu en qualité de membre des formations supplétives de l'armée française en Algérie ; qu'il n'a pas demandé à bénéficier des dispositions de l'ordonnance du 21 juillet 1962 modifiée par l'article 1er de la loi du 20 décembre 1966 ; qu'après avoir établi son domicile en France en 1964, il a été réintégré dans la nationalité française par un décret en date du 26 juin 2003 ; que, par une décision du 24 octobre 2003, le préfet de la Loire a refusé de lui accorder le bénéfice de l'allocation forfaitaire susmentionnée au motif qu'il n'avait pas conservé la nationalité française en application des dispositions de l'article 2 de l'ordonnance du 21 juillet 1962 ; que le PREMIER MINISTRE demande l'annulation du jugement du 9 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du préfet de la Loire en date du 24 octobre 2003 et a enjoint à ce dernier de faire procéder à la liquidation de ladite allocation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ratifiée par la France en application de la loi du 31 décembre 1973 et publiée au Journal officiel par décret du 3 mai 1974 : « Les Hautes parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre 1 de la présente convention » ; qu'aux termes de l'article 14 de la même convention : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » ; qu'en vertu des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens./Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer 1'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes » ;

Considérant qu'il résulte des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ;

Considérant que l'allocation de reconnaissance instituée par les dispositions précitées a le caractère d'un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'allocation de reconnaissance vise à reconnaître et à compenser les sacrifices consentis par les harkis, moghaznis et anciens membres des formations supplétives et assimilés en Algérie soumis au statut civil de droit local, ayant fait preuve d'un attachement et d'un dévouement particuliers à l'égard de la France, et ayant choisi de recouvrer la nationalité française ; qu'une différence de traitement quant à l'octroi de ces allocations selon que les intéressés ont opté en faveur de l'adoption de la nationalité française ou se sont abstenus d'effectuer un tel choix, ne justifie pas, eu égard à l'objet de cette allocation, une différence de traitement ; que par suite, ces dispositions, en tant qu'elles établissent une différence de traitement en fonction de la date d'acquisition de la nationalité française par le demandeur, sont de ce fait incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter par sa décision du 24 octobre 2003 la demande de M. X tendant à bénéficier de l'allocation de reconnaissance, le préfet de la Loire s'est borné à relever que l'intéressé n'avait été réintégré dans la nationalité française que par un décret en date du 26 juin 2003 ; que, ce faisant, le préfet de la Loire a entaché sa décision d'erreur de droit ;

Considérant que si le PREMIER MINISTRE fait valoir pour la première fois en appel que l'intéressé n'établissait pas avoir été victime d'un déracinement et connu des difficultés d'insertion en France justifiant l'attribution de ladite allocation, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X, compte tenu notamment des souffrances et des difficultés qu'il a connues au moment de son départ d'Algérie puis lors de son arrivée en France, ne devait pas être regardé comme ayant subi le préjudice moral que les dispositions de l'article 47 de la loi de finances du 30 décembre 1999 modifiée ont pour objet de compenser ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREMIER MINISTRE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision en date du 24 octobre 2003 par laquelle le préfet de la Loire à refusé d'attribuer à M. X l'allocation de reconnaissance et a fait injonction à cette autorité de procéder au versement de ladite allocation dans le délai d'un mois suivant sa notification ;

Sur la requête n° 07LY02350 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'administration qui dans un premier temps s'était bornée à verser, à M. X des sommes pour la période du 1er octobre 2003 au 1er juillet 2006, et au conseil de celui-ci la somme lui revenant au titre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, s'est, en définitive, acquittée en avril 2008 du versement du solde de l'allocation forfaitaire ; que M. X demande qu'il soit enjoint à l'État, de lui verser les intérêts légaux sur les sommes sur la période du 9 avril 2006 au 14 avril 2008 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1153-1 du code civil : En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement ;

Considérant qu'une décision juridictionnelle annulant le refus de versement d'une aide ne constitue pas une condamnation au sens des dispositions de l'article 1153-1 du code civil ; que, par suite, M. X ne peut prétendre au bénéfice d'intérêts légaux sur la somme correspondant à l'aide qui lui a été allouée en exécution des décisions du Tribunal administratif de Lyon ; que, dès lors, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Etat, sous astreinte, de verser à M. X de tels intérêts, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Walgenwitz, avocat de M. X renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à payer à Me Walgenwitz ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du PREMIER MINISTRE est rejeté.

Article 2 : L'État versera à Me Walgenwitz, avocat de M. X une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées pour M. X est rejeté.

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N°s 06LY01174…


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06LY01174
Date de la décision : 30/09/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. QUENCEZ
Rapporteur ?: Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : WALGENWITZ

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-09-30;06ly01174 ?
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