Vu, I, sous le n° 07LY01588, la requête enregistrée le 24 juillet 2007, présentée pour la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU LAC DU BOURGET et la COMMUNE DE CHINDRIEUX ;
Les collectivités requérantes demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 01-03112 en date du 24 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a, à la demande de la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (FRAPNA Savoie), de M. Jean-Louis X et de l'association les amis de Chautagne, du canal, du lac, associés pour un meilleur environnement (ACCLAME), annulé l'arrêté du Préfet de la Savoie du 13 juin 2001 déclarant d'utilité publique au profit du Syndicat intercommunal à vocation multiple du lac du Bourget, un projet d'aménagement touristique et portuaire au lieu-dit « Portout » sur le territoire de la commune de Chindrieux ;
2°) de rejeter les demandes des requérants devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge des requérants le versement à la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION et à la COMMUNE DE CHINDRIEUX, chacune une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, II, sous le n° 07LY01630, la requête enregistrée le 27 juillet 2007, présentée par le PREFET DE LA SAVOIE ;
Le préfet demande à la Cour d'annuler le jugement susvisé du 24 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a, à la demande de la FRAPNA Savoie, de M. X et de l'association ACCLAME annulé son arrêté du 13 juin 2001 déclarant d'utilité publique un projet d'aménagement touristique et portuaire ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2008 :
- le rapport de M. Fontbonne, président-assesseur ;
- les observations de Me Liochon, avocat de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU LAC DU BOURGET et de la COMMUNE DE CHINDRIEUX;
- les observations de Me Proust, avocat de la FRAPNA Savoie et de M. X ;
- et les conclusions de M. Besson, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées relatives à la même décision, présentent à juger les mêmes questions ; qu'il convient de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête du PREFET DE LA SAVOIE ;
Considérant que le préfet de la Savoie a par l'arrêté litigieux du 13 juillet 2001 déclaré d'utilité publique la réalisation par le syndicat à vocation multiple du Lac du Bourget d'un aménagement touristique et portuaire au lieudit « Portout » sur le territoire de la COMMUNE DE CHINDRIEUX ; que la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU LAC DU BOURGET vient aux droits dudit syndicat ; que s'agissant d'une opération poursuivie sur son territoire la COMMUNE DE CHINDRIEUX a intérêt à intervenir à l'instance ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme : « Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent (...) les marais, les vasières, les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conversation des oiseaux sauvages (...). Toutefois, des aménagements légers peuvent y être implantés lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public. Un décret définit la nature et les modalités de réalisation de ces aménagements. » ; qu'aux termes de l'article R. 146-1 du même code : « En application du premier alinéa de l'article L. 146-6, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral, sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : (...) e) Les marais, les vasières, les tourbières, les plans d'eau, les zones humides et milieux temporairement immergés ; f) Les milieux abritant des concentrations naturelles d'espèces animales ou végétales telles que les herbiers, les frayères, les nourrisseries et les gisements naturels de coquillages vivants ; les espaces délimités pour conserver les espèces en application de l'article 4 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 et les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages ; g) Les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application de la loi du 2 mai 1930 modifiée (...) » ; que ces dispositions législatives sont d'application directe et prévalent sur tout document d'urbanisme ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 146-2 dudit code : « En application du deuxième alinéa de l'article L. 146-6, peuvent être implantés dans les espaces et milieux mentionnés à l'article L. 146-6, peuvent être implantés dans les espaces et milieux mentionnés à l'article R. 146-1, après enquête publique dans les cas prévus par le décret n° 85-453 du 23 avril 1985, les aménagements légers suivants : a) Les chemins piétonniers et les objets mobiliers destinés à l'accueil ou à l'information du public, lorsqu'ils sont nécessaires à la gestion ou à l'ouverture au public de ces espaces ou milieux ; b) Les aménagements nécessaires à l'exercice des activités agricoles, de pêche et cultures marines ou lacustres, conchylicoles, pastorales et forestières ne créant pas de surface hors oeuvre brute au sens de l'article R. 112-2 ainsi que des locaux d'une superficie maximale de 20 mètres carrés, liés et nécessaires à l'exercice de ces activités pour répondre aux prescriptions des règlements sanitaires nationaux ou communautaires, à condition que la localisation et l'aspect de ces aménagements et locaux ne dénaturent pas le caractère des lieux et que la localisation dans ces espaces ou milieux soit rendue indispensable par des nécessités techniques. » ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-1 I. du code de l'environnement : « (la) gestion équilibrée (de la ressource en eau) vise à assurer : 1°/ La préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau ... de façon permanente ou temporaire ; la végétation quand elle existe y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année... » ;
Considérant que le projet d'aménagement touristique et portuaire déclaré d'utilité publique, est placé sur la COMMUNE DE CHINDRIEUX à proximité de l'extrémité nord du Lac du Bourget au bord du canal de Savières qui constitue le déversoir du lac vers le Rhône ; qu'il consiste dans la réalisation sur une emprise totale de 16 000 m², d'aires de jeux et de loisirs et d'un bassin de 4 500 m² d'une capacité de 60 bateaux de plaisance, l'ensemble s'accompagnant de la création d'aires de stationnement et de la construction d'un pavillon à usage de capitainerie et bloc sanitaire ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est compris dans le périmètre du site inscrit défini par arrêté du 12 septembre 1974 qui concerne la totalité du pourtour du Lac du Bourget en s'étendant plus ou moins profondément à l'arrière de la rive ; qu'il comprend donc à la fois des zones naturelles et les zones construites des agglomérations qui bordent le lac notamment la ville d'Aix-les-Bains ; que dans le secteur de « Portout » le périmètre du site inscrit s'étend de part et d'autre du canal de Savières depuis la RD 914 jusqu'aux rives du lac constituées de roselières ; que cet espace sans aucune construction forme un ensemble homogène qui ne peut être regardé comme présentant un caractère urbanisé ; qu'il constitue en conséquence une partie naturelle du site inscrit sans qu'il puisse être sérieusement soutenu, comme l'allègue le préfet, que le caractère naturel du site aurait été altéré par l'activité humaine, abandonnée depuis maintenant plus de 30 ans et ayant consisté dans l'exploitation de jardins potagers familiaux ; que le projet est ainsi implanté dans une partie naturelle du site inscrit du Lac du Bourget défini en application de la loi du 2 mai 1930 ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le secteur de « Portout » s'inscrit dans un vaste ensemble de marais, vasières, zones humides et milieux soumis aux variations de niveau du lac qui, depuis ses rives constituées de roselières, s'étendent à l'arrière au-delà du RD 914 pour former le site de l'extrémité du lac prolongé par le marais et la forêt domaniale de Chautagne ; qu'outre son intérêt paysager reconnu par son inscription susmentionnée à l'inventaire des sites pittoresques, au titre de la loi du 2 mai 1930, l'intérêt de cet espace comme milieu nécessaire au maintien des équilibres biologiques et de la biodiversité a été reconnu à plusieurs reprises par les services de l'Etat ; qu'après avoir été recensé comme zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF), il a été désigné comme zone d'intérêt communautaire (ZICO) pour la conservation des oiseaux ; qu'une lettre du PREFET DE LA SAVOIE du 14 avril 1999 au ministre de l'environnement relève la qualité de ce milieu naturel en demandant son inscription au nombre des sites protégés au titre de la convention de Ramsar ; que l'installation en cause est ainsi implantée dans un espace remarquable et un milieu nécessaire au maintien des équilibres biologiques au sens des dispositions précitées de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'aménagement litigieux affecte l'espace en cause de manière significative en englobant une emprise importante de 16 000 m² et en rompant l'unité d'un milieu naturel fragile ; qu'alors même qu'il ne comporte pas d'aire bitumée, il ne saurait être regardé comme un aménagement léger au sens du 2° alinéa de l'article L. 146-6 et de l'article R. 146-2 précités ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le projet contrevient directement aux impératifs de protection institués par l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, qu'il porte ainsi atteinte à un intérêt public et ne saurait présenter une utilité publique ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le PREFET DE LA SAVOIE et la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU LAC DU BOURGET ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du PREFET DE LA SAVOIE du 13 juin 2001 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les conclusions de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU LAC DU BOURGET ne peuvent qu'être rejetées dès lors qu'elle est partie perdante ; que les conclusions de la COMMUNE DE CHINDRIEUX, intervenante et non partie à l'instance, ne peuvent qu'être écartées ;
Considérant qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge solidairement de l'Etat et de la COMMUNAUTÉ D'AGGLOMERATION DU LAC DU BOURGET le versement d'une part d'une somme de 900 euros à la FRAPNA Savoie, et d'autre part d'une somme de 300 euros à M. X ; que les conclusions des défendeurs dirigées contre la COMMUNE DE CHINDRIEUX qui n'est pas partie à l'instance, doivent être écartées ;
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de la COMMUNE DE CHINDRIEUX est admise.
Article 2 : Les requêtes du PREFET DE LA SAVOIE et de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU LAC DU BOURGET sont rejetées.
Article 3 : Sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat et la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU LAC DU BOURGET verseront solidairement une somme de 900 euros à la FRAPNA Savoie et une somme de 300 euros à M. X.
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N° 07LY01588…
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