Vu, la requête, enregistrée le 19 mai 2008 à la Cour, présentée pour Mme Mabrouka X, domiciliée ... ;
Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0702532 en date du 19 mars 2008, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 juin 2007 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de délivrer un document de circulation pour étranger mineur à Mlle Rima Y ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision préfectorale ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de délivrer à Mlle Rima Y un document de circulation pour étranger mineur dans un délai de 30 jours, à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 820 euros à verser à son avocat qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de cette aide ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'accord franco-algérien en date du 27 décembre 1968, modifié ;
Vu la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2009 :
- le rapport de Mme Serre, présidente de chambre ;
- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Considérant que, par jugement en date du 19 mars 2008, le Tribunal administratif de Grenoble a prononcé un non lieu à statuer sur la demande de Mme X en tant qu'elle était dirigée contre la décision implicite du préfet de l'Isère refusant de délivrer un document de circulation pour étranger mineur pour Mlle Rima Y et a rejeté sa demande en tant qu'elle était dirigée contre la décision de refus explicite intervenue le 18 juin 2007 ; que par la requête susvisée, Mme X doit être regardée comme demandant d'une part l'annulation de ce jugement en tant qu'il rejette sa demande en annulation de la décision du 18 juin 2007 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de délivrer un document de circulation pour étranger mineur pour Mlle Rima Y et d'autre part l'annulation de la décision susmentionnée ;
En ce qui concerne la fin de non recevoir opposée par le préfet de l'Isère :
Considérant que, contrairement à ce que soutient le préfet, le jugement contesté se prononce sur la légalité de sa décision en date du 18 juin 2007 par laquelle il rejette explicitement la demande de Mme X et contre laquelle l'intéressée avait dirigé ses conclusions en cours d'instance ; que le préfet de l'Isère n'est donc pas fondé à soutenir que la requête serait irrecevable du fait qu'elle contesterait une décision sur laquelle le juge de première instance n'a pas statué ;
En ce qui concerne la légalité de la décision contestée :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
Considérant que Mme X, divorcée depuis 1998, qui bénéficie de la double nationalité, française et algérienne, réside en France mais visite fréquemment sa famille en Algérie ; que par acte de Kafala du Tribunal de Sétif en date du 25 juin 2005, il lui a été confiée une enfant, Mlle Rima Y, née de parents inconnus en Algérie le 5 mai 2005 et que, par jugement du 25 septembre 2006, le Tribunal de grande instance de Grenoble lui a délégué l'autorité parentale sur cette enfant ; que, dans ces conditions, il est de l'intérêt supérieur de l'enfant de pouvoir librement voyager avec Mme X entre la France et l'Algérie ; qu'eu égard aux difficultés rencontrées par les ressortissants algériens pour obtenir des visas, le préfet ne peut sérieusement soutenir que cette liberté de circulation serait assurée dès lors que Mlle Rima Y peut quitter le territoire français pour rendre visite à la famille de Mme X demeurée en Algérie et bénéficier d'un visa pour regagner la France ; qu'il résulte d'ailleurs des pièces du dossier que la délivrance d'un visa a déjà été refusée à l'enfant ; que, dans ces circonstances, Mme X est fondée à soutenir qu'en refusant de délivrer un document de circulation pour étrangers mineurs à Mlle Rima Y, le préfet n'a pas pris en considération l'intérêt supérieur de cette enfant, au sens des stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que, dès lors que le préfet n'invoque aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait, l'exécution du présent arrêt implique qu'il délivre un document de circulation pour étrangers mineurs à Mlle Rima Y dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que Mme X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 820 euros à verser à Me Coutaz, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0702532 en date du 19 mars 2008, du Tribunal administratif de Grenoble et la décision du 18 juin 2007 par laquelle le préfet de l'Isère a rejeté la demande de délivrance d'un document de circulation pour étranger mineur pour Mlle Rima Y sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer un document de circulation pour étrangers mineurs à la jeune Rima Y dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Coutaz une somme de 820 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.
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N° 08LY01152