Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2008, présentée pour M. Demir A et Mme Mahbule B, domiciliés Forum Réfugiés, ... ;
M. et Mme A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0805288 - 0805289 du 13 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions du 15 juillet 2008 par lesquelles le préfet du Rhône leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, fait obligation de quitter le territoire et fixé la Macédoine comme pays de destination ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir lesdites décisions ;
Ils soutiennent que les décisions portant refus de séjour méconnaissent les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles des articles L. 312-2 et L. 313-14 du même code ; que les décisions portant obligations de quitter le territoire sont insuffisamment motivées et qu'elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celles du 10° de l'article L. 511-4 du même code, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les décisions distinctes fixant le pays de renvoi méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la décision en date du 3 mars 2009 accordant à M. et Mme A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 mars 2009, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient, à titre principal, que le requête est irrecevable ; à titre subsidiaire, que les décisions portant refus de séjour prises à l'encontre des intéressés n'ont méconnu aucune des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou des articles L. 312-2 et L. 313-14 du même code ; que les décisions portant obligation de quitter le territoire n'avaient pas à être motivées ; qu'elles n'ont méconnu ni les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les décisions fixant le pays de renvoi n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance en date du 4 mai 2009 fixant la clôture d'instruction au 12 juin 2009, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 2009 :
- le rapport de M. Pourny, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté les demandes de M. et Mme A, de nationalité macédonienne, qui tendaient à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions du préfet du Rhône du 15 juillet 2008 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français et fixant leur pays de destination ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Rhône ;
Sur la légalité des décisions portant refus de délivrance de titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) ; que les requérants font valoir que M. A souffre d'une hépatite B et que Mme A est atteinte d'une rectocolite hémorragique ainsi que d'un syndrome dépressif ; que, toutefois, le médecin inspecteur de santé publique a estimé, par deux avis en date des 27 et 29 mai 2008, que si les intéressés nécessitent une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ils peuvent bénéficier d'un traitement approprié dans leur pays d'origine, vers lequel ils peuvent voyager sans risque ; que le contenu des différents certificats médicaux produits n'est pas de nature à remettre en cause ces avis ; qu'en outre, les requérants ne démontrent pas que les membres de la communauté rom seraient victimes de discrimination dans l'accès au système de soins ; qu'enfin le coût du traitement ou l'absence de couverture sociale sont sans incidence sur l'appréciation portée par le préfet ; que par suite, le moyen tiré de ce que les décisions portant refus de séjour auraient méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : La commission est saisie par le préfet (...) lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 31411 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 31412 et L. 431-3 auxquels il envisage de refuser un titre de séjour et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que M. et Mme A ne remplissant pas les conditions de fond pour se voir délivrer le titre de séjour qu'ils sollicitaient, le préfet du Rhône n'était pas tenu de soumettre leur cas à la commission du titre de séjour ;
Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / (...) / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ; que si M. et Mme A se prévalent également de ces dispositions pour soutenir que le préfet ne pouvait pas leur refuser la délivrance d'un titre de séjour sans saisir la commission du titre de séjour, ils ne justifient pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans et les considérations humanitaires qu'ils invoquent ne sont pas telles que, en l'absence de motifs exceptionnels, le préfet du Rhône puisse être regardé comme ayant entaché son refus d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation ; qu'il résulte de ces dispositions que le moyen tiré du défaut de motivation des décisions portant obligation de quitter le territoire français prises à l'encontre de M. et Mme A est inopérant ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; (...) ; que les intéressés pouvant bénéficier d'un traitement approprié dans leur pays d'origine, ils ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire prises à leur encontre ont méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 dudit code ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A sont entrés en France en octobre 2006 à l'âge de 31 ans, accompagnés de leurs deux enfants, alors âgés de 10 et 12 ans, et qu'ils ne sont pas dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour des requérants en France, les décisions contestées n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises ; qu'elles n'ont, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, enfin, que si M. et Mme A se prévalent des dispositions sus-rappelées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour soutenir que le préfet ne pouvait pas leur faire obligation de quitter le territoire français sans consulter la commission du titre de séjour, ce moyen doit, eu égard au caractère récent de leur séjour en France et à l'absence de motifs suffisants pour justifier leur admission exceptionnelle au séjour, également être écarté ;
Sur la légalité des décisions distinctes fixant le pays de destination :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;
Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;
Considérant que si M. et Mme A, dont les demandes d'asile ont été successivement rejetées par l'OFPRA et la Commission de recours des réfugiés, font valoir qu'ils encourent des risques pour leur vie ou leur sécurité en cas de retour en Macédoine en raison de leur appartenance à la communauté rom, ils n'établissent pas, en se bornant à produire des rapports d'Amnesty International et de Forum Réfugiés sur la situation générale des Roms en Macédoine qu'ils seraient personnellement exposés à des risques de mauvais traitements ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions dirigées contre les décisions fixant le pays de renvoi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que lesdites décisions ont méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Demir A, à Mme Mahbule B et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2009 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
MM. Pourny et Segado, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 27 octobre 2009.
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N° 08LY02817