Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2006, présentée pour M. Maurice A, domicilié ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0407990 du 9 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne soit condamné à lui verser la somme de 137 500 euros en réparation des conséquences dommageables de soins qu'il a reçus à l'hôpital Bellevue en septembre et octobre 1999 ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne à lui verser la somme de 137 500 euros, ainsi que les intérêts au taux légal ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que les préjudices dont il est atteint résultent d'interventions pratiquées par le Pr Brunon au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne et que compte tenu de ce lien de causalité il a droit à une réparation totale et entière des préjudices subis ; que le défaut d'information des risques de l'intervention doit être indemnisé par une somme de 12 500 euros ; qu'il reste atteint d'une hémiplégie gauche et que l'autonomie qu'il conserve est très limitée, du fait notamment de son hémianopsie ; que cet état lui cause des souffrances physiques manifestes et un préjudice esthétique indiscutable ainsi que des troubles dans les conditions d'existence ; qu'il n'a plus d'activité professionnelle et de reconnaissance sur ce point ; que sa vie a basculé du jour au lendemain et qu'il est en instance de divorce ; que son préjudice moral est important compte tenu des répercussions sur sa vie personnelle de ses difficultés à marcher, à s'exprimer et visuelles ; qu'il n'a jamais voulu se faire opérer de façon urgente et qu'il n'a pas eu le choix de la date de l'intervention dont les complications possibles ne lui ont pas été présentées et qu'il n'aurait jamais accepté un risque d'hémiplégie ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les mémoires, enregistrés le 27 février et le 4 juin 2007, présentés pour la caisse de mutualité sociale agricole de l'Allier (MSA Allier) qui conclut à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne à lui verser la somme de 120 689,04 euros au titre des débours qu'elle a exposés du fait de l'accident, une somme de 760 euros au titre de l'indemnité forfaitaire et 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les moyens qu'elle a exposé des frais médicaux et d'hospitalisation, des indemnités journalières et qu'elle verse une pension d'invalidité ; que le jugement est irrégulier, le Tribunal ayant omis de statuer sur la responsabilité sans faute ; que M. A remplit toutes les conditions pour que soit engagée la responsabilité sans faute de l'établissement ;
Vu le mémoire enregistré le 4 juin 2007 par lequel M. A conclut aux mêmes fins que précédemment par les moyens que la responsabilité de l'hôpital est engagée sur un double fondement ; sans faute du fait de l'aléa thérapeutique et pour faute, du fait d'une défectuosité dans le fonctionnement du service ou pour défaut d'information ;
Vu la mise en demeure adressée le 7 août 2008 au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2008, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne qui conclut au rejet de la requête par les moyens que la jurisprudence Bianchi ne trouve à s'appliquer qu'en présence d'un préjudice d'une extrême gravité et qu'en l'espèce, pour invalidantes qu'elles soient, ces séquelles ne présentent pas un préjudice d'une extrême gravité, le taux d'IPP de l'intéressé de 70%, comprenant 46% au titre de l'ophtalmologie sachant qu'il n'a subi qu'une détérioration très modérée de la vision centrale, et qu'il convient de se référer non exclusivement au taux d'IPP mais de prendre en considération l'autonomie qu'il conserve ; que ces séquelles ne sont pas sans lien avec l'évolution prévisible de son état de santé ; que compte tenu de l'intensification des céphalées qu'il présentait, il y a lieu de croire qu'informé du risque de 0,25 % de complications, l'intéressé aurait accepté l'intervention alors que, par ailleurs, il n'existait pas d'alternative thérapeutique moins risquée et que l'évolution de l'état de santé pouvait aboutir à son décès ; que la caisse ne saurait faire valoir en appel une créance supérieure à celle exposée en première instance qui se limitait à 60 589,76 euros ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 novembre 2008, présenté pour M. A qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les moyens en outre qu'il ressort des conclusions de l'expert qu'il n'y avait pas urgence à pratiquer l'intervention ; que l'hôpital ne transmet pas tous les éléments qu'il possède s'agissant du défaut d'information et qu'il y a lieu de considérer qu'il y a acquiescement aux faits ; que son taux d'incapacité est maintenant évalué à 80 % ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu l'arrêté du 30 décembre 2008 relatif au montant de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-4 du code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er octobre 2009 :
- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président-assesseur ;
- les observations de Me Demailly, avocat du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant que M. A, qui souffrait de céphalées depuis plusieurs années, s'est vu diagnostiquer, à la suite d'une brutale aggravation de celles-ci, une hydrocéphalie par sténose congénitale de l'aqueduc de Sylvius, le 2 mai 1999 ; qu'il a été admis, en septembre 1999, au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne pour y subir une première intervention de ventriculo-cisternostomie par endoscopie, laquelle n'a apporté aucun effet bénéfique, puis une seconde intervention, le 1er octobre 1999, de dérivation du liquide céphalo-rachidien avec pose d'une valve, au cours de laquelle est survenue une hémorragie intracérébrale ; que guéri de ses céphalées, mais conservant de lourdes séquelles de cette dernière intervention, M. A fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande indemnitaire qu'il avait formulée à l'encontre du centre hospitalier ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne aux conclusions de la caisse de mutualité sociale agricole de l'Allier :
Considérant que, régulièrement mise en cause devant les premiers juges, la caisse de mutualité sociale agricole de l'Allier avait chiffré, dans ses écritures devant le Tribunal, à 60 589,76 euros le montant total de ses débours exposés au titre des prestations en lien avec l'accident en litige ; qu'en appel, elle a porté ses conclusions à la somme totale de 120 689,04 euros, sans justifier que le surcroit serait représentatif de prestations supplémentaires exposées depuis le jugement de première instance ; que, par suite, le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne est fondé à soutenir que les conclusions de la caisse de mutualité sociale agricole, en tant qu'elles excèdent la somme totale de 60 589,76 euros, sont irrecevables comme nouvelles en appel ;
Sur la responsabilité :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant, que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue, mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;
Considérant qu'il ressort des constatations de l'expert nommé par le juge des référés du tribunal administratif, que M. A n'était pas particulièrement exposé au risque, connu mais exceptionnel, d'hémorragie intracérébrale que comporte un acte de ponction cérébrale, intervention dont la réalisation était nécessitée par son état de santé ; qu'avant cette intervention M. A menait une vie normale ; que l'intervention a été la cause directe de l'hémiplégie et de l'hémianopsie latérale homonyme qui l'affectent depuis lors, à l'origine d'une incapacité permanente partielle dont le taux a été évalué par l'expert à 70 % ; que ces dommages présentent une exceptionnelle gravité et sont, selon les conclusions de l'expert et contrairement à ce qu'allègue en défense sans l'établir le centre hospitalier, sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état ; qu'il résulte de ce qui précède que le dommage subi par M. A engage la responsabilité sans faute du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A et la caisse de mutualité sociale agricole de l'Allier sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne ;
Sur les préjudices :
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
Considérant que la caisse de mutualité sociale agricole de l'Allier justifie avoir exposé, pour la prise en charge de M. A, des frais médicaux, d'hospitalisation et de kinésithérapie en lien avec les conséquences de l'intervention litigieuse pour un montant total de 6 602,28 euros ;
Considérant qu'il ressort de l'instruction que l'arrêt de travail de M. A, qui exerçait jusque là une activité dans l'horticulture, est imputable aux conséquences dommageables de l'intervention à compter du 1er janvier 2000 et que ses séquelles l'ont définitivement empêché de reprendre une activité professionnelle ; que M. A ne soutient pas qu'il aurait subi des pertes de revenus qui n'auraient pas été réparées par les sommes qui lui ont été versées à ce titre par la sécurité sociale ; que la caisse de mutualité sociale agricole de l'Allier justifie avoir versé à M. A des indemnités journalières jusqu'au 1er mai 2002 pour un montant de 17 754,27 euros ; qu'elle justifie également supporter la charge d'une pension d'invalidité, dont les arrérages échus et le capital représentatif s'élèvent à la somme totale de 96 332,49 euros, laquelle, ainsi qu'il résulte de l'instruction, a pour objet de compenser les pertes de revenus subis par M. A ; que le préjudice relatif aux pertes de revenus de la victime s'élève ainsi à la somme de 114 086,76 euros ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a enduré des souffrances physiques du fait de l'hémorragie cérébrale dont il a été victime qui ont été évaluées à 3,5 par l'expert et conserve un préjudice esthétique évalué à 3 sur une échelle de 7 ; que ces préjudices peuvent être évalués globalement à 6 000 euros ; qu'il subit, en outre, un préjudice moral résultant de l'impossibilité de poursuivre ses activités antérieures et que son état est à l'origine de troubles de toute nature dans ses conditions d'existence ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ces préjudices en les évaluant à 110 000 euros ; que ces sommes doivent être allouées à M. A ;
Sur le total des indemnités dues par le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne :
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne doit être condamné à verser la somme de 116 000 euros à M. A ;
Considérant que, dans la limite de recevabilité des conclusions de la caisse de mutualité sociale agricole de l'Allier, il y a lieu de fixer à la somme de 60 589,76 euros la condamnation mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne en faveur de la caisse de mutualité sociale agricole de l'Allier à laquelle il y a lieu d'ajouter, en outre, le montant de l'indemnité forfaitaire qui s'élève à ce jour à 955 euros ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. A a droit aux intérêts, comme il le demande, sur les sommes qui lui sont attribuées par la présente décision, à compter du 30 juillet 2004, date de réception par le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne de sa demande préalable ;
Sur les dépens :
Considérant qu'il a y a lieu, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de mettre les frais et honoraires de l'expertise à la charge définitive du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions susvisées, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne le paiement, respectivement à M. A et à la caisse de mutualité sociale agricole de l'Allier, de la somme de 1 000 euros chacun au titre des frais que ceux-ci ont exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0407990 du 9 mai 2006 du Tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne est condamné à verser à M. A la somme de 116 000 euros, assortie des intérêts à compter du 30 juillet 2004.
Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne est condamné à verser à la caisse de mutualité sociale agricole de l'Allier la somme de 61 544,76 euros.
Article 4 : Les frais d'expertise sont mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne.
Article 5 : Le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne versera à M. A et à la caisse de mutualité sociale agricole de l'Allier la somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de M. A et de la caisse de mutualité sociale agricole de l'Allier est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. Maurice A, au centre hospitalier universitaire de Saint Etienne, à la caisse de mutualité sociale agricole de l'Allier et au ministre de la santé et des sports. Copie en sera adressée à M. Chazal (expert).
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2009 à laquelle siégeaient :
Mme Serre, présidente de chambre,
Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 novembre 2009.
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N° 06LY01454