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17/12/2009 | FRANCE | N°07LY00178

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 17 décembre 2009, 07LY00178


Vu, enregistré au greffe le 25 janvier 2007, le recours du MINISTRE DE LA JUSTICE, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0408705 du 14 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a condamné l'Etat à verser à M. et Mme Hamed A la somme de 4 000 euros chacun, ainsi que la somme de 1 000 euros à chacun des frères et soeurs de M. Ali A au titre du préjudice moral qu'ils ont subi suite au décès de ce dernier à la maison d'arrêt de Saint Paul à Lyon ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme A et leurs enfants devant le tribunal

administratif ;

Il soutient :

- que la responsabilité de l'Etat en la mati...

Vu, enregistré au greffe le 25 janvier 2007, le recours du MINISTRE DE LA JUSTICE, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0408705 du 14 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a condamné l'Etat à verser à M. et Mme Hamed A la somme de 4 000 euros chacun, ainsi que la somme de 1 000 euros à chacun des frères et soeurs de M. Ali A au titre du préjudice moral qu'ils ont subi suite au décès de ce dernier à la maison d'arrêt de Saint Paul à Lyon ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme A et leurs enfants devant le tribunal administratif ;

Il soutient :

- que la responsabilité de l'Etat en la matière ne peut être engagée que suite à une faute lourde du service pénitentiaire ;

- que l'alerte sur l'état de M. Ali A n'a pu être donnée avant 12 heures 45 minutes ; qu'à 13 heures, il n'était pas inconscient, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, cet état ne s'étant manifesté qu'à partir de 13 heures 20 minutes ; que les agents ayant constaté cet état l'ont interprété comme un état d'endormissement ; qu'ils ont au demeurant rapidement signalé cet état au service d'infirmerie ;

- que seule une surveillante pénitentiaire stagiaire a tenté de joindre l'infirmerie ; qu'elle a réussi à joindre l'infirmière peu avant 14 heures ; que cette dernière a refusé de se déplacer jusqu'à la cellule de M. A avant le retour de pause déjeuner du surveillant pénitentiaire affecté à l'infirmerie ; que dès la visite de celui-ci dans ladite cellule à 14 heures et 20 minutes, il a appelé l'infirmerie en urgence et déclenché l'alarme intérieure ;

- que les surveillants pénitentiaires n'ont pas les qualifications requises pour apprécier la gravité de l'état de santé d'un détenu ;

- que seule l'infirmière avait connaissance d'un précédent vol de bouteille d'alcool à soixante-dix degrés commis par M. A deux ans auparavant ; qu'elle a établi le lien entre le vol de la bouteille d'alcool à soixante-dix degrés et l'état de santé de ce dernier dès 13 heures 45 minutes ; que le surveillant pénitentiaire n'a été informé de ce vol qu'à ce moment là ;

- que le juge pénal a prononcé un non-lieu au bénéfice du surveillant pénitentiaire mis en cause ;

- que ce n'est qu'en dehors des horaires d'ouverture de l'unité de consultation des soins ambulatoires que les surveillants pénitentiaires peuvent faire appel aux services spécialisés ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les lettres du 2 novembre 2009, adressées aux parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance du 2 novembre 2009 portant clôture de l'instruction au 23 novembre 2009 ;

Vu les observations présentées pour MM. et Mmes A le 9 novembre 2009 en réponse au courrier susvisé ;

Vu les observations présentées par le MINISTRE DE LA JUSTICE le 10 novembre 2009 en réponse au courrier susvisé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 décembre 2009 :

- le rapport de Mme Vinet, conseiller,

- les observations de Me Sertelon, représentant MM. et Mmes A,

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,

la parole ayant été à nouveau donnée à Me Sertelon ;

Sur la régularité du jugement :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du recours :

Considérant que le Tribunal administratif de Lyon, lorsqu'il a rendu le jugement attaqué, était saisi de conclusions présentées par MM. et Mmes A, à l'effet d'obtenir la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice moral qu'ils ont subi du fait du décès de M. Ali A, leur fils et frère, à la maison d'arrêt de Saint-Paul à Lyon ; que les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, qui font obligation au juge de rendre un jugement commun ou une ordonnance commune au tiers auteur, à la victime et aux caisses de sécurité sociale, s'applique également aux instances mettant en cause les ayants-droit de la victime ou les personnes se prévalant d'un lien avec elle ; que, compte tenu de l'institution d'un régime de sécurité sociale d'assurance décès, il y a lieu de mettre en cause la caisse de sécurité sociale, alors même qu'est seulement demandée la réparation de la douleur morale née d'un décès et que la créance de la caisse ne pourrait pas être imputée sur l'indemnité éventuellement allouée aux ayants-droit ; que les premiers juges, en statuant sans mettre en cause la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon, ont méconnu ces obligations ; qu'ainsi, le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 14 novembre 2006 doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par MM. et Mmes A devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Sur la responsabilité :

Considérant que M. Ali A, incarcéré le 6 septembre 2001 à la maison d'arrêt de Saint Paul, est décédé le 11 septembre 2001 en début d'après-midi suite à une intoxication alcoolique aiguë survenue le matin même ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'occasion d'une visite à l'unité de consultation et de soins ambulatoires en milieu pénitentiaire (UCSA), M. A a subtilisé une bouteille de 500 ml d'alcool à 70° qu'il a ensuite absorbée ; qu'entre 11 h 30 et midi, l'un des surveillants de la maison d'arrêt, informé par les codétenus de M. A que celui-ci avait absorbé une grande quantité d'alcool, a constaté l'état de santé inquiétant de ce dernier, qui, après avoir été pris de convulsions et de vomissements, ne répondait plus aux sollicitations ; que cette information a été transmise aux surveillants assurant la tranche horaire débutant à 13 heures ; que ces derniers ont également constaté l'état anormal de M. A, qui avait perdu connaissance et ne répondait toujours pas aux sollicitations, et l'ont couché en position latérale de sécurité ; qu'une surveillante stagiaire, qui avait été mise au courant de ce que le détenu ne se sentait pas bien , constatant la gravité de son état, a informé le surveillant-chef vers 13 h 15, ce dernier appelant alors sans succès l'infirmerie ; qu'après d'autres appels infructueux, ce n'est que vers 14 h 30 qu'une infirmière et un surveillant se sont rendus dans la cellule, et, après avoir tenté, en vain, de réanimer M. A, ont appelé les pompiers ; qu'ainsi, en ne prenant pas les mesures propres à éviter que M. A, dont les troubles de santé et du comportement étaient connus, entre, à l'occasion d'une visite à l'infirmerie, en possession d'une bouteille d'alcool à 70° et soit en mesure de l'absorber, puis en le laissant sans secours pendant près de trois heures alors que la gravité de son état était manifeste et en persistant, au lieu de faire appel aux services spécialisés, à appeler l'infirmerie, alors que le personnel infirmier ne s'était pas déplacé pour examiner le détenu, le personnel de l'administration pénitentiaire a commis des fautes qui ont été à l'origine du décès de M. A et sont de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que M. A, qui s'était rendu vers 9 heures à l'infirmerie pour y faire soigner son pied, a été laissé seul pendant une demi-heure et a pu sans difficulté s'emparer d'une bouteille d'alcool à 70° et, d'autre part, que le personnel infirmier, qui ne s'est pas déplacé pour examiner le détenu, en minimisant a priori la gravité de l'état de M. A, a contribué à l'inertie des services pénitentiaires ; que cette faute du personnel de l'unité de consultation et de soins ambulatoires qui, en application de l'article L. 6112-1 du code de la santé publique, relève du service hospitalier, est de nature à exonérer pour partie l'Etat de sa responsabilité ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de fixer la part du préjudice maintenu à la charge de l'Etat, seul mis en cause par les requérants, à la moitié du préjudice total ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par les proches de la victime en allouant les sommes de 8 000 euros à chacun des deux parents de M. Ali A et 4 000 euros à chacun de ses frères et soeurs ; que l'administration pénitentiaire, compte tenu de la part de responsabilité retenue dans le présent arrêt doit être condamnée à payer les sommes de 4 000 euros à chacun des deux parents et 2 000 euros à chacun des frères et soeurs de M. A ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 14 novembre 2006 est annulé.

Article 2 : L'Etat (ministère de la justice) est condamné à payer les sommes de 4 000 euros (quatre mille euros) à M. Hamed A, 4 000 euros (quatre mille euros) à Mme Kheira A et 2 000 euros (deux mille euros) à chacun des frères et soeurs requérants de M. Ali A, à savoir, M. Farid A, Mme Aïcha A, Mme Zoulika A, M. Abdelaziz A, Mme Karima A, Mme Nadia A, Mme Malika A et M. Kamel A.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de MM. et Mmes A est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, à M. Hamed A, à Mme Kheira A, à M. Farid A, à Mme Aïcha A, à Mme Zoulika A, à M. Abdelaziz A, à Mme Karima A, à Mme Nadia A, à Mme Malika A, à M. Kamel A et à la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2009, où siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

Mme Chalhoub, président-assesseur,

Mme Vinet, conseiller.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2009.

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N° 07LY00178

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY00178
Date de la décision : 17/12/2009
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SAUVAYRE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-12-17;07ly00178 ?
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