Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 10 juillet 2009, présentée pour M. Muharem A, domicilié ...
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0902605 du 10 juin 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 6 juin 2009, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;
2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Il soutient que l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière n'est pas suffisamment motivé ; qu'il a déposé le 19 mai 2009 une demande de titre de séjour par l'intermédiaire de son conseil et que l'arrêté portant reconduite à la frontière a eu pour effet de lui refuser implicitement un titre de séjour, ce qui est illégal dans la mesure où il pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de la Haute-Savoie, dès lors qu'il ne lui a pas délivré d'accusé de réception de sa demande de titre et n'a pas recueilli ses observations avant de prendre à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière, a violé les articles 4 et 24 de la loi du 12 avril 2000 ; que le préfet de la Haute-Savoie a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ordonnant sa reconduite à la frontière dans la mesure où sa femme, ses trois enfants et deux de ses frères résident régulièrement en France ; que le tribunal administratif de Grenoble ayant annulé l'arrêté du 5 décembre 2003 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a décidé sa reconduite à la frontière au motif qu'il a porté une atteinte excessive à son droit au respect de la vie familiale, la même autorité a violé l'autorité de la chose jugée en prenant à son encontre une mesure d'éloignement le 6 juin 2009 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2010 :
- le rapport de M. Chanel, président ;
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
Sur la décision ordonnant la reconduite à la frontière :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code précité : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, qui n'était titulaire d'aucun titre de séjour en cours de validité à la date de la décision attaquée, n'a pas été en mesure de présenter les documents justifiant de son entrée régulière en France ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application du 1° du II de l'article L. 511-1 précité ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté en date du 6 juin 2009 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonné la reconduite à la frontière de M. A, de nationalité kosovare, comporte les éléments de fait, notamment ceux relatés par l'intéressé lors de son audition le 5 juin 2009 par un agent de police judiciaire et reproduits dans le procès-verbal dressé le même jour, et les considérations de droit qui le fondent ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;
Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté du 10 juin 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A n'a eu pour seul objet que de tirer les conséquences pour l'intéressé de l'absence de titre de séjour en cours de validité ou de documents justifiant de son entrée régulière en France et n'a donc eu ni pour objet ni pour effet de lui refuser, même implicitement, l'octroi d'un titre de séjour alors même qu'il a adressé le 19 mai 2009 une demande de titre de séjour à la préfecture de la Haute-Savoie par l'intermédiaire de son conseil, dont l'administration a accusé réception le 22 mai 2009 ; que l'envoi postal de cette demande de titre à la préfecture n'a pas eu pour effet de régulariser sa situation au regard du droit à l'entrée et au séjour en France ; que, dès lors, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas commis d'erreur de droit en prenant à l'encontre du requérant une mesure d'éloignement sur le fondement des dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'a pas davantage violé l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 susvisée ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des dispositions des articles L. 512-2 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger sa reconduite à la frontière ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, et plus particulièrement les droits de la défense, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de la décision de reconduite à la frontière ;
Considérant, en cinquième lieu, que M. A ne peut pas utilement invoquer la méconnaissance, par la décision en litige, du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il entre dans la catégorie des étrangers pouvant bénéficier du regroupement familial en raison de la présence en France de son épouse, titulaire d'une carte de résident valable dix ans ;
Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a été condamné le 2 octobre 2001 par la Cour correctionnelle de Genève pour des actes d'ordre sexuel commis sur des enfants et des personnes incapables de discernement ou de résistance, à une peine privative de liberté de trois ans et neuf mois, eût-elle prononcée par défaut ; qu'il a été incarcéré en Suisse du 22 juillet 2005 au 25 décembre 2007 et que le Tribunal d'application des peines et des mesures a ordonné sa libération conditionnelle le 26 décembre 2007 ; que si le requérant soutient qu'après sa libération, il a repris une vie commune avec son épouse à Annemasse et qu'il voit régulièrement ses trois enfants majeurs, entrés en France en 1999 et y résidant régulièrement, son petit-fils ainsi que deux de ses frères, la réalité de la vie commune entre les époux A n'est pas établie dès lors que l'adresse de l'épouse diffère de celle du mari ; que les explications données par le requérant, en appel, sur ce point, à savoir qu'ils auraient déménagé le 30 avril 2009, dès lors qu'elles ne sont assorties d'aucun élément de preuve, ne permettent pas de lever les doutes sur la réalité de la vie commune des époux ; que, dans ces conditions, le préfet de la Haute-Savoie, en ordonnant sa reconduite à la frontière, n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure de police a été prise ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant, en dernier lieu, que la circonstance que le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 5 décembre 2003 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a décidé la reconduite à la frontière de M. A au motif qu'il aurait porté une atteinte excessive au droit au respect de la vie familiale de l'intéressé, est en elle-même sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;
Sur la décision distincte fixant le pays de destination
Considérant que les conclusions à fin d'annulation présentées à l'encontre de la décision fixant le pays dont le requérant a la nationalité comme destination de la reconduite, ne sont assorties d'aucun moyen ; qu'elles ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que les conclusions de la requête tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
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N° 09LY01594
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