La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2010 | FRANCE | N°08LY00383

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 5, 16 mars 2010, 08LY00383


Vu la requête, enregistrée le 18 février 2008 au greffe de la Cour, présentée pour M. et Mme Jacques A, domiciliés ... ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601442, en date du 18 décembre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il ont été assujettis au titre des années 1999 et 2000 ;

2°) de prononcer la décharge desdites cotisations ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les frais exposés par eux

et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice admini...

Vu la requête, enregistrée le 18 février 2008 au greffe de la Cour, présentée pour M. et Mme Jacques A, domiciliés ... ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601442, en date du 18 décembre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il ont été assujettis au titre des années 1999 et 2000 ;

2°) de prononcer la décharge desdites cotisations ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les frais exposés par eux et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- en application de la règle générale prévue par l'article 60 du code général des impôts, les résultats réalisés par les sociétés de personnes sont déterminés globalement à leur niveau et sont ensuite imposés au nom de chacun des associés en raison de la quote-part correspondant à leurs droits respectifs, soit à l'impôt sur les sociétés pour les sociétés passibles de cet impôt, soit à l'impôt sur le revenu pour la fraction revenant à des entreprises individuelles ou à des associés personnes physiques ;

- les cotisations personnelles d'un associé, prises en charge par une société relevant des dispositions des articles 8 et 8 ter du code général des impôts ne sont pas déductibles pour la détermination du résultat fiscal de celle-ci et doivent être ajoutées à la quote-part du résultat imposable au nom de l'associé bénéficiaire ;

- les cotisations sociales personnelles d'un associé, en tant que charges supportées pour l'acquisition ou la conservation du revenu professionnel de ce dernier, peuvent être imputées sur la part des bénéfices sociaux imposable en son nom ;

- l'exonération de l'article 44 sexies du code général des impôts doit s'appliquer au résultat déclaré par la société EURL JDM Consultant, en vertu des règles précitées, et non au revenu professionnel net de charge revenant à l'associé personne physique ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2008, présenté pour le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, concluant au rejet de la requête de M. et Mme A ; il soutient que le résultat fiscal soumis à l'impôt sur le revenu au nom de chaque associé d'une société soumise au régime des sociétés de personnes est déterminé à partir du résultat comptable, corrigé des déductions ou réintégrations fiscales à prendre en compte au nom de chaque associé ; que la réponse ministérielle Sallé, publiée au Journal officiel de l'Assemblée Nationale du 11 mai 1981, prévoit que les cotisations personnelles des associés constituent une charge déductible de leur quote-part de bénéfice, même si la société les a prises en charge ; que, dans le même sens, la réponse ministérielle Dutreil, publiée au Journal officiel de l'Assemblée Nationale du 12 avril 1999, prévoit que les cotisations personnelles prises en charge par une société en nom collectif constituent un complément de rémunération qui doit être préalablement ajouté aux sommes attribuées à ce titre aux associés avant d'être déduit de leur quote-part imposable ; que l'argumentation des requérants selon laquelle les cotisations personnelles d'un associé ne sont pas déductibles du résultat imposable de la société n'appelle donc aucune contestation ; que, cependant, le calcul effectué par les requérants conduit à retenir le résultat fiscal et non le résultat imposable, ce qui aurait pour effet de pratiquer, en partie, l'abattement prévu pour les entreprises nouvelles sur des sommes non imposables telles que les cotisations sociales personnelles ; que M. A a bénéficié d'une exonération totale de bénéfice au titre des années 1997 et 1998 sans avoir déduit ses cotisations de son revenu global ; que l'abattement vient bien réduire la quote-part imposable, c'est-à-dire les sommes qui forment l'assiette de l'impôt sur revenu et dont sont exclues les charges sociales personnelles ; que la décision de rescrit du 6 septembre 2005 invoquée par le requérant ne concerne que la déduction des cotisations sociales des associés d'une société de personnes bénéficiant du régime d'exonération prévu à l'article 44 octies du code général des impôts pour l'application du plafond d'exonération d'impôt et n'est pas transposable au cas d'espèce ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 2 octobre 2008, présenté pour M. et Mme A, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens et par les moyens supplémentaires que le fait qu'ils ne se soient pas prévalus d'un déficit imputable sur leurs autres revenus pour les années 1997 et 1998 est inopérant en l'espèce ; qu'ils n'entendent pas invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le contenu du rescrit du 6 septembre 2005, d'ailleurs postérieur au litige, mais seulement la contradiction de l'analyse de l'administration s'agissant de l'application de l'article 44 sexies du code général des impôts, d'une part, et de l'article 44 octies du même code, d'autre part ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 28 décembre 2009, présenté pour Mme veuve Jacques A, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens, et fixant à la somme de 2 870,40 euros la demande de remboursement des frais irrépétibles sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2010 :

- le rapport de M. Montsec, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Raisson, rapporteur public ;

Considérant que M. Jacques A était associé unique de l'EURL JDM Consultant, soumise au régime fiscal des sociétés de personnes et bénéficiant de l'exonération puis de l'abattement d'impôt prévus pour les entreprises nouvelles par l'article 44 sexies du code général des impôts ; que l'administration a réintégré au revenu imposable de l'intéressé, au titre des années 1999 et 2000, ses cotisations sociales personnelles, prises en charge par la société, en considérant que l'abattement pour entreprises nouvelles doit s'appliquer à la quote-part de résultat revenant à l'associé nette de charges, soit après déduction desdites cotisations ; que M. et Mme A, puis Mme A seule après le décès de son mari survenu le 23 mars 2009, font appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il ont été en conséquence assujettis au titre desdites années 1999 et 2000 ;

Sur le bien-fondé des redressements :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 du code général des impôts : Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif (...) sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) / Il en est de même, sous les mêmes conditions, (...) 4° De l'associé unique d'une société à responsabilité limitée lorsque cet associé est une personne physique (...) ; qu'aux termes de l'article 60 du même code : Le bénéfice des sociétés visées à l'article 8 est déterminé, dans tous les cas, dans les conditions prévues pour les exploitants individuels (...) ; qu'aux termes de l'article 151 nonies du même code : Lorsqu'un contribuable exerce son activité professionnelle dans le cadre d'une société dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles réels, des bénéfices industriels ou commerciaux ou des bénéfices non commerciaux, ses droits ou parts dans la société sont considérés, notamment pour l'application des articles 38, 72 et 93, comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession ; que l'article 13 du même code précise que : Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu ; qu'enfin, l'article 44 sexies du même code prévoit, dans sa version alors applicable, que : I. Les entreprises soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. Dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A, le bénéfice des dispositions du présent article est également accordé aux contribuables visés au 5° du I de l'article 35 (...). Les bénéfices ne sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés que pour le quart, la moitié ou les trois quarts de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la seconde ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération. / Le bénéfice des dispositions du présent article est réservé aux entreprises qui se créent à compter du 1er janvier 1995 jusqu'au 31 décembre 2004 dans les zones d'aménagement du territoire et dans les territoires ruraux de développement prioritaire définis au premier alinéa de l'article 1465 et dans les zones de redynamisation urbaine définies au I bis et, à compter du 1er janvier 1997, au I ter de l'article 1466 A, à la condition que le siège social ainsi que l'ensemble de l'activité et des moyens d'exploitation soient implantés dans l'une de ces zones ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le législateur a entendu réserver le bénéfice du régime fiscal des entreprises nouvelles auxdites entreprises ; que, dès lors, quelle que soit la nature juridique de l'entreprise, l'exonération ou l'abattement prévu par ce régime doit s'appliquer au résultat fiscal dégagé par celle-ci, indépendamment des modalités d'imposition des associés ;

Considérant que lorsque, comme en l'espèce, une société de personnes acquitte directement auprès des organismes ad hoc, les cotisations sociales personnelles obligatoires de ses associés, les montants correspondants, enregistrés en charge au moment de leur paiement, sont réintégrés, pour chaque associé, dans le montant déclaré comme bénéfice imposable entre ses mains ; que cependant, M. A, associé unique de la société EURL JDM Consultant, dont les résultats déterminés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux sont soumis en son nom à l'impôt sur le revenu et qui exerce son activité professionnelle dans le cadre de cette société, est fondé à se prévaloir des dispositions précitées de l'article 151 nonies et de l'article 13 du code général des impôts ; qu'il pouvait donc, ainsi que le soutiennent les requérants et que l'admet d'ailleurs l'administration fiscale, déduire des bénéfices de l'EURL imposables entre ses mains les cotisations sociales personnelles en litige, acquittées pour lui par la société, en tant qu'il s'agissait de dépenses effectuées en vue de la conservation de son revenu professionnel ; que, pour autant, et alors même que cela pouvait aboutir, ainsi que le relève l'administration, à calculer l'abattement prévu pour les entreprises nouvelles à partir de sommes finalement non imposables, cet abattement doit s'appliquer aux bénéfices dégagés par l'entreprise elle-même, en tant qu'entité juridique distincte de son unique associé, tels qu'elle les a déclarés et incluant donc les cotisations sociales personnelles versées pour le compte de M. A, et non, ainsi que l'a considéré à tort l'administration, au bénéfice net de cette société, déduction faite desdites cotisations ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1999 et 2000 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à a charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à Mme A au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon n° 0601442, du 18 décembre 2007, est annulé.

Article 2 : M. et Mme A sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1999 et 2000.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2010, à laquelle siégeaient :

M. Bernault, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

M. Givord, président-assesseur,

Mme Jourdan et Mme Besson-Ledey, premiers conseillers.

''

''

''

''

1

2

N° 08LY00383


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 08LY00383
Date de la décision : 16/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-01-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX. PERSONNES ET ACTIVITÉS IMPOSABLES. EXONÉRATION DE CERTAINES ENTREPRISES NOUVELLES (ART. 44 BIS ET SUIVANTS DU CGI). - MODE CALCUL DE L'ABATTEMENT POUR ENTREPRISE NOUVELLE PRÉVU À L'ARTICLE 44 SEXIES DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS, S'AGISSANT D'UNE EURL.

19-04-02-01-01-03 L'abattement prévu pour les entreprises nouvelles à l'article 44 sexies du code général des impôts doit s'appliquer au résultat de l'entreprise, quel que soit son statut juridique, indépendamment des modalités d'imposition du ou des associés. Ainsi, lorsqu'une EURL prend à sa charge les cotisations sociales personnelles de son unique associé, cet abattement doit être appliqué sur les bénéfices de l'entreprise, sans déduire lesdites cotisations, alors même que ces bénéfices sont, en application des articles 8 et 60 du code général des impôts, imposés entre les mains de l'associé et que celui-ci pouvait lui-même déduire lesdites cotisations des bases soumises à l'impôt sur le revenu, en application des dispositions des articles 151 nonies et 13 du code général des impôts.


Références :

[RJ1]

Rapp. : Cour administrative d'appel de Paris, 13 mai 2005, n° 01PA01693, M. MERLIN.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: M. RAISSON
Avocat(s) : LYON JURISTE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-03-16;08ly00383 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award