Vu la requête enregistrée le 4 juillet 2009, présentée pour M. Fazli A domicilié ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0707204 du 7 mai 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 9 octobre 2007 par laquelle le préfet du Rhône a refusé d'échanger contre un permis de conduire français le permis de conduire que lui ont délivré les représentants de la mission intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Rhône de lui remettre un permis de conduire français ;
M. A soutient qu'en vertu de l'article 10 de la résolution 1244 du conseil de sécurité des Nations Unies, l'administration transitoire de la MINUK administrait le Kosovo en lieu et place de l'Etat yougoslave auquel il se substituait et dans l'attente d'une solution politique définitive ; que les actes délivrés par cette organisation, notamment les permis de conduire, doivent être regardés comme délivrés au nom d'un Etat au sens de l'article R. 222-3 du code de la route et peuvent faire l'objet d'un échange contre un permis de conduire français ; que le refus d'échange litigieux méconnaît sa liberté d'aller et de venir, proclamée par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 9 avril 2010 par lequel le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer conclut au rejet de la requête ;
Le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer soutient qu'en tant qu'autorité provisoire mandatée par une organisation internationale, la MINUK qui a délivré le permis de conduire du requérant, ne peut être regardée comme ayant agi au nom d'un Etat ; que l'application de la réglementation sur l'échange des titres de conduite ne fait pas obstacle à la liberté d'aller et venir protégée par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son article 55 ;
Vu la Charte des Nations Unies du 16 juin 1945 ;
Vu le code de la route ;
Vu l'arrêté du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne ni à l'espace économique européen ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 avril 2010 :
- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller,
- les observations de Me Smida, représentant M. A,
- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,
la parole ayant été de nouveau donnée à Me Smida ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative : Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, (...) la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai ;
Considérant que, d'une part, aux termes de l'article R. 222-3 du code de la route : Tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un Etat ni membre de la Communauté européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale de son titulaire. Pendant ce délai, il peut être échangé contre le permis français (...). Les conditions de cette reconnaissance sont définies par arrêté du ministre chargé des transports (...) ; qu'aux termes de l'article 6 de l'arrêté susvisé du 8 février 1999 : Tout titulaire d'un permis de conduire national doit obligatoirement demander l'échange de son titre contre le permis français pendant le délai d'un an qui suit l'acquisition de sa résidence normale en France (...) ; que, d'autre part, le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies a, sur le fondement des articles 1er et 24 de la Charte des Nations Unies, adopté le 10 juin 1999 la résolution 1244 dont l'article 10 autorise le Secrétaire général (...) à établir une présence internationale civile au Kosovo afin d'y assurer une administration intérimaire dans le cadre de laquelle la population du Kosovo pourra jouir d'une autonomie substantielle au sein de la République fédérale de Yougoslavie, et qui assurera une administration transitoire (...) pour que tous les habitants du Kosovo puissent vivre en paix et dans des conditions normales ;
Considérant que l'autorité civile de la mission intérimaire des Nations Unies pour le Kosovo (MINUK) installée en exécution de la résolution 1244 s'est substituée à la République fédérale de Yougoslavie puis de la République Serbe pour l'administration du Kosovo ; que dans le cadre de cette mission, elle a délivré des permis de conduire, dont celui de M. A, que le préfet du Rhône a, par la décision litigieuse, refusé d'échanger au motif qu'il n'avait pas été délivré par un Etat ;
Considérant que la question consistant à déterminer si, d'une part, l'autorité civile de la MINUK agissait au nom de la République fédérale de Yougoslavie puis de la République Serbe et si, d'autre part, ayant agi au nom de l'un de ces Etats, les actes qu'elle a délivrés pendant la période de son administration du territoire kosovar, l'ont été par un de ces Etats au sens de l'article R. 222-3 précité du code de la route constitue une question de droit nouvelle présentant une difficulté sérieuse et susceptible de se poser dans de nombreux litiges ; que, dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer sur la requête de M. A et de transmettre pour avis sur cette question le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat ;
DECIDE :
Article 1er : Le dossier de la requête de M. A est transmis au Conseil d'Etat pour examen de la question de droit définie dans les motifs du présent arrêt.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. A jusqu'à l'avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la transmission du dossier prévue à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Fazli A, au préfet du Rhône et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.
Délibéré après l'audience du 15 avril 2010 à laquelle siégeaient :
M. du Besset, président de chambre,
M. Arbarétaz, premier conseiller,
Mme Vinet, conseiller.
Lu en audience publique, le 6 mai 2010.
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N° 09LY01501