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18/05/2010 | FRANCE | N°07LY02918

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 18 mai 2010, 07LY02918


Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 2007, présentée pour M. et Mme Abdelatif A, agissant tant en leur nom personnel qu'en celui de leur fille mineure, Syrine, domiciliés ... ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604921, en date du 23 octobre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à ce que les Hospices civils de Lyon soient condamnés à verser, respectivement, une somme provisionnelle de 165 000 euros à leur fille Syrine, une somme de 15 000 euros à Mme A au titre de ses préjudices propres

et une somme de 30 000 euros à M. et Mme A, toutes sommes à parfaire au vu ...

Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 2007, présentée pour M. et Mme Abdelatif A, agissant tant en leur nom personnel qu'en celui de leur fille mineure, Syrine, domiciliés ... ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604921, en date du 23 octobre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à ce que les Hospices civils de Lyon soient condamnés à verser, respectivement, une somme provisionnelle de 165 000 euros à leur fille Syrine, une somme de 15 000 euros à Mme A au titre de ses préjudices propres et une somme de 30 000 euros à M. et Mme A, toutes sommes à parfaire au vu des conclusions d'une nouvelle expertise à ordonner ;

2°) de prononcer les condamnations demandées, à parfaire au vu des conclusions d'une nouvelle expertise à ordonner ;

Ils soutiennent que :

- le Tribunal n'a pas répondu à leur demande d'expertise ;

- l'hôpital a commis plusieurs fautes, sous la forme d'un défaut de surveillance et d'une erreur de diagnostic ; la contradiction sur ces points entre l'expertise ordonnée en référé par le Tribunal et une expertise privée qu'ils produisent justifie le recours à une nouvelle expertise ;

- Mme A n'a pas disposé d'une information suffisante sur les risques inhérents à un accouchement par voie naturelle dans son cas, et a dès lors perdu une chance d'éviter ces risques ;

- l'hôpital a engagé sa responsabilité sans faute, en raison de la gravité des séquelles supportées par leur enfant et par Mme A ;

- leur fille a subi un préjudice physique, esthétique et scolaire, qui n'est pas encore consolidé mais peut être évalué à titre provisionnel ; une nouvelle expertise serait nécessaire pour procéder à un chiffrage ;

- Mme A a elle-même subi un préjudice, du fait de la douleur endurée, de l'impossibilité d'avoir un nouvel enfant et des conséquences psychologiques de cette situation ; là encore une nouvelle expertise serait utile pour mesurer ces préjudices ;

- ils ont enfin subi une douleur morale et des troubles dans leurs conditions d'existence ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 juin 2008, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon ; elle conclut :

- à l'annulation du même jugement, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que les Hospices civils de Lyon soient condamnés à lui verser une somme de 18 583,30 euros, outre intérêts, au titre de ses débours, ainsi que l'indemnité forfaitaire de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

- à ce que les Hospices civils de Lyon soient condamnés à lui verser une somme de 18 583,80 euros, outre intérêts, au titre de ses débours, ainsi que l'indemnité forfaitaire de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

- à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge des Hospices civils de Lyon au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le défaut d'information sur les risques du mode d'accouchement retenu a fait perdre à Mme A une chance de les éviter, les séquelles subies étant la conséquences directe de la réalisation de ces risques ;

- elle a engagé des débours en raison de ces séquelles ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 février 2010, présenté pour les Hospices civils de Lyon ; ils concluent au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon ;

Ils soutiennent que :

- une nouvelle expertise serait inutile et frustratoire ; les experts n'ont en outre pas manqué à leur obligation d'impartialité ;

- il n'a commis aucune faute dans la surveillance et la prise en charge de la patiente ;

- en admettant même un défaut d'information sur le risque de rupture utérine, il n'existait aucune alternative moins risquée ;

- il n'a pas engagé sa responsabilité sans faute, dès lors que la rupture utérine n'était pas sans lien avec l'état antérieur de la patiente ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 avril 2010, présenté pour les Hospices civils de Lyon ; ils concluent aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Ils ajoutent que, si leur responsabilité devait être retenue, il ne pourrait en tout état de cause s'agir que d'une perte de chance minime d'éviter les séquelles ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 avril 2010 :

- le rapport de M. Stillmunkes, premier conseiller ;

- les observations de Me Demailly, avocat des Hospices civils de Lyon et de Me Michaud, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que Mme A a accouché à l'hôpital de la Croix-rousse le 25 septembre 2000 ; que son enfant s'est révélée atteinte de séquelles neurologiques sérieuses ; que Mme A elle-même a subi un préjudice physique propre ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. et Mme Abdelatif A, agissant tant en leur nom personnel qu'en celui de leur fille mineure, Syrine, qui tendait à ce que les Hospices civils de Lyon soient condamnés à verser, respectivement, une somme provisionnelle de 165 000 euros à leur fille Syrine, une somme de 15 000 euros à Mme A au titre de ses préjudices propres et une somme de 30 000 euros à M. et Mme A, toutes sommes à parfaire au vu des conclusions d'une nouvelle expertise à ordonner ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, le Tribunal a indiqué qu'il ne lui apparaissait pas utile de recourir à une expertise complémentaire, et n'a dès lors pas omis de statuer sur les conclusions en ce sens qui lui étaient présentées ;

Sur la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée en référé en première instance, que les séquelles dont l'enfant demeure atteinte sont la conséquence d'une asphyxie per partum à la suite d'une rupture utérine brutale ; qu'un précédent accouchement avait dû être réalisé par césarienne, en raison d'une anomalie de dilatation du col ; que les experts notent toutefois que la seconde grossesse s'est déroulée normalement et qu'en particulier n'a été relevée aucune anomalie susceptible de faire craindre une fragilisation de la cicatrice utérine ou de contre-indiquer un accouchement par voie basse ; qu'aucune faute n'a ainsi été commise en ne préconisant pas le recours à une césarienne ; que, lorsque Mme A a été admise à la maternité, le 25 septembre 2000 vers 13h, le travail s'est tout d'abord déroulé d'une façon que les experts estiment normale et rassurante ; qu'ils relèvent certes une légère tachycardie foetale, vers 19h20, Mme A indiquant en outre avoir ressenti des douleurs abdominales particulières ; qu'ils notent que la sage-femme n'était alors pas présente et ne pouvait être directement appelée en raison d'un dysfonctionnement de la sonnette d'appel, la soeur de la patiente ayant dû aller la chercher, ce qu'admet l'hôpital ; que, toutefois, les experts notent également que la tachycardie constatée à 19h20 était en réalité sans caractère inquiétant et que, lorsque la sage-femme est arrivée, la situation demeurait normale ; qu'en particulier, contrairement aux conclusions d'une expertise privée produite par les requérants, les experts estiment que le rythme cardiaque foetal demeurait sensiblement normal et avait encore une bonne variabilité, aucun signe clinique n'évoquant à ce stade une possibilité de rupture utérine ; que cette faute d'organisation est ainsi sans lien de causalité avec les préjudices en litige ; que les experts précisent en effet que la situation ne s'est dégradée qu'ultérieurement, alors que la sage-femme était présente, avec l'apparition brutale d'une bradycardie sévère à 19h56 ; que des examens complémentaires ont très vite conduit la sage-femme à estimer qu'il y avait rupture utérine avec migration du foetus dans l'abdomen, susceptible de nécessiter une césarienne ; qu'elle a appelé le gynécologue accoucheur de garde à 20h05 ; que l'intervention a été réalisée dès 20h15, la naissance survenant à 20h20 ; que les experts soulignent que les délais de prise en charge de cette complication ont été tout à fait satisfaisants et conformes aux préconisations en la matière ; qu'ainsi, l'hôpital n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité dans la prise en charge médicale et la surveillance de la patiente ;

Considérant, en deuxième lieu, que si le patient doit être informé, dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé, des risques connus de décès ou d'invalidité que comporte un acte médical dont la réalisation est envisagée, la décision, en cas de grossesse, de la laisser se poursuivre naturellement jusqu'à son terme, ne saurait être considérée comme constituant en elle-même un acte médical dont les risques devraient être portés à la connaissance de la femme enceinte ; qu'en revanche, dès lors que la grossesse s'avère pathologique, il appartient au médecin d'informer sa patiente sur les risques particuliers que peut entraîner son état ; que, toutefois, en admettant même que Mme A n'ait pas été informée du risque de rupture utérine que pouvait présenter un accouchement, compte tenu de son utérus cicatriciel après une précédente césarienne, il ne résulte en tout état de cause pas de l'instruction qu'il aurait existé une alternative moins risquée à un accouchement par voie basse, alors notamment que les experts relèvent que, dans son cas particulier, compte tenu des modalités selon lesquelles la première césarienne avait été réalisée, les risques de rupture utérine étaient alors sensiblement les mêmes en cas de recours à une nouvelle césarienne, qui présente par ailleurs des risques propres non négligeables ; que ce défaut d'information ne saurait dès lors lui avoir fait perdre une chance réelle d'échapper au risque de rupture utérine ;

Considérant, enfin, que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue, mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ; que, toutefois, la rupture utérine brutale et spontanée dont Mme A a été victime ne peut être regardée comme la conséquence directe d'un acte médical ; que les Hospices civils de Lyon ne sauraient dès lors avoir engagé leur responsabilité de ce fait ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de recourir à une nouvelle expertise, que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le Tribunal a rejeté ses conclusions ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des Hospices civils de Lyon, qui n'ont pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par M. et Mme A et par la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée, ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Abdelatif A, aux Hospices civils de Lyon et à la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon. Copie en sera adressée au ministre de la santé et des sports.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2010 à laquelle siégeaient :

Mme Serre, présidente de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Stillmunkes, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 mai 2010.

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N° 07LY02918


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY02918
Date de la décision : 18/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SERRE
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : GOURION SOUBEYRAND et PARTENAIRES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-05-18;07ly02918 ?
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