Vu la requête, enregistrée le 22 juillet 2008 au greffe de la Cour, présentée pour la société par actions simplifiée (SAS) ZOLPAN SAVOIE, dont le siège social est sis Route Départementale 921 à La Bridoire (73520) ;
La SAS ZOLPAN SAVOIE demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0400158 du 15 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 7 novembre 2003 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en tant qu'elle avait autorisé le licenciement de M. Edouard A ;
2°) de confirmer cette autorisation de licenciement ;
3°) de condamner M. A à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif de Grenoble, la faute reprochée à M. A était suffisamment grave pour justifier son licenciement dès lors que l'intéressé a quitté son poste de travail en dehors des heures de délégation sans aucune autorisation, qu'il a consommé des boissons alcoolisées alors que, d'une part, une telle consommation était prohibée par le règlement intérieur et, d'autre part, il aurait dû, en raison de ses fonctions, décliner l'invitation de ses collègues ; qu'ainsi le licenciement est fondé sur un motif disciplinaire et non économique ; qu'il n'y a aucun lien entre la décision de licenciement et le mandat ; que le moyen tiré de la violation de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales manque en droit et en fait ; qu'en tout état de cause, le moyen tiré de ce que toutes les garanties de procédure n'auraient pas été offertes par l'inspecteur du travail est inopérant dès lors que la décision attaquée est celle du ministre qui a annulé celle de l'inspecteur ; que la procédure touchant tant à l'entretien préalable qu'à la consultation du comité d'entreprise est régulière ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la décision en date du 27 novembre 2008 accordant à M. Edouard A le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 40 % ;
Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 24 août 2009, régularisé par courrier le 26 août 2009, présenté pour M. Edouard A, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SAS ZOLPAN SAVOIE à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; que la mise en oeuvre de la procédure de licenciement est en lien avec ses mandats et est entachée de détournement de pouvoir ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 avril 2010, présenté pour le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, qui conclut à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 15 mai 2008 ;
Le ministre soutient que les fautes commises par M. A sont suffisamment graves pour justifier son licenciement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 avril 2010 :
- le rapport de M. Monnier, premier conseiller ;
- les observations de Me Bezzi, avocat de la société ZOLPAN SAVOIE ;
- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;
La parole ayant à nouveau été donnée aux parties présentes ;
Considérant que, par lettre du 14 mai 2003, la société ZOLPAN SAVOIE a demandé à l'inspecteur du travail de la 3ème section du département de la Savoie, l'autorisation de procéder au licenciement pour faute de M. Edouard A, délégué syndical, représentant syndical auprès du comité d'entreprise et candidat aux élections de la délégation unique du personnel du 17 avril 2003 ; que, par décision du 27 mai 2003, l'inspecteur du travail a délivré l'autorisation sollicitée ; que, saisi par M. A d'un recours hiérarchique contre cette décision, le ministre chargé du travail a, par décision du 7 novembre 2003, annulé la décision de l'inspecteur du travail et délivré une nouvelle autorisation de licenciement ; que la SAS ZOLPAN SAVOIE interjette appel de l'article 1er du jugement du 15 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision ministérielle du 7 novembre 2003 en tant qu'elle porte autorisation de licencier M. A ;
Sur la légalité de la décision ministérielle en tant qu'elle autorise le licenciement de M. A :
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant que la décision du ministre chargé du travail autorisant le licenciement de M. A fait grief à ce dernier d'avoir, le 16 avril 2003, quitté son poste de travail sans autorisation pour se rendre entre 11 heures et 13 heures dans un local du comité d'entreprise où deux membres de la délégation unique du personnel, dont l'absence était couverte par un bon de délégation, avaient organisé la venue d'un représentant en vin pour une vente, d'avoir à cette occasion dégusté du vin en méconnaissance du règlement intérieur de l'entreprise prohibant la consommation de boissons alcoolisées, interdiction édictée le 23 janvier 2003 pour prévenir des débordements constatés auparavant au sein de l'entreprise, et de n'avoir pas exercé ses fonctions d'encadrement en faisant respecter cette clause du règlement intérieur auprès de ses collègues ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'occasion de la vente d'une maison de vin organisée, comme chaque année, par le comité d'entreprise de la société requérante, dans un local situé au sein même de cette société, M. A, qui est amené à se déplacer très souvent dans l'usine, a quitté son lieu de travail vers midi muni de son téléphone portable, qu'il y est resté cinq minutes pour s'absenter ensuite pour raisons professionnelles après avoir reçu un appel téléphonique et qu'il est revenu vingt minutes plus tard pour conclure, dans un laps de cinq minutes, un achat de vin ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est même pas soutenu par la SAS ZOLPAN SAVOIE et le ministre du travail, que cette absence de deux fois cinq minutes ait nui au bon fonctionnement de l'entreprise ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'est pas contesté que le requérant n'a bu qu'un verre de vin ; que si une telle consommation, aussi limitée fût-elle, contrevenait aux dispositions du règlement intérieur interdisant l'introduction par le personnel dans les locaux de l'entreprise de boissons alcoolisées ainsi que leur consommation, il ressort des pièces du dossier que cette dégustation était liée à l'une des nombreuses opérations de ventes de vin organisées par le comité d'entreprise que la société, qui ne pouvait en ignorer l'existence, tolérait ;
Considérant en troisième lieu, que si M. A, recruté en 1996 pour exercer les fonctions de coloriste, s'était vu confier en 2001 des fonctions d'encadrement de l'équipe, incluant la gestion des absences et le respect des consignes de sécurité et qu'il était tenu de faire respecter les dispositions précitées du règlement intérieur, il n'est pas soutenu qu'il avait une autorité directe sur les organisateurs de la vente, qui, d'ailleurs, agissaient au vu et au su de la société dont la direction n'ignorait ni l'organisation traditionnelle de ventes de vin ni le fait que de telles manifestations s'accompagnent généralement d'une dégustation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les faits reprochés à M. A, s'ils ne sont pas matériellement inexacts, ne présentent pas, même pris dans leur ensemble, un caractère suffisant de gravité pour justifier la décision ministérielle d'autoriser le licenciement de M. A ; que, dès lors, la SAS ZOLPAN SAVOIE et le ministre chargé du travail ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 7 novembre 2003 en tant qu'elle porte autorisation de licencier M. A ;
Sur les conclusions au titre des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la SAS ZOLPAN SAVOIE quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant, en second lieu, que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 40 % par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Lyon en date du 27 novembre 2008 ; que, d'une part, il n'allègue pas avoir engagé d'autres frais que ceux partiellement pris en charge à ce titre ; que, d'autre part, l'avocat de M. A n'a pas demandé la condamnation de la SAS ZOLPAN SAVOIE à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié de l'aide juridictionnelle ; que, dans ces conditions, il y a lieu de condamner la SAS ZOLPAN SAVOIE à rembourser à M. A la part des frais exposés par lui, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par le bureau d'aide juridictionnelle ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS ZOLPAN SAVOIE et les conclusions du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique sont rejetées.
Article 2 : La SAS ZOLPAN SAVOIE paiera à M. A la part des frais exposés par lui, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par la décision du 27 novembre 2008 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Lyon.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS ZOLPAN SAVOIE, à M. Edouard A et au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2010 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
M. Monnier et M. Pourny, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 25 mai 2010.
''
''
''
''
1
2
N° 08LY01693