Vu la décision n° 305018 - 305968, en date du 7 décembre 2009, enregistrée au greffe de la Cour le 16 décembre 2009, par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi de pourvois en cassation présentés respectivement par le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité et pour la société Berry Wood SA, a annulé l'arrêt n° 03LY02099 du 27 mars 2007 par lequel la Cour administrative d'appel de Lyon, faisant droit à la requête de M. Eddy A, a annulé, d'une part, le jugement du 9 octobre 2003 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand rejetant la demande de celui-ci tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité du 17 avril 2002 confirmant la décision du 26 octobre 2001 de l'inspecteur du travail de Montluçon autorisant la SA Berry Wood à le licencier pour faute, d'autre part, cette décision du 17 avril 2002 ;
Vu la requête, enregistrée par télécopie le 23 décembre 2003 et régularisée le 24 décembre 2003, présentée pour M. Eddy A, domicilié ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 020771 du 9 octobre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 avril 2002 du ministre de l'emploi et de la solidarité confirmant la décision du 26 octobre 2001 par laquelle l'inspecteur du travail de Montluçon a autorisé la société Berry Wood SA à le licencier pour faute ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) de mettre à la charge de la société Berry Wood SA la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a mis à sa charge la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société Berry Wood SA et non compris dans les dépens ;
Il soutient :
- à titre principal, que le licenciement autorisé est en lien direct avec son mandat, dès lors que depuis sa prise de fonction en tant que délégué syndical, il a fait l'objet d'incessantes pressions et que son refus d'une nouvelle affectation n'est pas caractéristique d'une faute suffisante puisque le poste proposé ne correspondait pas à sa qualification ; qu'ainsi, l'autorisation de licenciement était illégale ;
- à titre subsidiaire, que sa condamnation au paiement des frais exposés par la société Berry Wood SA et non compris dans les dépens est inéquitable ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 avril 2004, pour la société Berry Wood SA ; la société Berry Wood SA demande à la Cour de rejeter la requête de M. A et de mettre à la charge de ce dernier la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que la demande présentée par M. A en première instance était irrecevable ;
- que le licenciement est sans lien avec les fonctions représentatives de cet ancien salarié ; qu'il était au contraire justifié par son refus d'une nouvelle affectation, constitutif d'une faute suffisante dès lors qu'il ne s'agissait ni d'une modification de son contrat de travail, ni d'une modification de ses conditions de travail ;
Vu le mémoire, enregistré le 25 mai 2004, présenté par le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que la nouvelle affectation du salarié était justifiée par le comportement de ce dernier et n'était ni déqualifiante ni dévalorisante ; qu'elle ne constituait pas une modification de son contrat de travail ; qu'en la refusant, le salarié a commis une faute suffisante pour justifier la mesure de licenciement qui n'est en aucun cas discriminatoire ;
Vu les mémoires, enregistrés les 25 mai et 23 septembre 2004, présentés pour M. A, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre que la procédure de licenciement était irrégulière dès lors que les délais prévus par les dispositions des articles R. 436-4 et R. 436-8 du code du travail alors en vigueur ont été méconnues ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 novembre 2004, présenté pour la société Berry Wood SA, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 février 2010, présenté par le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Il soutient, en outre, que le nouveau poste était plus qualifié et compatible avec l'exécution des mandats de M. A ;
Vu l'ordonnance en date du 2 mars 2010 fixant la clôture d'instruction au 19 mars 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 mars 2010, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et sollicite, en outre, que la somme mise à la charge de la société Berry Wood SA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit portée à 10 000 euros ;
Il soutient, en outre, que le poste dont il a été évincé impliquait le contrôle de quatre machines et que le changement portait atteinte à l'exercice de ses fonctions représentatives ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 18 mars 2010 et régularisé le 22 mars 2010, présenté par la société Berry Wood SA, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Elle soutient, en outre, que la modification des conditions de travail n'était pas substantielle et que le refus de M. A d'accepter une telle modification constitue une faute d'une gravité suffisante ;
Vu l'ordonnance en date du 25 mars 2010 reportant la clôture de l'instruction au 9 avril 2010 ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 avril 2010, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance en date du 16 avril 2010 reportant la clôture de l'instruction au 7 mai 2010 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 septembre 2010 :
- le rapport de M. Chanel, président ;
- les observations de Me Catherine, substituant Me Duthel, avocat de M. A ;
- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;
La parole ayant à nouveau été donnée aux parties présentes ;
Considérant que, par une décision du 17 avril 2002, le ministre de l'emploi et de la solidarité a confirmé la décision du 26 octobre 2001 par laquelle l'inspecteur du travail de Montluçon a autorisé la société Berry Wood SA à licencier M. A, délégué syndical et membre titulaire de la délégation unique du personnel ; que, par arrêt du 27 mars 2007, la Cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 9 octobre 2003 ainsi que la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 17 avril 2002 ; que, par décision du 7 décembre 2009, le Conseil d'Etat a, sur pourvois du ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité ainsi que de la société Berry Wood SA, annulé ledit arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour ;
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par la société Berry Wood SA :
Considérant que la requête susvisée, qui ne constitue pas la reproduction littérale des écritures de première instance de M. A, contient l'exposé de faits et moyens, ainsi que l'énoncé de conclusions, conformément à l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par la société Berry Wood SA doit être écartée ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Berry Wood SA à la demande de première instance :
Considérant que la demande de M. A comportait l'exposé de faits et moyens, ainsi que l'énoncé de conclusions, et répondait ainsi aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; qu'elle était, par suite, recevable ;
Sur la légalité de la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité du 17 avril 2002 :
Considérant que le refus opposé par un salarié protégé à un changement de ses conditions de travail décidé par son employeur en vertu, soit des obligations souscrites dans le contrat de travail, soit de son pouvoir de direction, constitue, en principe, une faute ; qu'en cas d'un tel refus, l'employeur, s'il ne peut directement imposer au salarié ledit changement, doit, sauf à y renoncer, saisir l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement à raison de la faute qui résulterait de ce refus ; qu'après s'être assuré que la mesure envisagée ne constitue pas une modification du contrat de travail de l'intéressé, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier si le refus du salarié constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation sollicitée, compte tenu de la nature du changement envisagé, de ses modalités de mise en oeuvre et de ses effets, au regard tant de la situation personnelle du salarié, que des conditions d'exercice de son mandat ; qu'en tout état de cause, le changement des conditions de travail ne peut avoir pour objet de porter atteinte à l'exercice de ses fonctions représentatives, le licenciement ne devant pas être en rapport avec lesdites fonctions ou à l'appartenance syndicale ;
Considérant qu'en raison des difficultés rencontrées par M. A qui avaient déjà donné lieu au rejet en 1999 et 2000 par l'inspecteur du travail de deux demandes d'autorisation, des entraves et pressions qu'il avait subies dans ses activités syndicales, des agissements de la direction en ce qui concerne des procès-verbaux de réunion du comité d'entreprise et l'affectation sur un poste à l'écart des autres salariés, voire de l'agression physique dont il a fait l'objet de la part de son supérieur hiérarchique, la décision de le licencier doit être regardée comme n'étant pas dépourvue de tout lien avec les mandats exercés par l'intéressé ; qu'il s'ensuit que l'autorisation de licencier M. A ne pouvait légalement être accordée à la société Berry Wood SA ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité du 17 avril 2002 confirmant l'autorisation de licenciement accordée par l'inspecteur du travail à la société Berry Wood SA ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Berry Wood SA une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés en première instance et en appel par M. A et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A la somme que demande la société Berry Wood SA au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1 : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 9 octobre 2003 et la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité du 17 avril 2002 sont annulés.
Article 2 : La société Berry Wood SA versera à M. A une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la société Berry Wood SA tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Eddy A, à la société Berry Wood SA et au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2010 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
MM. Pourny et Segado, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 21 septembre 2010.
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N° 09LY02874