Vu la requête, enregistrée le 18 mai 2009, présentée pour Mme Nathalie A, domiciliée ... ;
Mme A demande à la Cour :
1°) l'annulation du jugement n° 0600350 du 24 mars 2009 du Tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation l'Etat à réparer son entier préjudice résultant de la sclérose en plaques dont elle est atteinte et qu'elle estime imputable à une vaccination obligatoire contre l'hépatite B ;
2°) de faire droit à sa demande en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 200 000 euros à titre d'indemnité, avec les intérêts légaux à compter de la requête et, subsidiairement, d'ordonner une expertise et de lui allouer une provision de 100 000 euros à valoir sur son préjudice, outre intérêts légaux à compter de la requête ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la crise d'épilepsie, première manifestation clinique visible de la sclérose en plaques, est survenue environ un an après l'injection vaccinale réalisée en 1998 ;
- les premiers signes évocateurs de la sclérose, mis en évidence par une IRM en février 2001, sont apparus bien avant la crise d'épilepsie ;
- l'expert n'a pas vu lui-même les clichés d'IRM et aurait au moins du s'adjoindre un sapiteur spécialiste en neurologie ;
- la condition d'un bref délai entre la vaccination et l'apparition des premiers symptômes n'est pas scientifiquement établie ;
- elle n'avait aucun antécédent ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 8 octobre 2009, le mémoire présenté pour le ministre de la santé et des sports qui conclut au rejet de la requête ;
Il fait valoir que :
- le délai d'un an entre la vaccination et la première manifestation clinique de la crise exclut tout lien de causalité compte tenu de l'état actuel des connaissances médicales ;
- l'étude sur laquelle se fonde Mme A à l'appui de son argumentation n'est pas scientifiquement fiable ;
- une nouvelle expertise est inutile ;
- la requérante ne justifie pas de ses préjudices ;
Vu, enregistré le 12 janvier 2010, le mémoire complémentaire présenté pour Mme A qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions ;
Vu, enregistré le 26 novembre 2010, le mémoire présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est Tour Gallieni II, 36 avenue du Général de Gaulle à Bagnolet, représenté par son directeur, qui conclut au rejet de la requête ;
Il expose que :
- le ministre ayant implicitement rejeté la demande d'indemnisation présentée par l'intéressée le 12 septembre 2005, seul l'Etat peut être mis en cause ;
- la preuve d'un lien de causalité entre la vaccination et la sclérose en plaque dont est affectée la requérante n'est pas rapportée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 2005-1768 du 30 décembre 2005 relatif aux nouvelles missions confiées à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales par la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et modifiant le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2010 :
- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;
- les observations de Me Toubiana, avocat de Mme A ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant que Mme A, née en 1968, qui exerçait la profession d'ambulancier, a été vaccinée à titre obligatoire contre l'hépatite B par trois injections réalisées les 23 juin, 20 juillet et 20 août 1998 ; qu'elle a été victime en septembre 1999 d'une crise d'épilepsie qui s'est avérée symptomatique de la sclérose en plaques dont le diagnostic a été confirmé en 2002 ; qu'imputant cette sclérose aux injections pratiquées en 1998, elle a demandé au Tribunal administratif de Grenoble, sur le fondement de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice en résultant pour elle ; que le Tribunal a ordonné une expertise, dont le rapport a été déposé le 5 août 2006, et, par un jugement du 24 mars 2009, il a rejeté sa demande ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 3111-4 du code de la santé publique : Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe . ; que selon l'article L. 3111-9 du code de la santé publique applicable à la date de la demande de Mme A devant le Tribunal : Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales institué à l'article L. 1142-22, au titre de la solidarité nationale. ; qu'en application de l'article 7 du décret susvisé du 30 décembre 2005 : Les demandes présentées au titre de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique antérieurement à l'entrée en vigueur du présent décret et qui n'ont pas fait l'objet à cette date d'une décision de l'Etat sont instruites par l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, mentionné à l'article L. 1142-22, et examinées par la commission mentionnée à l'article R. 3111-25. ; que l'article 9 du même décret prévoit que ces dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2006 ; qu'il résulte de l'instruction que Mme A a saisi le ministre de la santé, le 12 septembre 2005, d'une pétition de l'association Réseau Vaccination Hépatite B, qui ne s'analyse pas comme une réclamation préalable et ne saurait donc être regardée comme ayant pu provoquer une décision de rejet émanant de l'Etat ; que dès lors, faute de décision de l'Etat au 1er janvier 2006, seul l'ONIAM est susceptible d'assurer la réparation des dommages encourus par Mme A au titre de la solidarité nationale; qu'il doit ainsi être mis en cause, même d'office ;
Considérant que la réparation par l'ONIAM des dommages causés par une vaccination obligatoire est subordonnée à la condition que soit établi un lien de causalité direct entre cette vaccination et le dommage dont la réparation est demandée ; que pour écarter la demande de Mme A le Tribunal, qui a relevé que les premiers symptômes évoquant le diagnostic de sclérose en plaques n'avaient été constatés qu'en septembre 1999, a jugé que le délai supérieur à un an entre les injections subies durant l'été 1998 et son épisode épileptique de septembre 1999 ne permettait pas de regarder le lien de causalité comme établi ;
Considérant en premier lieu que Mme A soutient que l'expertise, qui fait remonter les premières manifestations de la sclérose en plaque à l'épisode épileptique, serait insuffisante ; que contrairement à ce que soutient l'intéressée, il ne résulte pas de l'instruction que l'absence de sapiteur spécialisé en neurologie alors que l'expert est neuropsychiatre aurait empêché ce dernier de s'acquitter de sa mission et affecté significativement le contenu des réponses aux questions qui lui étaient soumises ; que Mme A reproche également à l'expert de s'en être tenu à la survenance d'une crise d'épilepsie pour apprécier l'existence d'un lien éventuel de la sclérose avec la vaccination sans rechercher si, compte tenu des lésions cervicales mises en évidence par l'électro-encéphalogramme réalisé dès après cette crise, le processus de démyélinisation à l'origine de la sclérose pouvait avoir commencé avant l'épisode épileptique et avoir été déclenché par les injections réalisées en 1998 ; qu'il ne résulte cependant pas de l'instruction et n'est pas établi que le début d'un phénomène démyélinisant et l'apparition de lésions cervicales pourraient être précisément datés et que leur existence suffirait à elle-seule à expliquer l'installation d'une sclérose en plaques alors que, dans l'état actuel des connaissances médicales, seule permet de diagnostiquer avec certitude une telle affection l'apparition, en plus d'un phénomène de démyélinisation, de manifestations cliniques médicalement constatées, d'ordre neurologique en particulier ; que si l'expert ne disposait pas de tous les clichés IRM, il était en possession de leurs comptes rendus détaillés et qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction et n'est pas établi que cette circonstance aurait pu modifier le sens de ses conclusions; qu'il s'en suit que, contrairement à ce que demande Mme A, il n'y a pas lieu de recourir à une mesure d'expertise complémentaire ;
Considérant en deuxième lieu que dans l'état actuel des connaissances de la communauté scientifique s'agissant des facteurs de développement de la sclérose en plaques, il ne résulte pas de l'instruction que l'exigence d'un bref délai entre cette maladie et l'inoculation du vaccin contre l'hépatite B pour justifier de l'existence d'un lien direct de cause à effet entre la maladie et le vaccin serait scientifiquement infondée et que notamment les documents produits par Mme A, en particulier une étude Hernan publiée en 2004 et les résultats de recherches conduites par l'INSERM au sujet de l'épilepsie, la remettraient en question ; que si Mme A soutient pour la première fois devant la Cour, qu'antérieurement à l'épisode épileptique, elle aurait ressenti des fourmillements ou des absences, évocateurs d'une sclérose en plaque, elle n'en justifie pas ; que l'absence de tout antécédent médical, personnel ou familial, ne permet pas en soi d'établir l'existence d'un lien de causalité entre l'inoculation du vaccin et le développement d'une sclérose en plaques ; que, dès lors, elle ne démontre pas que sa maladie serait directement en lien avec l'injection du vaccin ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de sa demande devant le tribunal administratif, que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté sa demande ; que les conclusions qu'elle a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent donc qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Nathalie A, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2010 à laquelle siégeaient :
M. Vivens, président de chambre,
Mme Steck-Andrez, président-assesseur,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 décembre 2010.
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N° 09LY01066