Vu la requête, enregistrée à la Cour le 1er juillet 2010, présentée pour M. Mustapha A, domicilié chez Association Renaître, 3, rue Jean de la Fontaine à Saint-Etienne (42000) ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0907289-0907993, en date du 2 mars 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du préfet du Rhône du 25 juin 2009 portant refus d'admission provisoire au séjour et, d'autre part, à l'annulation des décisions du préfet de la Loire, du 13 août 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour mention vie privée et familiale ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer,dans l'attente, un récépissé de demande de carte, et ce, dans le délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Il soutient que le jugement rendu par le Tribunal administratif de Lyon est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet du Rhône dans l'application des dispositions de l'article L. 741 -4 qui a considéré à tort qu'il effectuait un recours abusif aux procédures d'asile ; qu'en lui refusant la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, le préfet du Rhône a entaché sa décision d'une erreur de droit au regard des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par ailleurs, en édictant les trois décisions à son encontre, le préfet de la Loire a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à sa situation familiale ; qu'également, le préfet de la Loire a fait une inexacte appréciation des conséquences des décisions contestées sur sa situation personnelle ; que l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination qui méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard aux risques qu'il encourt dans son pays d'origine, sont illégales en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour sur lesquelles elles se fondent ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 18 janvier 2011, le mémoire présenté par le préfet de la Loire qui s'en remet à ses écritures de première instance ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 2011 :
- le rapport de M. Le Gars, président,
- les observations de Me Cuche, avocat de M. A,
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée à nouveau à Me Cuche ;
Sur la régularité du jugement contesté :
Considérant qu'il ressort des mentions du jugement attaqué que, contrairement aux allégations du requérant, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par le demandeur à l'appui du moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet du Rhône au regard des dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se sont effectivement prononcés sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de l'autorisation provisoire de séjour en considérant que le préfet du Rhône a pu sans commettre d'erreur de droit, refuser sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, eu égard à la circonstance que ses demandes d'asile ont déjà fait l'objet de cinq examens, tous rejetés par les instances compétentes alors même que l'intéressé n'apportait pas d'éléments nouveaux à l'appui de sa nouvelle demande ;
Sur la légalité de la décision de refus de délivrance d'autorisation provisoire de séjour :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : / (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. (...) ;
Considérant que M. Mustapha A fait valoir que le préfet du Rhône a considéré à tort que sa demande de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile formulée le 22 juillet 2009, constituait une procédure abusive ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A, ressortissant du Kosovo, est entré irrégulièrement en France, selon ses dires, en mars 2006, à l'âge de 15 ans, accompagné de sa belle-soeur, qu'il a été rejoint par sa mère, sa soeur et ses trois frères, entrés sur le territoire national en octobre 2006 ; que sa mère, Mme Mirem Bislimi et ses trois frères, Kenan, Metem et Roki, ont alors sollicité le bénéfice de l'asile ; que leurs demandes ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, en date des 16 novembre 2006 et 26 janvier 2007, confirmées par la Commission de recours des réfugiés, le 21 juin 2007 ; que, malgré les refus de titre de séjour assortis d'obligation de quitter le territoire français pris à leur encontre par le préfet de la Loire, le 18 juillet 2007, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 octobre 2007, la mère et les frères de M. A ont sollicité le réexamen de leurs demandes d'asile par de nouvelles demandes qui ont été rejetées, suivant la procédure prioritaire, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 31 août 2007, et par la Commission de recours des réfugiés, le 16 octobre 2007 ; que les intéressés ont fait l'objet de nouvelles mesures d'éloignement, le 5 octobre 2007, validées par la Cour de céans, le 4 décembre 2008 ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, saisi de nouvelles demandes de réexamen par Mme Bislimi et ses fils, les a rejetées par des décisions du 16 février 2009, non contestées devant la Cour nationale du droit d'asile ; que M. Mustapha A, devenu majeur, a, lui aussi, sollicité le bénéfice de l'asile, le 11 juin 2009 ; que si ladite demande était la première formulée par M. Mustapha A, il résulte de ce qui précède que sa situation, identique à celle de sa mère et de ses frères, avait déjà été examinée par les instances compétentes à cinq reprises puisque les arguments avancés, tenant aux risques encourus dans son pays, étaient les mêmes que ceux de sa mère et de ses frères ; que, par suite, le préfet du Rhône a pu sans commettre d'erreur de droit, considérer que la demande de M. A entrait dans le champ des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;
Considérant que M. A fait valoir qu'il réside en France depuis 2006, date à laquelle il est entré en France, alors âgé de quinze ans, où il s'est bien intégré depuis trois ans, et qu'il ne peut pas retourner au Kosovo eu égard aux persécutions qu'il y a subies ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A qui, selon ses propres écritures, est sans ressource et sans domicile, ne produit aucun commencement de preuve de son intégration en France où sa famille se maintient en situation irrégulière et qu'il n'établit pas l'impossibilité pour la cellule familiale de se reconstituer au Kosovo ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour du requérant en France, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;
Considérant, d'autre part, que, pour les motifs énoncés ci-dessus, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
Considérant que si M. A soutient que du fait de son appartenance à la communauté rom, lui-même et sa famille ont été persécutés, chassés du domicile familial et ont dû quitter leur pays d'origine, il n'apporte, à l'appui de ses allégations, aucun justificatif suffisamment probant, de nature à établir la réalité des faits allégués et des risques qu'il encourt personnellement en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en deuxième lieu, que compte tenu de ce qui a été dit dans le cadre de l'examen de la légalité des décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour, le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;
Considérant, en troisième et dernier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux indiqués dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de titre de séjour, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'en désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite, le préfet de la Loire a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle et familiale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mustapha A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2011 à laquelle siégeaient :
M. Le Gars, président de la Cour,
Mme Verley-Cheynel, président assesseur,
Mme Vinet, conseiller.
Lu en audience publique, le 10 février 2011.
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N° 10L01517.DOC