Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 juillet 2009, présentée pour Me PETAVY mandataire liquidateur de la S.A.R.L ELECTRIC INDUSTRIE dont le siège social est Les Barbières boite postale 26 à Montfaucon-en-Velay (43290) ;
Me PETAVY demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0800579 du 5 juin 2009, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que la société anonyme Electricité de France (EDF) soit condamnée à lui verser la somme de 4 070 836 euros en réparation des conséquences dommageables de la méconnaissance par ladite société de l'obligation d'achat d'énergie électrique mise à sa charge ;
2°) de condamner la SA EDF à lui verser la somme de 4 070 836 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2007 ;
3°) de mettre à la charge de la SA EDF une somme de 7 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le Tribunal administratif a commis une erreur de droit en se fondant sur une réglementation inapplicable en 1994 ; que même au regard de la réglementation issue de l'arrêté du 23 janvier 1995, la société disposait de toutes les autorisations nécessaires au projet, détenant une autorisation d'utilisation du combustible pétrolier depuis le 2 mai 1994 et alors que n'étaient requis ni un permis de construire ni une autorisation au titre des installations classées ; que le Tribunal administratif a dénaturé les faits en jugeant qu'elle n'était pas propriétaire des matériels nécessaires à son projet en raison de problèmes de financement alors que le matériel a été définitivement réglé le 5 janvier 1995 ; que les juges de première instance ne pouvaient se fonder sur la propriété des matériels alors que dès le 4 février 1994 le ministre a indiqué qu'il n'y a aucun fondement à ce qu'EDF réclame la justification d'une commande ferme de matériel par le producteur ; qu'EDF a commis une faute en se soustrayant à l'obligation d'achat prévue par le décret n° 55-662 du 25 mai 1955, en refusant d'instruire en temps utile la demande de contrat et de raccordement de la SARL ELECTRIC INDUSTRIE, en exigeant de nouvelles techniques injustifiées et coûteuses puis en exigeant tardivement de nouvelles pièces que la réglementation alors en vigueur n'imposait pas ; qu'elle a subi un manque à gagner calculé sur une quinzaine d'années, durée d'amortissement industriel normal des installations de production et durée habituelle des contrats d'achats conclus avec EDF ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 27 novembre 2009, le mémoire présenté pour Electricité de France qui conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation de la SARL ELECTRIC INDUSTRIE au paiement d'une somme de 7 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par les moyens que la société ELECTRIC INDUSTRIE ne démontre pas avoir jamais été à même de produire de l'énergie électrique ; que le Tribunal n'a pas appliqué prématurément l'arrêté de 1995 mais a constaté que dès avant la publication de l'arrêté, la requérante n'était pas en mesure de produire l'énergie électrique ; que la société n'était pas titulaire au 27 janvier 1995 de toutes les autorisations, le permis de construire étant du 22 avril 1995 et la déclaration installation classée n'ayant pas été faite avant cette date ; qu'il n'y a pas eu d'erreur de fait à constater qu'elle n'était pas propriétaire des matériels ; que l'absence de signature du contrat n'est pas due à une faute d'EDF et que la Cour n'est pas liée par les décisions du conseil de la concurrence et de la Cour d'appel de Paris qui ne concernent que le comportement global d'EDF ; qu'EDF n'a commis aucune faute lors de l'instruction de la demande, n'étant pas tenue de contracter avec l'ensemble des producteurs formulant une demande mais seulement sous réserve d'aménagements visant à éviter l'entrave au bon fonctionnement du réseau ; qu'elle n'était pas tenue de donner une suite immédiatement favorable à toute demande de signature d'un contrat d'achat ; que le décret du 20 mai 1955 ne fixait aucun délai à EDF pour donner suite à une demande de contrat d'achat, le délai d'instruction de 18 mois maximum n'étant prévu que pour les puissances inférieures à 3 000 kW ; que rien ne lui imposait de conclure un contrat avant la publication de l'arrêté du 23 janvier 1995 ; que la société n'avait pas fait les démarches nécessaires à l'obtention des autorisations ; que la société n'a fait parvenir que le 1er décembre 1994 un dossier devant permettre à EDF d'établir une première approche objective de la centrale dans son environnement ; que la société n'a déposé sa demande de permis de construire que le 7 février 1995 ; qu'en l'absence d'obligation de contracter, la requérante n'a subi aucun préjudice ; que son évaluation du préjudice est fondée sur des données purement théoriques ;
Vu le mémoire enregistré le 25 mars 2010 pour Me PETAVY qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et par les motifs, en outre, qu'un protocole d'accord a été conclu entre EDF, le syndicat national des producteurs indépendants d'électricité thermique (SNPIET) et d'autres producteurs pour un montant de 70M d'euros ; que la SARL a déposé une demande de permis de construire dès le 17 févier 1994 ; qu'elle a fait une déclaration installation classée et avait une autorisation du propriétaire du terrain d'assiette ; qu'elle ne pouvait se lancer dans des investissements immobiliers en l'absence de toute volonté d'instruire de bonne foi de la part d'EDF ; qu'EDF ne justifie pas que sa solution technique n'était pas valable ;
Vu le mémoire enregistré le 21 juin 2010 pour EDF qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les motifs, en outre, qu'elle n'a pas entendu transiger avec la société requérante puisqu'elle n'a commis aucune faute à son égard et n'a donc aucune raison de l'indemniser ; que la lettre produite par la requérante destinée à prouver le dépôt d'une demande de permis de construire à la date du 17 février 1994 ne porte pas sur le bâtiment nécessaire à la centrale faisant l'objet du permis délivré le 22 avril 1995 puisque ce dernier a été demandé le 7 février 1995 ; que la déclaration au titre des installations classées n'a été faite que le 16 février 1995, qu'en conséquence la requérante n'était pas avant le 27 janvier 1995 en mesure de produire de l'électricité ; qu'EDF ne s'est pas abstenue d'instruire son dossier puisque elle a poursuivi l'instruction en informant la requérante des pièces manquantes comme en atteste un courrier du 14 novembre 1994 ; que la demande d'EDF de recourir à la technique du jeu de barres était justifiée et conforme aux normes alors applicables ; que l'absence de conclusion du contrat résulte des négligences de la société requérante puisque l'achat de la parcelle destinée à accueillir l'installation par la société requérante aurait pu se faire en le subordonnant à une condition suspensive d'obtention du permis de construire et de signature du contrat avec EDF ;
Vu le mémoire enregistré le 23 décembre 2010 présenté pour Me PETAVY qui soutient qu'EDF ne démontre pas en quoi le cas de la SARL ELECTRIC INDUSTRIE diffère de ceux ayant fait l'objet de la transaction intervenue avec le syndicat national des producteurs indépendants ; qu'EDF a paralysé le dépôt de la demande permis de construire en restant dans l'expectative quant au lieu d'implantation de la centrale souhaité par EDF ;
Vu enregistré le 7 février 2011 le mémoire par lequel EDF conclut aux mêmes fins que précédemment par le moyen, en outre, qu'à l'époque la technique du circuit bouchon passif que la société entendait utiliser demeurait expérimentale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 modifiée ;
Vu le décret n° 55-662 du 20 mai 1955 ;
Vu le décret n° 94-1110 du 20 décembre 1994 ;
Vu l'arrêté 23 janvier 1995 relatif à la suspension de l'obligation de passer des contrats d'achat de production autonome ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mars 2011 :
- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président-assesseur ;
- les observations de Me Mallon, représentant Me PETAVY et Me Coudray, représentant EDF ;
- et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée à nouveau à Me Mallon et à Me Coudray ;
Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 8 de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz : Sont exclus de la nationalisation (...) 5° Les aménagements de production d'énergie de tout établissement, entreprise ou de tout particulier, lorsque la puissance installée des appareils de production n'excède pas 8 000 kVA (...) ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1er du décret du 20 mai 1955 : Electricité de France sera tenue de recevoir sur les réseaux qu'elle exploite, sous réserve qu'il n'en résulte aucune entrave au bon fonctionnement de la distribution, et ce dans les conditions fixées ci-après, l'énergie produite dans les installations visées au 3° alinéa (§ 3 à 6), et 4° alinéa de l'article 8 de la loi du 8 avril modifiée (...). Elle sera tenue également de passer un contrat pour l'achat de l'énergie produite dans ces installations (...) ; que les dispositions des troisième et quatrième alinéas de cet article ont été modifiées par le décret du 20 décembre 1994, lequel a prévu que l'obligation de passer un contrat d'achat d'électricité avec les producteurs indépendants pourrait être suspendue par arrêté du ministre chargé de l'industrie ; que, par arrêté du 23 janvier 1995, le ministre de l'industrie a suspendu l'obligation pour EDF de passer des contrats d'achat d'électricité pour la production autonome ;
Considérant que la SOCIETE ELECTRIC INDUSTRIE a présenté le 19 janvier 1994 à Electricité de France Grand Velay un projet de création d'une centrale de production autonome d'électricité thermique à Sainte-Sigolène (Haute-Loire) et sollicité un contrat d'achat de l'électricité à produire ; que l'instruction de sa demande n'a pas abouti avant la parution de l'arrêté du 23 janvier 1995 suspendant l'obligation pour EDF de passer des contrats d'achat avec les producteurs autonomes d'électricité ; que la requérante, qui reproche à EDF son attitude dilatoire qui l'aurait, selon elle, privée du bénéfice d'un contrat d'achat, fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les conclusions qu'elle avait formulées en vue d'obtenir l'indemnisation du manque à gagner que l'abandon de ce projet lui a occasionné ;
Considérant que si, en application de l'article 27 du cahier des charges type de la concession EDF en vigueur jusqu'au 27 décembre 1994, EDF était, pour les puissances inférieures à 3 000 kilowatts, tenue de recevoir sur son réseau l'énergie électrique dans un délai maximum de dix-huit mois à partir de la demande, aucun délai n'était imparti au concessionnaire public s'agissant des puissances supérieures ; que dans ces conditions, la SOCIETE ELECTRIC INDUSTRIE, dont le projet concernait une puissance de 6 620 kilowatts, ne peut soutenir qu'EDF aurait commis une faute à son égard dans l'instruction de son dossier en ne faisant pas droit à sa demande avant la suspension de l'obligation d'achat à compter du 27 janvier 1995 ; qu'au demeurant, la requérante ne saurait imputer au seul comportement d'EDF l'abandon de son projet dès lors que, de son côté, elle ne s'était pas préoccupée d'obtenir l'ensemble des autorisations administratives indispensables à l'installation de sa centrale, notamment un permis de construire, et n'a pu de ce fait bénéficier du maintien de l'obligation d'achat, auquel elle aurait été susceptible de prétendre, prévu par le décret du 20 décembre 1994 pour les projets dont la demande a été présentée antérieurement à la publication de l'arrêté du 23 janvier 1995, sous la réserve d'avoir obtenu à cette date les autorisations administratives correspondantes ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Me PETAVY n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande présentée pour la SOCIETE ELECTRIC INDUSTRIE ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge d'EDF qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le requérant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions d'EDF tendant au paiement d'une somme au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 09LY01892 de Me PETAVY, mandataire liquidateur de la S.A.R.L ELECTRIC INDUSTRIE est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par EDF en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative des parties sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me PETAVY, mandataire liquidateur de la S.A.R.L ELECTRIC INDUSTRIE, à la société anonyme Electricité de France et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Délibéré après l'audience du 17 mars 2011, où siégeaient :
- M. du Besset, président de chambre,
- Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
- M. Arbarétaz, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 7 avril 2011.
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N° 09LY01892