Vu la requête, enregistrée le 24 juin 2009 au greffe de la Cour, présentée pour la SOCIETE PATRICK GAILLARD ET ASSOCIES, dont le siège est 7 rue Lesdiguières à Grenoble (38000) ;
La SOCIETE PATRICK GAILLARD ET ASSOCIES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0405841 du 23 avril 2009 en tant que le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée dont elle a été déclarée redevable au titre de la période du 1er avril 1997 au 31 mai 2000 ;
2°) de saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle en vue de dire et juger si l'interprétation de l'article 268 du code général des impôts refusant l'imputation d'une perte brute sur les autres profits bruts servant de détermination à la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée d'un marchand de biens est, ou non, compatible avec les articles 28-3 f et 26 bis-9 de la 6ème directive TVA et 318 de la directive 2006/112 CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
3°) à défaut, de prononcer la décharge des impositions restant en litige à hauteur de 2 949,96 euros en droits, outre intérêts, frais, pénalités et accessoires ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La SOCIETE PATRICK GAILLARD ET ASSOCIES soutient que :
- elle a droit, par voie de la compensation prévue par les articles L. 80, L. 203 à L. 205 du livre des procédures fiscales, à ce que la perte constatée sur la vente faite le 1er février 1999 à la SCI Thouvard soit imputée sur le profit brut cumulé réalisé sur les cessions des autres lots afin de déterminer la marge brute globale dégagée au titre du mois de la période d'imposition conformément aux dispositions de l'article 268 du code général des impôts telles qu'elles doivent être interprétées au regard des articles 28-3 f et 26 bis-9 de la 6ème directive, du principe de neutralité fiscale et par analogie au régime particulier des assujettis revendeurs résultant de la directive 2006/112 CE du Conseil du 28 novembre 2006 et des articles 297 D et suivants du code général des impôts ;
- l'économie même du mécanisme de la taxe sur la valeur ajoutée et le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée imposent que la perte brute constatée lors de la revente d'un lot doit donner lieu à imputation sur l'ensemble des autres profits bruts ;
- la somme de 2 949,96 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée afférente à cette moins-value doit être ainsi déduite des droits de taxe sur la valeur ajoutée dus au titre de la période en litige ;
- une question préjudicielle doit être posée à la Cour de Justice de l'Union Européenne concernant l'interprétation à donner de l'article 268 du code général des impôts au regard de ces dispositions communautaires ;
- elle doit être déchargée, par voie de conséquence de la compensation, des pénalités de 40 % mises à sa charge sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 février 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- concernant la demande de saisine de la Cour de Justice de l'Union Européenne, le Conseil d'Etat a déjà jugé que le régime de taxation sur la marge des marchands de biens constitue un régime dérogatoire conforme à l'exception au droit commun prévue par l'article 28-3 f de la 6ème directive ;
- la demande de compensation ne peut être accueillie dès lors qu'aucune disposition ne permet à un marchand de biens, qui revend par appartement un immeuble acheté à un prix global, de déduire la moins-value résultant de la vente d'un lot à un prix inférieur à son prix d'acquisition, de la base d'imposition dégagée par d'autres ventes ;
- l'administration établit le bien-fondé de la majoration de 40 % appliquée aux seuls rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux ventes non déclarées réalisées au titre de l'opération Le Jardinet et au profit réalisé sur l'opération dite Lesdiguières ;
Vu l'ordonnance en date du 16 juillet 2010 fixant la clôture de l'instruction au 20 août 2010 à 16 heures 30, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
Vu la directive CE n° 2006/112 du Conseil du 28 novembre 2006 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mars 2011:
- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;
Considérant que la SOCIETE PATRICK GAILLARD ET ASSOCIES, antérieurement dénommée APRIM, relève appel du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 23 avril 2009 en ce que, après l'avoir déchargée des droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 mai 2000 à concurrence de 156 806 francs ainsi que des pénalités y afférentes, il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, desdites impositions ;
Considérant que la SOCIETE PATRICK GAILLARD ET ASSOCIES demande, au titre de la compensation prévue par les articles L. 203 et L. 205 du livre des procédures fiscales, à ce que la moins-value, d'un montant de 98 727 francs (15 050,83 euros), qu'elle aurait réalisée lors de la vente consentie le 1er février 1999 à la société civile immobilière (SCI) Thouvard, soit imputée sur le profit brut cumulé réalisé sur les cessions des autres lots et à ce que la somme de 2 949,96 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée afférente à cette perte soit déduite des droits de taxe sur la valeur ajoutée dus au titre de la période en litige ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts alors applicable : Sont également soumises à la TVA : (...) 6° les opérations qui portent sur des immeubles (...) et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels ou commerciaux (...) ; qu'aux termes de l'article 268 dudit code : En ce qui concerne les opérations visées au 6° de l'article 257, la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par la différence entre :a. D'une part, le prix exprimé et les charges qui viennent s'y ajouter, ou la valeur vénale du bien si elle est supérieure au prix majoré des charges ; b. D'autre part, selon le cas : - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du bien... ; qu'il résulte de ces dispositions que, dans le cas de revente par lots d'un immeuble acheté en une seule fois pour un prix global, chaque vente de lots constitue une opération distincte, en raison de laquelle le vendeur doit acquitter une taxe calculée définitivement sur la base de la différence entre, d'une part, le prix de vente de ce lot et, d'autre part, son prix de revient estimé en imputant à ce lot une fraction du prix d'achat global de l'immeuble ; qu'il appartient au contribuable de procéder à cette imputation par la méthode de son choix, sous réserve du droit de vérification de l'administration et sous le contrôle du juge de l'impôt ; qu'aucune disposition ne permet au contribuable, dans le cas où la vente d'un lot s'effectue à un prix inférieur au prix de revient calculé comme il vient d'être dit, de déduire la moins-value résultant de cette vente de la base d'imposition dégagée par d'autres ventes ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 3. de l'article 28 de la sixième directive du conseil des communautés européennes en date du 17 mai 1977 alors applicable, les Etats membres peuvent à titre de dispositions transitoires : ... f) prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ; qu'il résulte clairement de ces dispositions que les opérations de la nature de celles auxquelles se livre la requérante peuvent être soumises à un régime de taxation de la marge dérogatoire au régime de droit commun prévu par l'article 11 de la même directive ; que le régime de taxation des marchands de biens ainsi défini par l'article 268 du code général des impôts constitue un régime dérogatoire de taxation conforme à l'exception au droit commun prévue par le f. du 3. de l'article 28 de ladite directive, dont l'application ne porte pas atteinte au principe de la neutralité du système commun de taxe sur la valeur ajouté et ne fausse pas la concurrence ; que, pour contester cette modalité particulière d'imposition applicable à la requérante, cette dernière ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 26 bis de la sixième directive qui sont relatives au régime particulier de taxation sur la marge applicable aux assujettis-revendeurs de biens d'occasion, des objets d'art, de collection ou d'antiquité ;
Considérant, en troisième lieu, que la SOCIETE PATRICK GAILLARD ET ASSOCIES ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de la directive CE n° 2006/112 du Conseil du 28 novembre 2006, notamment ses articles 51 et 318 dès lors qu'elles sont postérieures à la période d'imposition en litige ;
Considérant, en dernier lieu, que si la SOCIETE PATRICK GAILLARD ET ASSOCIES se prévaut, en tant que de besoin , des dispositions des alinéas 3 à 5 de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, ce moyen, qui n'est assorti d'aucune précision suffisante permettant d'en apprécier la portée, doit être écarté ;
Considérant qu'il s'ensuit que, compte tenu de cette modalité particulière de détermination de la base d'imposition définie par l'article 268 du code général des impôts, la société requérante ne saurait demander, en se prévalant du droit de compensation, l'imputation de la moins-value subie lors de la vente à la SCI Thouvard sur les profits bruts réalisés, et à ce qu'une somme de 2 949,96 euros, correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée afférente à cette perte, soit déduite des droits de taxe sur la valeur ajoutée dus par elle au titre de la période en litige ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l'Union Européenne, que la SOCIETE PATRICK GAILLARD ET ASSOCIES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE PATRICK GAILLARD ET ASSOCIES est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE PATRICK GAILLARD ET ASSOCIES et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2011 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
MM. Pourny et Segado, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 12 avril 2011.
''
''
''
''
2
N° 09LY01423