Vu la requête, enregistrée le 9 octobre 2009, présentée pour Mme Muriel A, domiciliée ...
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0702442 du 28 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que le Tribunal constate que son contrat initial du 12 avril 2005, à défaut de décision régulière de retrait, est applicable entre les parties, reconstitue ses droits au regard de la rémunération convenue et lui verse les sommes indûment retenues par l'administration, enjoigne à la commune, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, de lui délivrer ses bulletins de salaire rectifiés pour la période du 1er août 2005 au 14 avril 2006, une attestation ASSEDIC rectifiée, une attestation de versement de salaire rectifiée pour la caisse primaire d'assurance-maladie, condamne la commune de Chaley à lui verser l'indemnité de congés payés correspondant à l'intégralité de ses droits, l'indemnité d'administration et de technicité pour l'année 2005, une somme de 50 000 euros en réparation des préjudices résultant des fautes commises par la commune ;
2°) de condamner la commune de Chaley à lui verser les sommes susmentionnées ;
3°) d'enjoindre à la commune de Chaley, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, de délivrer les documents susmentionnés ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Chaley une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le maire ne pouvait légalement, plus de quatre mois après sa signature, retirer le contrat conclu le 12 avril 2005 ; que ce contrat n'a pas été conclu par fraude ; qu'elle a droit à la rémunération, aux indemnités et à la délivrance des bulletins de paie et attestations correspondant à ce contrat ; que la commune doit être condamnée à lui verser une indemnité pour les congés payés non pris au titre de l'année 2005, dès lors que le maire de la commune avait expressément autorisé le report de ces congés sur l'année 2006, l'indemnité d'administration et de technicité pour l'année 2005 dès lors que le maire n'avait pas pris d'arrêté lui refusant le versement de celle-ci ; que les fautes commises par la commune en refusant de faire application des stipulations du contrat du 12 avril 2005 et en lui délivrant des bulletins de salaire et attestations non conformes à celles-ci lui ont causé un préjudice pécuniaire et un préjudice moral qui devra être fixé à 50 000 euros ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu l'ordonnance en date du 3 juin 2010 fixant la clôture d'instruction au 19 juillet 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 mars 2011, présenté pour la commune de Chaley ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 mars 2011, présentée pour la commune de Chaley ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées les 14 et 15 avril 2011, présentées pour Mme A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 87-1107 du 30 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 87-1109 du 30 décembre 1987 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2011 :
- le rapport de M. Givord, président-assesseur ;
- les observations de Me Gras, représentant la commune de Chaley ;
- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
La parole ayant été, de nouveau, donnée à la partie présente ;
Considérant que par un contrat conclu le 13 avril 2004 pour une durée d'une année, Mme A a été recrutée par la commune de Chaley, sur un emploi d'adjoint administratif, en qualité de secrétaire de mairie ; que lors du renouvellement de ce contrat, le 12 avril 2005, la rémunération de Mme A a été portée de l'indice majoré 278 à l'indice majoré 367 (indice brut 410) ; que par une décision du 10 novembre 2005, le maire a annulé et remplacé le contrat du 12 avril 2005 et fixé, à nouveau, la rémunération de l'intéressée à l'indice majoré 278 ; que par la présente requête, Mme A demande à la Cour d'annuler le jugement du 28 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté l'ensemble de ses conclusions susvisées et de constater que son contrat initial du 12 avril 2005, à défaut de décision régulière de retrait, est applicable entre les parties, de reconstituer ses droits au regard de la rémunération convenue et de lui verser les sommes indûment retenues par l'administration, d'enjoindre à la commune, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, de lui délivrer ses bulletins de salaire rectifiés pour la période du 1er août 2005 au 14 avril 2006, une attestation ASSEDIC rectifiée, une attestation de versement de salaires rectifiée pour la caisse primaire d'assurance-maladie, de condamner la commune de Chaley à lui verser l'indemnité de congés payés correspondant à l'intégralité de ses droits, l'indemnité d'administration et de technicité pour l'année 2005 et une somme de 50 000 euros en réparation des préjudices résultant des fautes commises par la commune ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 10 novembre 2005 par laquelle le maire a annulé et remplacé le contrat du 12 avril 2005 :
Considérant que compte-tenu des termes de la requête, les conclusions tendant à la constatation de ce que le contrat conclu le 12 avril 2005 devait recevoir application en l'absence d'une décision régulière de retrait doivent être comprises comme tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire a annulé et remplacé le contrat du 12 avril 2005 ;
Considérant que, contrairement à ce qu'a soutenu la commune devant le Tribunal, le contrat signé le 12 avril 2005 par le maire et transmis au sous-préfet de Belley constituait un engagement juridique de la commune alors même qu'il n'aurait pas été signé par Mme A ;
Considérant que, sauf s'il présente un caractère fictif ou frauduleux, le contrat de recrutement d'un agent contractuel de droit public crée des droits au profit de celui-ci ; que, lorsque le contrat est entaché d'une irrégularité, notamment parce qu'il méconnaît une disposition législative ou réglementaire applicable à la catégorie d'agents dont relève l'agent contractuel en cause, l'administration est tenue de proposer à celui-ci une régularisation de son contrat afin que son exécution puisse se poursuivre régulièrement ;
Considérant que les circonstances que le projet de renouvellement du contrat aurait été préparé par Mme A et que le maire avait récemment pris ses fonctions en raison du décès de son prédécesseur ne sont pas de nature à établir que le contrat du 12 avril 2005 n'aurait été conclu qu'à la suite d'une fraude de la requérante alors notamment que l'indice de rémunération de l'agent est porté en caractères gras dans le contrat et que le maire, saisi le 12 mai 2005 d'un recours gracieux du sous-préfet tendant à l'annulation des stipulations contractuelles relatives à la rémunération de Mme A, n'a donné suite à cette demande que le 10 novembre 2005 ;
Considérant qu'il appartient au maire de nommer aux emplois créés par le conseil municipal et, notamment, de fixer, dans les limites prévues par le conseil, la rémunération d'un agent contractuel compte-tenu des fonctions confiées à celui-ci et de ses titres et expériences professionnelles ; qu'il est constant que le conseil municipal de Chaley a créé par une délibération du 17 avril 2003 un emploi d'adjoint administratif à temps partiel dont la vacance a été déclarée au centre de gestion ; que Mme A a été nommée sur cet emploi sur le fondement des dispositions de l'article 3 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 1er du décret n° 87-1109 du 30 décembre 1987 alors applicable, les adjoints administratifs relèvent des échelles 4 et 5 de rémunération ; qu'il résulte des dispositions de l'article 2 du décret n° 87-1107 du même jour que les indices bruts minimum et maximum de l'échelle 5 sont 290 et 446 ; que dès lors, le maire de Chaley a pu, sans erreur de droit, fixer la rémunération de Mme A à l'indice brut 410 ; qu'il n'est pas établi par les pièces du dossier que l'attribution à la requérante de cet indice serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que dès lors, en l'absence d'illégalité des stipulations du contrat du 12 avril 2005, le maire de Chaley ne pouvait légalement annuler et remplacer ce contrat par sa décision du 10 novembre 2005 ; que par suite Mme A est fondée à demander l'annulation de cette décision ;
Sur les conclusions tendant au versement des sommes dues en exécution du contrat du 12 avril 2005 :
Considérant que compte-tenu de ce qui vient d'être dit, Mme A est fondée à demander l'application des stipulations du contrat du 12 avril 2005 ; que dès lors, il y a lieu de condamner la commune à lui verser sa rémunération et l'indemnité compensatrice de congés payés qu'elle a perçue pour l'année 2006 sur le fondement de l'indice majoré 367 et de renvoyer l'agent devant l'administration pour la liquidation des sommes dues ;
Sur les conclusions tendant au versement d'une indemnité compensatrice de congés payés pour l'année 2005 :
Considérant qu'aux termes des stipulations de l'alinéa deux de l'article 5 du contrat du 12 avril 2005 : Au terme prévu du contrat, ou en cas de rupture de contrat intervenue pour une autre raison que le motif disciplinaire, si l'intéressé, du fait de la collectivité n'a pu bénéficier de tout ou partie des congés annuels qu'il a acquis, il percevra une indemnité compensatrice égale à 10 % de la rémunération globale brute perçue, et proportionnelle au nombre de jours de congés acquis et non pris. ; que Mme A ne justifie ni avoir été expressément autorisée à reporter des congés acquis en 2005 sur l'année 2006 ni avoir été empêchée par le maire de solder ses congés pour l'année 2005 avant son départ en congé pour maternité ; qu'ainsi il ne résulte pas de l'instruction qu'elle n'a pas pu bénéficier de ses congés pour l'année 2005 du fait de la commune ; que dès lors, elle n'est pas fondée à demander le versement d'une indemnité compensatrice de dix jours de congés acquis au titre de l'année 2005 et non pris ;
Sur les conclusions tendant au versement de l'indemnité d'administration et de technicité pour l'année 2005 :
Considérant que par une délibération du 24 avril 2003, le conseil municipal de Chaley a prévu le versement aux agents de la commune de l'indemnité d'administration et de technicité dans les conditions fixées par le décret susvisé du 14 janvier 2002 ; que ni le décret ni la délibération ne prévoit le versement d'un montant minimal de cette prime aux agents concernés ; qu'ainsi, en l'absence d'arrêté du maire lui attribuant cette prime, Mme A n'est pas fondée à demander à la Cour la condamnation de la commune à la lui verser au seul motif qu'elle l'avait perçue au titre de l'année 2004 ;
Sur la demande d'injonction :
Considérant que la présente décision implique que le maire de Chaley établisse des bulletins de paie et des attestations pour les organismes sociaux sur le fondement des stipulations du contrat du 12 avril 2005 et compte-tenu de ce qui vient d'être jugé par la Cour ; que dès lors, il y a lieu d'enjoindre à la commune de Chaley de délivrer lesdits bulletins et attestations à la requérante et aux organismes sociaux dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation de la commune à verser des dommages et intérêts :
Considérant, en premier lieu, que l'illégalité de la décision du 10 novembre 2005 par laquelle le maire a modifié l'indice de rémunération, fixé par le contrat du 12 avril 2005, de Mme A constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;
Considérant, en second lieu, que le maire a adressé à la caisse primaire d'assurance-maladie des bulletins de paie annulant et modifiant les bulletins antérieurement produits au motif que ceux-ci avaient été établis frauduleusement par la requérante ; qu'il ressort de l'instruction que ces bulletins étaient conformes aux stipulations du contrat du 12 avril 2005 ; que dès lors, tant la modification des bulletins de paie que la dénonciation sans fondement d'une fraude de l'intéressée constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de la commune ;
Considérant que le préjudice résultant de la perte de salaires de Mme A est entièrement réparé par la condamnation de la commune à lui verser ses traitements et indemnité de congés conformément aux stipulations du contrat du 12 avril 2005 ; que les préjudices résultant de la minoration des indemnités journalières dues en cas de congé maladie et de congé maternité et des allocations chômage ne présentent pas un caractère certain dès lors qu'il est fait obligation à la commune de transmettre à la caisse primaire d'assurance-maladie et aux ASSEDIC des attestations modifiées afin que la requérante bénéficie de l'ensemble de ses droits ; que dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence de l'intéressée et de son préjudice moral en lui allouant la somme de 3 000 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à demander l'annulation du jugement dans les limites sus-indiquées et la condamnation de la commune à lui verser les salaires et indemnités dues en exécution du contrat conclu le 12 avril 2005 pour les montants déterminés par le présent arrêt et au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des fautes commises par la commune ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Chaley demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Chaley une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La décision du 10 novembre 2005 par laquelle le maire de Chaley a annulé le contrat de Mme A du 12 avril 2005 est annulée.
Article 2 : La commune de Chaley est condamnée à verser à Mme A ses traitements et l'indemnité compensatrice de congés payés due pour l'année 2006 sur le fondement de l'indice brut 410 (indice majoré 367). Mme A est renvoyée devant la commune pour la liquidation des sommes dues.
Article 3 : La commune de Chaley est condamnée à verser à Mme A la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Article 4 : Il est enjoint à la commune de Chaley de délivrer, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, à l'intéressée et aux organismes sociaux des bulletins de paie et des attestations de versement de salaires sur le fondement des stipulations du contrat du 12 avril 2005 et tenant compte de la présente décision.
Article 5 : Le jugement susvisé du 28 juillet 2009 du Tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : La commune de Chaley versera à Mme A, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Muriel A et à la commune de Chaley.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2011, à laquelle siégeaient :
M. Fontanelle, président de chambre,
M. Givord, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 avril 2011.
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N° 09LY02391