Vu la requête, enregistrée le 22 décembre 2010 à la Cour, présentée pour M. Aissa A domicilié chez M. Samir A ..., par Me Rodrigues, avocat ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1005549 du 2 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône en date du 12 août 2010 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire qui lui était faite ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour temporaire mention vie privée et familiale , à titre subsidiaire, un titre de séjour mention salarié ou, à titre infiniment subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 196 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Le requérant soutient que :
- il avait informé l'administration de son changement d'adresse comme en atteste l'autorisation provisoire de séjour que lui a délivré l'administration au moment de sa demande de titre de séjour ;
- la demande qu'il a présenté au tribunal n'était donc pas tardive ;
- les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ;
- l'administration a commis une erreur de fait en considérant qu'il était entré en France à la date du 5 juin 2008 et a entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de sa situation en retenant cette date dans son arrêté ;
- il réside depuis plus de 10 ans sur le territoire français où vivent régulièrement l'ensemble de ses frères et soeurs ainsi que ses neveux et nièces ;
- seule sa mère, âgée de 93 ans, vit encore en Algérie ;
- il est titulaire de plusieurs promesses d'embauches ;
- le préfet a donc entaché ses décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire d'une erreur manifeste d'appréciation et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;
- l'administration aurait du lui délivrer un titre de séjour mention salarié ;
- elle a donc commis une erreur manifeste d'appréciation et a méconnu les stipulations de l'article 7c) de l'accord franco-algérien ;
- en outre, il est présent sur le territoire national depuis le 11 août 2000 ;
- par conséquent, il a droit à un certificat de résidence mention vie privée et familiale en application des stipulations de l'article 6-1 du même accord ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 février 2011, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;
Le préfet soutient que :
- la requête de M. A était tardive devant le Tribunal administratif de Lyon dans la mesure où l'intéressé ne démontre pas l'avoir informé de son changement d'adresse ;
- c'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté sa demande comme irrecevable ;
- à titre subsidiaire, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à être motivée et les autres décisions énonçant les considérations de droit et de fait, elles sont suffisamment motivées ;
- la situation de l'intéressé a été parfaitement étudié et n'a pas semblé devoir conduire à sa régularisation ;
- s'il ressort des pièces versées en appel que l'intéressé est entré en France en août 2000, le passeport qu'il produit est périmé depuis le mois de juillet 2004 ;
- ce dernier n'apporte par ailleurs pas la preuve qu'il soit entré pour la dernière fois en France à cette date ;
- les décisions attaquées ne sont donc pas entachées d'erreur de fait ;
- il n'était pas tenu d'examiner d'office si le requérant pouvait bénéficier d'un titre de séjour mention vie privée et familiale alors que ce dernier a présenté une demande de titre salarié ;
- M. A n'établit pas être resté de manière continue sur le territoire français depuis le mois d'août 2000, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu la plus large partie de sa vie ;
- il est célibataire et sans enfant ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire ne méconnaissent donc pas les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;
- si l'intéressé présente une promesse d'embauche, la direction du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a rendu un avis négatif pour plusieurs raisons ;
- il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 7 c de l'accord franco-algérien ;
- l'intéressé n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-1 du même accord ni sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ;
- par conséquent, il ne saurait soutenir que les décisions attaquées ont méconnu ces textes, alors qu'il n'était pas tenu d'examiner d'office si le demandeur peut prétendre à la délivrance d'un titre sur ces fondements ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 avril 2011 :
- le rapport de M. Vivens, président ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
Considérant que M. A, ressortissant algérien, a sollicité la régularisation de sa situation en qualité de salarié le 24 août 2009 ; que par un premier arrêté en date du 3 décembre 2009, le préfet du Rhône a refusé de faire droit à sa demande et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que, par un jugement en date du 23 mars 2010, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de refus de titre de séjour au motif qu'elle était insuffisamment motivée et a annulé, par voie de conséquence, les décisions susmentionnées en date du même jour ; que, sur réexamen de la situation de M. A, le préfet du Rhône a rejeté de nouveau sa demande et a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que par un jugement en date du 8 juillet 2010, le tribunal administratif a annulé lesdites décisions en raison du défaut d'examen dont était entachée la décision portant refus de titre de séjour ; que suite à un second réexamen de sa situation, le préfet du Rhône, par trois décisions en date du 12 août 2010, a opposé un troisième refus à M. A, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que l'intéressé fait appel du jugement en date du 2 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 12 août 2010 ;
Sur la recevabilité de la demande présentée devant le Tribunal administratif de Lyon :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger qui fait l'objet d'un refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour ou d'un retrait de titre de séjour, de récépissé de demande de carte de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination peut, dans le délai d'un mois suivant la notification, demander l'annulation de ces décisions au tribunal administratif (...) et qu'aux termes de l'article R. 775-2 du code de justice administrative, qui s'applique au contentieux des décisions relatives au séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français : Le délai de recours est d'un mois à compter de la notification de la décision attaquée (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'autorisation provisoire de séjour délivrée le 2 août 2010 par la préfecture du Rhône et produite pour la première fois en appel, que M. A avait signalé aux services de la préfecture son changement d'adresse ; que le courrier contenant les décisions attaquées a été présenté à l'ancienne adresse de l'intéressé le 13 août 2008 et a été retourné à l'administration avec la mention boite non identifiable ; qu'ainsi le délai prévu par les dispositions précitées n'a pas couru ; que, dès lors, le jugement attaqué, qui a rejeté la demande de M. A pour tardiveté, est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ;
Considérant, en premier lieu, que les décisions portant refus de délivrance de titre de séjour et fixant le pays de destination comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et répondent ainsi aux exigences de motivation telles que posées par la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; qu'en outre, il résulte des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à être motivée ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de ces décisions doit donc être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en se bornant à soutenir que le préfet a considéré à tort qu'il n'existait pas de preuve de sa présence en France antérieurement à la date du 5 juin 2008, M. A n'établit pas que ce dernier n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation avant de rejeter sa demande de délivrance de titre de séjour mention salarié ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien : Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'Accord : (...) qu'aux termes du b) dudit article, applicable au présent litige : les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention salarié : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ; ; qu'en prévoyant l'apposition de la mention salarié sur le certificat de résidence délivré aux ressortissants algériens, les auteurs de l'accord ont habilité les services compétents à opérer sur l'exercice d'une activité salariée de ces ressortissants, un contrôle fondé sur la situation de l'emploi de la nature de celui que prévoit l'article R. 5221-20 du code du travail ; que selon cet article pour accorder ou refuser le titre de travail sollicité, le préfet du département où réside l'étranger prend notamment en considération la situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu, le cas échéant, des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà effectuées par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A disposait d'un contrat de travail en qualité d'aide électricien auprès de la société A2S ; que l'intéressé soutient qu'il dispose dans ce métier d'une expérience certaine et que les entreprises de ce secteur connaissent, s'agissant d'un métier en tension, des difficultés de recrutement ; qu'il ressort toutefois de l'avis de la direction départementale du travail en date du 17 novembre 2009 ainsi que des chiffres fournis par cette même direction à la préfecture le 10 août 2010, que pour la zone géographique concernée, les demandes d'emploi pour la profession d'aide électricien étaient supérieures aux offres d'emploi ; que, par suite, et alors même que M. A établit avoir travaillé en Algérie entre juillet 1987 et décembre 1989 sur un poste similaire, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour salarié ; que l'intéressé n'est par ailleurs pas fondé à soutenir que le préfet aurait dû saisir pour avis les services du ministre chargé de l'emploi au regard du nouveau contrat de travail qu'il avait présenté en février 2010 dès lors que, si certaines stipulations avaient été modifiées, ledit contrat prévoyait une embauche de l'intéressé sur le même poste d'aide électricien que précédemment et que la situation de l'emploi n'avait pas changé ; que par ailleurs, si l'intéressé soutient que l'arrêté mentionne une date erronée d'entrée en France, cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;
Considérant, en quatrième lieu, que la situation de M. A est régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, dès lors, il ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, en cinquième et dernier lieu, que M. A a sollicité le réexamen de sa demande de titre de séjour en qualité de salarié ; qu'en conséquence, le préfet du Rhône n'était tenu d'examiner sa demande que sur ce fondement ; que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 6-1 et 6-5 du même accord et de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont, par suite, inopérants ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions susvisées ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1005549 du Tribunal administratif de Lyon en date du 2 décembre 2010 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Aissa A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 14 avril 2011 à laquelle siégeaient :
M. Vivens, président de chambre,
Mme Steck-Andrez, président-assesseur,
M. Stillmunkes, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 mai 2011.
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N° 10LY02880